Dans la région Moyen Orient Afrique du Nord (MENA), des millions de personnes pourraient être exclues de la révolution en cours dans le domaine de l'information si les services de l’Internet haut débit ne sont pas suffisamment abordables.
Relever le défi de l’abordabilité de ces services est devenu une préoccupation majeure au niveau de la région MENA. De nombreux pays du monde arabe considèrent en effet que l’Internet haut débit est un composant clef de la cohésion nationale et de la transition vers une économie davantage fondée sur la connaissance.
Le haut débit permet d’accélérer le développement économique durable et la création d’emplois, et constitue une composante clef des stratégies de réduction de la pauvreté, de diversification des opportunités d’emplois, et d’approfondissement de l’intégration économique. En fait, le haut débit devrait avoir un impact aussi important sur la transformation de l’économie et de la société qu’ont pu l’avoir l’imprimerie, la machine à vapeur ou l’électricité. Mais pour que ceci se produise, il faut que le haut débit soit abordable.
Un nombre croissant de pays de la région MENA (à ce jour, 11 pays sur 19) ont donc adopté des stratégies pour promouvoir l’accès à l’Internet haut débit. L’existence d’une telle stratégie traduit la volonté du pays de mettre en œuvre un plan d’action spécifique visant à stimuler le développement du haut débit, en couvrant toutes les dimensions nécessaires et en incluant tous les acteurs clefs du secteur. Une stratégie haut débit contient en général des objectifs ambitieux en termes de pénétration ou de couverture des services de l’Internet haut débit. Par exemple, la stratégie haut débit de la République arabe d’Egypte vise 22% de pénétration du haut débit fixe dans les ménages en 2015 et environ 40% en 2021.
Le niveau des prix des services du haut débit joue un rôle décisif dans l’atteinte de tels objectifs de pénétration ou de couverture. Selon les analyses de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT), le taux de pénétration du haut débit s’accroit rapidement dès que le niveau des prix des services devient inférieur à la fourchette de 3 à 5% du revenu mensuel moyen.
Dans la région MENA, les prix du haut débit fixe correspondent à environ 3,6% du revenu mensuel par habitant, alors que les prix du haut débit mobile se situent à environ 7,7%. Djibouti, la Syrie et la République du Yémen sont significativement au-dessus de la fourchette de 3 à 5%, mais plusieurs pays (par exemple l’Algérie, l’Egypte, la Jordanie, la Lybie, le Maroc et la Tunisie) viennent d’atteindre un niveau de prix qui rend le décollage rapide du haut débit possible.
Niveau des prix du haut débit fixe et du haut débit mobile
Axe vertical: Prix des services haut débit en pourcentage du PNB par habitant par mois
Carré bleu = Prix du haut débit fixe en pourcentage du PNB par habitant par mois
Carré orange = Prix du haut débit mobile en pourcentage du PNB par habitant par mois
Trait vert = bas de la fourchette à 3%
Trait noir = haut de la fourchette à 5%
Sources : PNB par habitant : Banque mondiale, dernière information disponible ; Prix : Banque mondiale sur la base de données opérateurs
Note : Pour la Cisjordanie et Territoire de Gaza, les données ne sont pas disponibles ; valeurs pour Djibouti : haut débit (HD) fixe : 22,09% ; valeurs pour la Lybie : HD mobile 32,38% ; HD mobile : 77,15% ; valeurs pour la République du Yémen : HD fixe 9,97%, ; HD mobile : 12,86% ; valeurs pour la République arabe syrienne : HD mobile : 13,77%)
PNB = Produit National Brut
Source: Gelvanovska, Natalija, Michel Rogy and Carlo Maria Rossotto. 2014. Broadband Networks in the Middle East and North Africa, Accelerating High-Speed Internet Access. Directions in Development. Washington, DC: World Bank. doi: 10.1596/978-1-4648-0112-9. License: Creative Commons Attribution CC BY 3.0 (p.37)
Mais le niveau actuel des prix est encore trop élevé pour permettre une réelle diffusion des services haut débit. Il y a aujourd’hui un réel risque que des millions de personnes se voient exclues de la révolution de l’information qui est à l’oeuvre dans notre monde moderne. Dans des pays tels que l’Algérie, Dijouti, le Maroc, la Tunisie et la République du Yémen, les prix du haut débit fixe ou mobile restent loin d’être abordables pour au moins 60% de la population. Par exemple, un foyer représentatif des 60% les plus pauvres du Maroc devrait consacrer 26% de son revenu disponible pour accéder aux services du haut débit fixe et environ 23% pour le haut débit mobile.
En dépit d’importantes réformes structurelles menées à bien par le Maroc, un exemple à bien des égards, les services du haut débit sont encore inabordables pour la majorité de la population. Au Yémen, un foyer représentatif des 60% les plus pauvres devrait consacrer 49% de son revenu disponible pour accéder aux services du haut débit fixe et environ 38% pour le haut débit mobile.
Dans notre nouvelle étude qui sera lancée le 6 février prochain à Abu Dhabi, nous mettons en évidence les contraintes clefs qui empêchent le développement du haut débit. Pour la plupart des pays, c’est un manque à la fois de réelle concurrence sur le marché et d’incitations pertinentes pour le déploiement ou l’utilisation optimale des infrastructures. En s’attaquant à ces contraintes, la région MENA pourrait réussir un vrai effet de levier par rapport à deux atouts qui lui sont tout à fait spécifiques.
D’une part, les meilleures technologies haut débit (comme la Fibre jusqu’au domicile / jusqu’à l’immeuble pour le haut débit fixe, ou comme le 4G/LTE pour le haut débit mobile) sont en cours de déploiement. D’autre part, les compagnies de service public disposent de réseaux fibres optiques très importants qui pourraient être ouverts aux opérateurs de télécommunications. Mettre en oeuvre un ensemble de réformes stratégiques pourrait accélérer le déploiement des technologies de pointe et permettre d’étendre la couverture et la redondance des réseaux fibre optique nationaux permettant d’amener le haut début sur tout le territoire. Plus de concurrence permettrait aussi de garantir ces nouvelles technologies et ces réseaux plus étendus restent abordables. Des coûts plus faibles permettraient en effet d’accroitre la pénétration, tout particulièrement au bénéfice de la population jeune, qui constitue le futur moteur de l’économie et de la société. Réduire les coûts de l’accès permettra de réaliser toutes les promesses de l’Internet haut débit pour le développement de la région.
Par Michel Rogy - Source de l'article Blog Banque Mondiale
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