Si le XXe siècle a été dominé par le conflit Est/Ouest, puis par la mondialisation, le XXIe siècle sera celui la régionalisation Nord-Sud et du retour à la proximité, particulièrement en Méditerranée. Et la France peut jouer un rôle essentiel dans cette nouvelle perspective, estime Jean-Louis Guigou.
Jean-Louis Guigou, Délégué général de l'IPEMED |
Jusqu'à la chute du mur de Berlin, le conflit Est-Ouest imposait une lecture "horizontale" du monde. Faite d'affrontements idéologiques (capitalisme contre communisme), militaire (Otan contre le pacte de Varsovie) et économiques. Après l'effondrement du communisme, une nouvelle lecture du monde s'est progressivement imposée selon une "Verticale" Nord-Sud.
De grands ensembles régionaux se constituent, qui associent en général des pays du Nord développés et vieillissants à des pays de leur Sud jeunes et émergents.
Des régions qui prennent la forme de "quartiers d'orange", expression que j'ai utilisée la première fois dans Le Monde du 20 mars 2007. Ces grandes régions (mondiales) Nord/Sud sont « voulues » et structurées par les entreprises - souvent de grosses PME/PMI - qui tirent avantage de la proximité géographique, de la complémentarité des niveaux de développement et procèdent à des co-localisations (un pied au Nord et un pied au Sud), et à des co-productions (partage de la valeur ajoutée, partenariat et transfert de technologies). Ainsi s'organise l'intégration régionale par la production. Le secteur public accompagne ce mouvement Nord-Sud avec la promotion de la formation professionnelle, la constitution de filières, la sécurisation des investissements et la coopération décentralisée (collectivités locales, université, hôpitaux,…).
La plus puissante, c'est bien Asean + 6, grand marché commun asiatique, qui va du Japon à l'Australie, contrôlé par la Chine et que l'Inde vient de rejoindre, fin 2013… Un grand ensemble économique, et non politique, de 10 000 kms de long et qui compte trois milliards cinq cent millions de population, avec 53 % d'intégration pour les exportations. Dans les Amériques, c'est l'Alena (nord Amérique) avec 49 % d'intégration, qui coopère de plus en plus avec le Mercosur (25 % d'intégration), grand ensemble sud-américain.
L'Europe a négligé l'intégration de son voisinage sud
L'Europe qui fait figure de pionnière dans l'intégration régionale, avec actuellement 75 % d'intégration des exportations et 80 % si on inclut le voisinage Est avec l'URSS, a négligé son intégration du voisinage sud. Mais les choses sont en train de changer, grâce à la France très active dans les pays arabes et sur le continent africain.
« Cap au Sud » pourrait être le slogan de notre diplomatie économique : visites ministérielles, missions, intervention militaires (Mali, Centreafrique…) nouveau discours présidentiel (Alger, Tunis, Rabat).
« Cap au Sud » pour y apporter un appui pour davantage de stabilité, de démocratie, de développement d'un part, et pour y trouver de nouveaux leviers de croissance en mobilisant notamment la diaspora maghrébine.
« Cap au Sud » pour valoriser la proximité, la complémentarité et les mobilités nécessaires pour faire face aux enjeux du XXIe siècle, tels que la sécurité alimentaire, le réchauffement climatique et les migrations de grande ampleur.
Les grandes entreprises mondiales retiennent déjà pour leur découpage d'intervention la région EMEA (Euro Middle East Africa). Avec cette vision « verticale » de la lecture du monde, la grande épopée qui s'ensuivra sera gagnée par les pays du Nord (Américains, Japonais, Chinois, Européens…), qui sauront établir des relations de confiance et équitable avec leur Sud. L'Europe, parce que humaniste et sociale, a toutes ses chances de réussir sa connexion avec « son » Sud.
Le XXe siècle a ainsi été dominé par le conflit Est/Ouest, puis par la mondialisation.
Le XXIe siècle sera dominé par la régionalisation Nord-Sud et par le retour des territoires et de la proximité. « La Verticale » (jeune et émergente) n'a pas encore détrôné la « Trilatérale » (vieille mais développée), mais en vingt ans les rapports géopolitiques vont changer.
Par Jean-Louis Guigou - Blog la Tribune
* IPEMED : Institut de prospective économique du monde méditerranéen, Paris.
Site : www.ipemed.coop
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