Journées du film européen d'Alger : Plus de cinéphiles que de professionnels du cinéma

La mémoire des conflits et les interrogations sur la diversité des sociétés en Europe aujourd'hui étaient au cœur des œuvres cinématographiques programmées des Journées du film européen d'Alger qui ont attiré, durant une semaine, beaucoup de cinéphiles mais peu de professionnels du cinéma.

Avec la projection à la filmothèque Mohamed-Zinet de plus de vingt longs-métrages inédits en Algérie, ces Journées, qui ont pris fin samedi, auront été aussi l'occasion de présenter au public algérois une vision générale des orientations du cinéma européen contemporain.
Des films comme "Die Lebenden" (Les vivants) de la réalisatrice autrichienne Barbara Albert, "Barbara" de l'Allemand Christian Petzold ou encore "Halimin Put" (Le chemin de Halima) du cinéaste croate Arsen Ostojic, ont tenté d'explorer des blessures profondes induites par les conflits européens du XXe siècle (Seconde Guerre mondiale, partition de l'Allemagne après la défaite du nazisme et la guerre en ex-Yougoslavie) et leurs conséquences. A travers des histoires d'amour ou des récits de parcours individuels, ces films qui avaient tous un conflit en trame de fond, ont tenté de questionner une histoire commune aux peuples d'Europe, tout en suggérant aux nouvelles générations le dépassement des drames du passé. Dans un autre registre, certaines œuvres comme "La petite Venise" de l'Italien Andrea Serge, "Gare du nord" de la Française Claire Simon et "Being Like Denya" de la Polonaise Anna Wieczur-Bluszcz, se sont intéressées à la diversité des sociétés européennes dont la structure a profondément changé ces trois dernières décennies.
Dans des décors de gare ferroviaire ou de village, pris comme des microcosmes de la société, ces œuvres plaident en filigrane un changement de regard sur la composante humaine des sociétés européennes et une meilleure exploitation des possibilités qu'offre cette nouvelle richesse culturelle. Les destins de personnages historiques marquants étaient aussi portés à l'écran avec le documentaire "Palme" dédié au Premier ministre suédois Olof Palme assassiné en 1986 ou "Opération automne", une fiction relatant le parcours du général portugais Humberto Delgado opposant à la dictature de Salazar.

Cinéastes et débats, les grands absents
Malgré la richesse et la diversité des films programmés, ces Journées du film européen n'ont pas réussi à attirer les professionnels du cinéma algérien, y compris aux rencontres qui leur étaient spécialement destinées. A l'exemple de la rencontre "Le documentaire dans le monde arabe : perspectives et développements" et le master class "Le film comme moyen de pression politique", tous deux boudés par les professionnels.
Présentés sommairement par les membres du corps diplomatique européen avant chaque projection, des films qui ont suscité de fortes interrogations chez le public comme "Kinshasa Kids" (Belgique) -une fiction sur les enfants des rues présentée comme un documentaire et dont certaines scènes, équivoques, ont quelque peu dérouté le spectateur- n'ont pu être, par ailleurs, débattus en l'absence de leurs auteurs. Les cinéphiles d'Alger ont, en revanche, répondu présent aux projections, et la salle de la filmothèque Mohamed-Zinet, à la capacité d'accueil certes modeste, affichait souvent complet.

"Quartet", une opérette pour l'espoir, en clôture des journées du film européen
La comédie raffinée et très riche en musique, "Quartet", une opérette pour l'amour de la vie et l'espoir réalisée par l'illustre acteur américain Dustin Hoffman a été présentée samedi pour la première fois aux cinéphiles algérois. Sortie en 2012, cette comédie de 102 mn produite par le Royaume-Uni a été projetée en clôture des secondes journées du film européen à Alger qui se sont tenues à la salle de la filmothèque Mohamed-Zinet. Se déroulant entièrement dans une maison de retraite britannique raffinée qui accueille des musiciens et chanteurs d'opéra à la retraite, le film relate le quotidien particulier de Wilf (Billy Connolly), Reggie (Tom Courtenay) et Cissy (Pauline Collins) qui n'assument pas encore leur condition de retraités et font encore preuve de talent et joie de vivre. Chaque année, les locataires organisent un gala de charité pour financer l'établissement et pour célébrer l'anniversaire du compositeur italien Giuseppe Verdi. Pour cela la maison de retraite se transforme en salle de répétition pour musicien et chanteur à la retraite avec son lot de situations burlesques résultant de l'état de santé des artistes et de leurs caprices. L'arrivée de Jean Horton, grande diva de l'opéra admirée de tous, et ex-femme de Reggie, bouleverse les plans pour le spectacle, les anciennes blessures du couple et l'hésitation de l'ancienne diva compromettent le gala. Même dans ce décor limité à une demeure et un jardin, les dialogues et le scénario étaient portés par un jeu d'acteurs très expressif pouvant autant servir la comédie que provoquer d'intenses émotions. Entre musique classique, opéra et jazz classique, "Quartet" est aussi une œuvre avec une grande musicalité qui a mobilisé des orchestres symphoniques entiers. Une fois la diva convaincue de prendre part au gala, les musiciens sont confrontés à la santé vacillante de quelques artistes, mais encore une fois la volonté et l'amour de la vie prennent encore le dessus pour transformer la maison de retraite en réelle salle d'opéra. Pour le public ce film était "une note d'espoir et une leçon de vie" qui est venu ponctuer une dizaine de jours de découverte cinématographique.
Après une dizaine de jours de projection et un grand succès auprès du public qui était présent en nombre à toutes les séances, les organisateurs souhaitent déjà reconduire cet événement et introduire le septième art dans la programmation du festival culturel européen prévu en mai prochain .
Par Nora D. - Source de l'article Le Maghrebdz

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