L'Afrique est l'avenir économique de la Tunisie

"Il y a deux manières de conquérir et d'asservir une nation, l'une est par les armes, l'autre par la dette". John Adams
Depuis quelques années, la Tunisie traverse une crise économique majeure liée aux conjonctures nationales et internationales difficiles. Cette crise a eu raison du régime de Ben Ali et des gouvernements transitoires qui lui ont succédé.
Aujourd'hui, les capitaux étrangers boudent le pays ou le fuient. Quant à l'investissement local, il peine à remonter la pente et souffre des troubles sociopolitiques qui handicapent la dynamique économique nationale. Or, dans ce marasme économique général, un continent sort du lot et affiche une croissance positive et exponentielle: l'Afrique.
Le continent omis
Alors que le Maroc et la Turquie ont misé sur les pays africains comme terrain d'investissement, la Tunisie n'accorde quasiment aucun intérêt à ce continent pourtant riche en opportunités. La participation tunisienne se fait rare dans une région en construction, en quête d'investissements et de ressources humaines. L'Afrique est un véritable chantier.
Un pays comme Djibouti est ouvert aux capitaux et à la main-d'œuvre étrangère: l'économie est libérale, le marché est encore jeune et les lois en matière d'investissement sont relativement souples. De ce fait, le choix en termes d'investissements y est abondant. L'Etat djiboutien encourage la création d'entreprises dans tous les secteurs: textile, alimentation, tourisme, métallurgie, aménagements urbains, télécommunication, énergies, etc. Le pays est, de surcroît, muni d'une infrastructure aérienne et maritime facilitant les transactions commerciales: il est doté d'un aéroport principal et de trois grands ports dont un en eau profonde (en cours d'achèvement).
Djibouti, comme le reste de l'Afrique d'ailleurs, se présente ainsi comme le nouvel eldorado des investissements étrangers. Par conséquent, une question prédomine: Qu'attend la Tunisie pour investir sérieusement en Afrique?

Changer la mentalité de l'entreprenariat et de la population active

En comparaison avec d'autres pays, la mentalité de l'entreprenariat qui prévaut dans notre pays est rigide et dépassée.
Nos entrepreneurs, nos jeunes diplômés et notre main-d'œuvre privilégient encore les liens économiques, historiques et culturels traditionnels qui unissent la Tunisie à l'Europe. Dans l'imaginaire tunisien, l'Europe s'offre comme un "éden" financier où il fait bon vivre et où on peut gagner beaucoup d'argent. Cependant, le marché économique européen est déjà en voie de saturation et la crise économique qui sévit en Occident n'arrange pas la situation.
D'autre part, l'image que l'ensemble des Tunisiens ont du reste de l'Afrique est celle d'une région pauvre, instable et meurtrière, en proie à des guerres interminables, à la famine et aux maladies. Cette image erronée est le fruit des représentations médiatiques dépréciatives et du peu d'informations qui proviennent des autorités tunisiennes. Cet état de fait dissuade les entrepreneurs et la population active - toutes catégories confondues - à investir et à s'installer dans une région peu connue des professionnels et du public tunisiens. Finalement, la politique tunisienne en matière d'entreprenariat s'avère être fermée sur elle-même, refusant les nouvelles alternatives et solidement attachée à ses échanges économiques traditionnels.
Le rôle de l'Etat tunisien et du nouveau gouvernement
Dans ce contexte, le rôle de l'Etat et du nouveau gouvernement est essentiel. Il consiste à sortir des sentiers battus en ouvrant un pont commercial entre la Tunisie et les Etats africains, en élargissant les échanges culturels et en renforçant les relations bilatérales entre pays.
L'Etat doit inciter les entrepreneurs tunisiens à investir massivement en Afrique. A ce niveau, le rôle de la communication est important dans la mise en œuvre d'une telle stratégie économique. Une bonne communication permettra également la fabrication d'appréciations favorables, un vecteur qui incitera la main-d'œuvre et les jeunes diplômés à franchir les frontières de la Tunisie et à rompre avec le stéréotype de "l'éden européen", responsable de désillusion et de pertes humaines annuelles (des centaines de jeunes Tunisiens finissent noyés en Méditerranée dans l'espoir de trouver du travail et d'avoir une vie meilleure).
Outre la communication, les institutions doivent avoir la fonction d'orienter les sujets concernés et de créer plusieurs points assurant un lien direct avec les groupes et les personnes intéressés par l'Afrique.
Aussi, les efforts des autorités publiques ne sont pas négligeables dans le renouveau de l'économie tunisienne. Faut-il pour cela avoir l'esprit d'ouverture et d'innovation nécessaire et être à la hauteur des espérances d'un peuple.

Hajer Zarrouk (Enseignante chercheuse) - Source de l'article Huffpostmaghreb

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