Un des effets de la crise financière de 2007-2008 est une exigence accrue en terme de responsabilité de la part des banques. Dans ce cadre, plusieurs formes de finances souhaitent répondre à cette exigence de responsabilité. Ainsi, les finances dites "éthique" et "islamique" constituent des formes en plein essor.
La finance éthique relève d'une démarche alternative
La finance éthique est un concept relativement récent et en constante évolution. Néanmoins, il est possible d'identifier des éléments constitutifs : lutte contre les inégalités, respect de l'environnement et soutenabilité. Dans ce cadre, le but de la finance éthique est d'allier le financement de l'économie à partir de critères jugés éthiques et dans un cadre de développement durable. En pratique, la finance éthique correspond à des produits financiers encore méconnus tels que le microcrédit, l'Investissement Socialement Responsable (ISR) (voir graphique ci-dessus) ou encore l'épargne solidaire.
La finance islamique, comme son nom l'indique, est basée sur la doctrine islamique
Etant basée sur la charia, autrement dit la loi islamique, la finance islamique considère l'argent comme improductif, et à ce titre il ne peut servir que d'unité de compte. Typiquement, la pratique de l'usure est proscrite. L'usure se définit comme un taux d'intérêt supérieur au taux légal que demande un prêteur. A titre indicatif, un taux est considéré comme usurier lorsqu'il est supérieur à 20%, même si ce taux peut évoluer selon l'époque, le lieu et le contexte.
Malgré quelques tentatives avortées (Malaisie dans les années 40 et Pakistan dans les années 50), la première banque fonctionnant sur les bases de la charia voit le jour en 1963 en Egypte. Elle s'appelle de nos jours la "Nasser Social Bank". Le principe de base pour qu'un produit financier soit considéré comme "halal" (qui respecte la charia) est que le taux d'intérêt ne doit pas être défini à l'avance pour respecter le principe de la non rémunération de l'épargne.
La Charia permet toutefois le partage des bénéfices obtenus par l'investissement. En pratique, cela signifie que les comptes peuvent être rémunérés à la fin de chaque mois en fonction des résultats de la banque. En effet, le déposant n'est pas considéré comme un créancier mais comme un partenaire, ce qui suppose que le profit, mais aussi les pertes, sont partagés.
Il y a des spécificités liées à cette finance islamique. Par exemple, il est interdit d'investir dans les métaux précieux. Une des principales spécificités correspond aux prêts immobiliers. En effet, les prêts immobiliers posent un problème de rémunération avec un taux d'intérêt. La solution pour contourner cette difficulté est que la banque achète elle-même le bien immobilier, et c'est ensuite l'emprunteur qui paye un loyer à la banque jusqu'à ce que le montant du bien immobilier soit remboursé. Au final, c'est surtout une considération sémantique pour passer d'un taux d'intérêt à un loyer. Les principaux produits islamiques s'appellent Mourahaba, Moudaraba, Moussharaka, Ijara et Istisna.
Limite et potentiel de la finance éthique et de la finance islamique
Le potentiel de développement de la finance islamique en France est très important. En effet, la France détient une population musulmane très élevée avec une population supérieure à 6 millions de personnes, soit près de 10% de la population totale. La forte population musulmane s'explique par des motivations économiques antérieures (reconstruction de la France après la seconde guerre mondiale et besoin de main d'œuvre pendant la période des 30 glorieuses). Par la suite, le regroupement familial instauré en France au milieu des années 70 est venu renforcer cette situation en faisant passer la population musulmane d'une situation de "passage" à une implantation durable.
En ce qui concerne la finance éthique, la demande toujours plus importante en matière de responsabilité des investissements constitue un terreau favorable au développement de ces produits financiers dits éthiques. Néanmoins, elle recouvre pour le moment moins de 2% des actifs financiers. En effet, malgré le fait que ces sujets trouvent un écho de plus en plus favorable dans une large partie de la population, les discours ont du mal à passer aux actes. Au final, les comportements en termes d'épargne et de placement demeurent très traditionnels. Il est peu probable que la finance éthique puisse prétendre à une place beaucoup plus importante sans soutien de la part des pouvoirs publics. De plus, la finance éthique ne relève pas d'un changement profond de fonctionnement car elle est en réalité une branche de la finance traditionnelle où ce sont les critères de placement qui diffèrent, plus que la philosophie générale.
En revanche, la finance islamique se place dans un cadre beaucoup plus innovant même si elle demeure une activité de niche. Elle est surtout développée dans des pays anglo-saxons, et notamment au Royaume-Uni. Sur le plan juridique, la France aurait normalement dû bénéficier d'un avantage compétitif. En effet, la France est l'héritière d'un droit romain, plus proche du droit islamique que du droit anglo-saxon, mais les lenteurs administratives spécifiques à la France n'ont jusqu'à présent pas permis de développer ce genre de produits, malgré des efforts dans ce sens. Sur le plan sociologique et économique, la France compte une population musulmane trois fois plus importante qu'en Grande-Bretagne. Là-aussi, la France aurait dû bénéficier de cet avantage. Toutefois, la population musulmane française est surtout issue des pays du Maghreb dont la population est moins rompue aux pratiques de la finance islamique que les populations immigrées malaisiennes ou pakistanaise présentes en Grande-Bretagne.
Par Sylvain Fontan, “Le développement de la finance éthique et islamique en France”, décryptage publié sur «leconomiste.eu»
Source de l'article JOL Press
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