François Hollande était vendredi à Malte pour une rencontre entre pays du bassin méditerranéen. Lancée en 2008 à l'initiative de Nicolas Sarkozy, l'Union pour la Méditerranée n'a jamais réussi a atteindre son rythme de croisière, bloquée par l'arrivée des printemps arabes, en 2011.
A l’heure où se déroule le dialogue 5+5 à Malte en présence du secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée (UPM), le Marocain Fathallah Sijilmassi, se pose la question de la forme que prendra ce projet porté à bout de bras par Nicolas Sarkozy et théorisé en partie par son ex-conseiller spécial Henri Guaino.
L’idée de mettre en place un véhicule pour l’organisation de la coopération méditerranéenne est assez ancienne, puisque le Processus de Barcelone, parfois appelé Euromed, en jette les bases dès 1995. L’Euromed trouve ses racines dans la volonté d’organiser un dialogue Nord-Sud, tout en dépassant les défaillances des organismes d’intégration régionale institués auparavant, comme l’Union du Maghreb Arabe (UMA).
D’un point de vue stratégique, outre la volonté de maîtriser très en amont les flux migratoires en travaillant avec les chefs d’États des pays émetteurs, l’UPM trouve également ses fondements dans la volonté de déployer un instrument d’influence français avec un centre de gravité assez bas.
Au milieu des années 2000, il est apparu qu’un véhicule euro-méditerranéen pouvait aussi contribuer à l’instauration d’un rééquilibrage des positions allemandes si elles venaient à trop se déporter vers l’est, avec notamment les montées des inquiétudes de l’Hexagone face à la consolidation de l’alliance avec la Russie via le projet de Gazoduc-Nord piloté par l’ex-chancelier Gerhard Schröder.
C’est donc dans un climat géopolitique particulier - et alors que la France préside l’Union Européenne - que Nicolas Sarkozy lance le projet d’UPM en 2008 à Paris avec cette énergie propre au personnage.
Tout au long de son mandat, l’UPM sera suive de très prêt par le conseiller spécial du président, Henry Guaino, qui coordonne étroitement avec le secrétariat général de l’institution basée à Barcelone la mise en place progressive du projet.
La rupture Méditerranéenne de François Hollande
L’arrivée de François Hollande au pouvoir va immédiatement être suivie par une rupture symbolique de la gestion par la France du dossier UPM, puisque ce dernier ne sera plus suivi directement par l’Elysée, mais sera confié réellement au quai d’Orsay, devenant presque - du moins dans la forme - une question de politique étrangère.
François Hollande, qui se construit beaucoup par rapport à son prédécesseur, veut sans doute signifier par ce déménagement qu’il souhaite mettre plus d’humilité dans la démarche, affirmant même sa volonté de construire une "UPM des projets" quelques mois plus tard.
Ce glissement sémantique savamment calculé par les conseillers présidentiels n’est pas anodin. Obnubilé par sa volonté de se distancier de Nicolas Sarkozy et soucieux de construire sa stature présidentielle en "double miroir" avec son bouillonnant prédécesseur, François Hollande cherche à véhiculer une image opérationnelle à l’UPM. En utilisant l’expression "UPM des projets", il signifie peut-être que la formule adoptée par Sarkozy était trop politique, trop abstraite pour conquérir les cœurs des riverains de la Méditerranée.
Un paradoxe de positionnement
Ceci entraine donc aujourd’hui un paradoxe de positionnement pour l’UPM, qui doit désormais concilier sa vocation politico-stratégique historique avec une dimension directement opérationnelle qui permettrait d’installer une nouvelle image pour cette institution qui est devenue une mini-organisation internationale.
Comment l’institution basée à Barcelone vivra-t-elle ce changement de vocation ? Selon plusieurs observateurs, l’"UPM des projets", si chère à François Hollande, était en réalité dans les startings-blocks depuis longtemps.
Il ne lui manquait plus que le signal politique pour procéder à son déploiement.
En termes pratiques, ceci signifiera que l’UPM s’impliquera dans les grands chantiers transversaux de la région tels que l’autoroute trans-maghrébine ou le plan solaire méditerranéen tout en continuant à financer des projets à plus court terme mais revêtant un aspect stratégique, tel que la désalinisation de l’eau de mer dans la bande de Gaza.
Se profile toutefois une opposition de style entre François Hollande et Nicolas Sarkozy qui est en passe de devenir un classique de la vie politique française. Pour détourner la célèbre maxime souvent utilisée par les promoteurs du processus de Barcelone, l’UPM est devenue, peu à peu "cette mer qui sépare" l’actuel de l’ancien président de la République.
Par Abdelmalek Alaoui - Source de l'article Atlantico
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