Les Ministres de l'Industrie de l'Union pour la Méditerranée (UpM) se sont réunis le 19 février 2014 à Bruxelles. Cette 9ème Conférence ministérielle s’inscrit dans le prolongement des précédentes conférences qui se sont tenues très régulièrement tous les deux ans, depuis le début du Processus de Barcelone en 1995.
La 9ème Conférence ministérielle UpM sur l’Industrie a été co-présidée par le vice-président de la Commission européenne en charge de l’Industrie et de l’Entrepreneuriat, Antonio TAJANI, et le ministre jordanien de l’Industrie et du Commerce, Hatem Hafez AL-HALAWANI AL-TAMIMI.
Le processus de coopération industrielle euro-méditerranéenne se traduit par la volonté, d’une part, de mettre en œuvre la convergence des politiques industrielles des deux côtés de la Méditerranée par des programmes nationaux et multinationaux et, d’autre part, d'aider les entreprises à l'international en échangeant des informations, des connaissances, des outils et des bonnes pratiques pour stimuler l'entrepreneuriat dans la région par des programmes de coopération transfrontalière.
La 9ème Conférence a été porteuse d’un nouvel élan pour la coopération industrielle entre les deux rives de la Méditerranée pour les deux années à venir. Les délégations d’une quarantaine de pays, dont une quinzaine représentées par un ministre de l’Industrie, ont abordé deux sujets majeurs : l’amélioration de l’environnement des affaires dans la région ainsi que la stratégie de co-développement industriel en Méditerranée. La Conférence a, en particulier, permis de faire le bilan des activités menées en matière de coopération industrielle dans la région, de définir les orientations prioritaires traduites en un programme de travail pour 2014-2015 et de donner une impulsion politique à la coopération par l’adoption d’une Déclaration conjointe.
Les participants ont échangé sur un très grand nombre de sujets, donnant à ce Forum ministériel sur l’Industrie un cadre très large. Ils ont notamment discuté sur des sujets portant sur le développement d’entreprises créatrices d’emplois, l’accroissement des investissements nationaux et étrangers, l’intensification des échanges commerciaux et du déploiement de partenariats inter-entreprises. Ils ont rappelé le besoin qu’ont les petites et moyennes entreprises (PME) de bénéficier d’un soutien spécifique des pouvoirs publics, en particulier celles qui ont un potentiel de croissance et de création d’emplois ; les grandes entreprises exerçant, quant à elles, un effet d’entrainement pour intégrer les PME dans des chaines de valeur mondiales et faciliter le transfert technologique. Ils ont souligné l’importance de la formation d’une main-d’œuvre qualifiée, capable de s’adapter à l’évolution technologique ; des travaux d’infrastructures comme puissant moteur de développement socio-économique ; ainsi que du rôle des jeunes, des femmes et de la société civile dont le rôle économique mérite d’être amplifié. Enfin, ils ont encouragé l’accélération de réformes, tant sur un plan horizontal que sectoriel, avec l’appui des institutions et des Etats membres de l’Union européenne ainsi que d’autres bailleurs de fonds.
Fathallah SIJILMASSI, Secrétaire général de l’UpM, a insisté sur la dimension régionale de l’UpM. Il a rappelé que les défis sont nombreux, que les pays du sud présentent de multiples avantages et que le rôle du secrétariat de l’UpM est de faire avancer opérationnellement la coopération industrielle à travers plusieurs projets : les chantiers de simplification des entreprises (SBA), le soutien aux entreprises, une meilleure coopération et les échanges de bonnes pratiques. Les participants à la réunion ont salué le travail accompli par le Secrétariat de l’UpM pour lancer ces projets concrets.
Il a également affiché son soutien à l’Initiative Maghrébine pour le Commerce et l’Investissement (IMCI), adoptée la veille à Marrakech lors du troisième forum des entrepreneurs maghrébins (les 17 et 18 Février 2014). Le Secrétaire Général, partenaire institutionnel de cette initiative annoncée lors du Forum économique du Dialogue 5+5 en octobre dernier, espère que ce nouveau cadre de coopération pourra servir d’exemple et être élargi à d’autres partenaires.
Il a enfin énuméré les projets soutenus par l’UpM en matière de coopération industrielle :
- l’établissement d’un Réseau euro-méditerranéen de garantie pour faciliter l’accès aux financements des PME ;
- le Centre euro-méditerranéen pour le développement des PME visant à fournir de l’assistance technique aux PME à travers un réseau d’agences publiques et privées (projet labellisé en décembre 2012 et promu notamment par le ministère italien des Affaires étrangères);
- la promotion de schémas de production durable ("resource efficiency patterns ») en collaboration avec l’ONUDI, l’UNEP et la BERD (projet qui sera présenté au SOM d’avril pour labellisation);
- l’initiative « Med4Jobs » pour la création d’emplois (labellisée en 2012 et lancée en septembre 2013), dont le premier projet s’intitule “Génération Entrepreneur”.
L’amélioration de l’environnement des affaires : promotion de l’entrepreneuriat et soutien aux PME
Le premier segment de la Conférence ministérielle a traité de l’objectif majeur de coopération industrielle euro-méditerranéenne qui est de favoriser un environnement propice au commerce régional en encourageant les PME à innover, à exporter, à travailler en réseau et à internationaliser, notamment au moyen de dialogues et d’échanges de bonnes pratiques dans les secteurs d’intérêt commun, tels que l’industrie du textile et de l’habillement et l’industrie de la création.
L’OCDE et l’European training Foundation ont présenté les principales conclusions et recommandations de l’évaluation de la mise en œuvre de la Charte Euro-méditerranéenne pour les entreprises. Il a été relevé que le défi majeur pour les économies méditerranéennes, en particulier celles qui connaissent une transition politique, consiste à élaborer et à mettre en œuvre des politiques structurelles en ces temps difficiles où des solutions à court terme s’imposent. Des associations d’entreprises internationales et nationales ont présenté certains des défis et des opportunités dans ce domaine.
Pascal FAURE, Directeur Général de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services au Ministère du redressement productif français (DGCIS), a représenté à cette Conférence de M. Arnaud MONTEBOURG excusé par sa présence au Conseil des ministres franco-allemand. M. FAURE a insisté sur la nécessité de faire preuve de « volontarisme politique » pour faire de la Charte euro-méditerranéenne des entreprises un vecteur majeur pour la réalisation de cet objectif par la simplification administrative, l'accès au financement et la formation à l'entrepreneuriat. Il a souligné l’importance d’une « coopération renforcée entre les gouvernements des deux rives de la Méditerranée pour créer un ensemble régional intégré où les entreprises seraient au cœur de notre développement commun. ». Il a, par ailleurs, rappelé que la France partage le souci de promouvoir un entrepreneuriat plus inclusif, en particulier en favorisant la participation des femmes et des jeunes.
Le Vice-président de la BEI, Philippe DE FONTAINE VIVE, constatant que le taux de création d’entreprises dans la région méditerranéenne était trop faible, a évoqué les outils mobilisés et mobilisables par la BEI pour améliorer la situation. Les outils déjà utilisés par la Banque étaient les suivants : lignes de crédits aux PME via les banques nationales, prêts directs aux grandes entreprises, contributions aux fonds d’investissements (capital risque) ; opérations de microfinance (35 millions d’euros mobilisés à ce jour). D’autres outils étaient envisagés, et le Vice-président a demandé le soutien d’Antonio TAJANI pour les développer : un programme de garanties sur les crédits des PME (déjà effectif pour les pays UE) ; un soutien à la R&D (sur le modèle du programme Horizon 2020) ; une aide directe pour les entreprises de taille intermédiaire ayant un fort potentiel de croissance ; des programmes de conseil/coaching entreprenarial.
Le Directeur des relations internationales de l’OCDE, Marcos BONTURI, a souligné la nécessaire réforme réglementaire à effectuer, afin d’établir un tissu de PME qui soit capable de résister aux chocs. De ce point de vue, il a souligné certains exemples de bonnes pratiques, notamment le cadre très structuré qui a été mis en place au Maroc et en Israël (une stratégie pluriannuelle et un mécanisme de suivi). Il a appelé à développer une approche intégrée vis à vis des PME, mettant l’accent sur l’accès aux financements, l’innovation, le développement des compétences et la facilitation des échanges.
La Directrice de la Fondation européenne pour la formation, Malden SERBAN, s’est félicitée des nombreuses bonnes pratiques relevées sur le terrain, notamment dans le tertiaire. Elle a appelé à un soutien politique fort pour pérenniser ces bonnes pratiques.
Elle a surtout tenu à souligner que c’était la première fois que le capital humain avait été mis en haut de l’agenda. Emploi, éducation et pratiques industrielles devaient désormais être évoquées conjointement. C’est en ce sens qu’elle a encouragé les Etats membres à associer les ministres de l’éducation et la Commissaire VASSILIOU aux prochaines réflexions sur l’entreprenariat. Une rencontre des ministres de l’Education et du Travail, sous présidence italienne, était d’ailleurs à l’étude (potentiellement le 20 novembre 2014).
Une stratégie globale pour relancer le co-développement industriel entre les deux rives
La seconde thématique de cette Conférence ministérielle a porté sur le développement d’une stratégie de co-développement industriel pour la zone euro-méditerranéenne. M. FAURE a défendu l’idée d’un nouveau modèle de partenariat entre les deux rives de la Méditerranée qui pourrait être « basé sur le concept de co-développement et qui favorisera l’intégration économique par la production et le partage de la chaine de valeur ».
Le Commissaire européen à l’élargissement et à la politique européenne de voisinage, Štefan FULE, a rappelé que la Commission avait dégagé 800 millions d’euros depuis 2011 pour favoriser le développement inclusif dans la région. Depuis 2011, la facilité d’investissement pour le voisinage a contribué à financer des projets dans le Sud de la Méditerranée pour un montant de 335 millions d’euros. Il a également rappelé l’importance du dialogue régional et que les défis ne sont pas seulement économiques mais également politiques. Il a souligné que la participation pleine et entière des femmes est un facteur crucial pour le développement économique. Par ailleurs, l’UE travaille à établir des Accords de libre-échange complets et approfondis avec l’Egypte, le Maroc, la Tunisie etc. depuis plusieurs années. Pour l’avenir, plusieurs actions sont envisagées : poursuivre le soutien au secteur privé (avec la recherche de nouvelles ressources de financement), encourager les investissements privés, utiliser au mieux l’UpM en rapprochant les feuilles de route avec le secrétariat de l’UpM, adopter une nouvelle approche inclusive avec des partenaires privés. En conclusion, il a indiqué que les défis sont énormes mais que le potentiel de la région l’est aussi et que l’UE s’est engagé à en faire un succès.
L’adoption d’une Déclaration conjointe en vue de favoriser et de promouvoir un grand marché industriel euro-méditerranéen
La Conférence s’est clôturée par l’adoption d’une Déclaration conjointe. Elle constitue une étape importante dans le processus d’évolution vers une région euro-méditerranéenne où les PME peuvent être constituées, se développer, créer des emplois, s’internationaliser, investir et établir des partenariats commerciaux.
Elle identifie six axes principaux pour la coopération industrielle en Méditerranée :
- Poursuivre la mise en œuvre de la Charte euro-méditerranéenne pour l’entreprise et la réconciliation avec le «Small Business Act» pour l’Europe, en tenant compte des conclusions et des recommandations de l’évaluation de 2013 concernant la mise en œuvre de la Charte et du «Small Business Act» pour l’Europe, ce qui suppose une formation à l’échelon régional et local ainsi que l’optimisation et la mise en synergie de l’appui financier et de l’assistance technique fournis par l’Union et d’autres donateurs;
- Renforcer la mise en réseaux des entreprises et des organisations de soutien aux entreprises ;
- Poursuivre la création d’un grand marché industriel euro-méditerranéen, ce qui comprend la préparation et la négociation des accords sur l’évaluation de la conformité et l’acceptation des produits industriels;
- Appuyer des programmes de modernisation en ciblant des secteurs industriels prioritaires : textile et habillement, secteur qui célébrera son 10 ème anniversaire avec une conférence sur l’innovation les 24 et 25 mars 2014, cuirs et chaussure, industries créatives, agro-alimentaire, technologies de l’information, énergies renouvelables, efficacité énergétique, logistique et industries vertes ;
- Faciliter les partenariats dans des secteurs d’intérêt commun ;
- Mettre en œuvre le Programme de travail 2014-2015 du groupe de travail sur la coopération industrielle.
L’Union européenne, co-présidente de l’UpM, ainsi que la Banque Européenne d’Investissement (BEI), ont indiqué que la feuille de route adoptée par les ministres constituerait un élément structurant pour définir leurs futurs engagements pour la période 2014-2020.
Exemples de réussite du partenariat euro-méditerranéen dans le domaine de l’industrie
Malgré des progrès disparates dans l’élaboration de politiques commerciales, les entreprises européennes ont déjà bénéficié de la coopération industrielle euro-méditerranéenne. Dans le cadre de l’examen des résultats de la coopération, la direction d’une importante usine italienne spécialisée dans les tissus d’intérieur haut de gamme a affirmé que les réunions du dialogue industriel euro-méditerranéen avaient aidé l’industrie du textile et des vêtements de l’Union européenne à renforcer les relations avec les principaux acteurs du secteur dans les pays voisins. Elle a également constaté que les nombreux contacts entre entreprises et les fructueux échanges d’idées et d’informations auxquels ces réunions ont donné lieu au fil des ans avaient beaucoup contribué à renforcer la connaissance et la confiance mutuelles, aboutissant à la mise en place de projets communs dans des domaines tels que l’éducation, les compétences, le regroupement, la R&D et l’innovation. En ce qui concerne les partenaires non membres de l’Union européenne, au Liban, un constructeur de véhicules dont les marchés étaient jusque-là limités aux zones traditionnelles de vente des entreprises libanaises, à savoir le Proche et Moyen-Orient, a commencé à voir en l’Europe une destination éventuelle pour ses produits après en avoir appris davantage sur les exigences de l’Union, ainsi qu’il a été souligné lors des réunions Euromed. Encouragé par le succès d’un premier projet avec un constructeur de camions français, il a mis en place une collaboration entre sa société et des entreprises de carrosserie industrielle en France, en Autriche et en Italie, ainsi que des entreprises de véhicules lourds en France et en Allemagne. Ces projets se sont avérés bénéfiques pour toutes les parties.
Nota : Les ministres de l’Industrie se sont réunis le 19 février 2014 à Bruxelles. Cette réunion s’inscrivait dans le prolongement de celles qui se sont tenues dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée à La Valette en 2011 et à Nice en 2008 et dans le cadre du processus de Barcelone à Rhodes en 2006, à Caserte en 2004, à Malaga en 2002, à Limassol en 2000, à Klagenfurt en 1998 et à Bruxelles en 1996.
Source de l'article Dimed
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