En guise d’ouverture, Xavier Beulin a tenu à souligner combien ce premier cycle de conférences organisées par le salon international de l’agriculture (SIA) confirme la dimension internationale du salon.
La France agricole est depuis longtemps tournée vers l’international et tout particulièrement vers le sud méditerranéen. D’où le choix particulièrement judicieux d’ouvrir le SIA à la réflexion par ces travaux sur la coopération agricole euro-méditerranéenne.
Quels défis attendent la région euro-méditerranéenne en matière de sécurité alimentaire et de développement agricole ? Comment articuler intérêts commerciaux, co-développement et solidarité partagée ? Quelles politiques mettre en place pour améliorer la coopération agricole et alimentaire entre les pays des deux rives ? Pour répondre à ces questions ont participé au débat animé par Philippe Lefebvre, journaliste à France Inter: Stéphane Le Foll, ministre français de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, Abdelouahab Nouri, ministre algérien de l’Agriculture et du Développement rural, José Graziano da Silva, Directeur général de la FAO, Cosimo Lacirignola, Secrétaire général du CIHEAM, Xavier Beulin, Président de la FNSEA et Paolo De Castro, Président de la commission de l'agriculture et du développement rural du Parlement européen.
La région méditerranéenne, espace pertinent pour aborder la question de la sécurité alimentaire
La présence de l’Algérie au salon international de l’agriculture s’inscrit dans le prolongement de la coopération bilatérale entre l’Algérie et la France initiée en 2012 et notamment de la convention de partenariat et de coopération dans les domaines de l’agriculture, du développement rural et de l’agroalimentaire signée à l’occasion de la visite d’Etat du Président François Hollande en Algérie en décembre 2012. Abdelouahab Nouri a rappelé que le secteur de l'agriculture est en plein développement en Algérie et que le pays dispose d'énormes potentiels.
Le partenariat agricole Euromed n’exploite pas les complémentarités évidentes qui existent entre des pays à niveaux de développement inégales. Pour Xavier Beulin, l’Europe doit s’allier aux PSEM pour peser dans la mondialisation. Les pays méditerranéens sont complémentaires et au-delà des collaborations bilatérales entre Etats, les entreprises du Nord et du Sud ont le souci de coopérer, notamment dans une logique de coproduction.
La FAO encourage cette alliance nécessaire. Selon, José Graziano da Silva, il est impossible de traiter la question de la sécurité alimentaire à une échelle nationale. L’insécurité alimentaire d’un pays touche directement ses voisins, de même que l’instabilité politique d’un pays menace la sécurité de toute une région. Les crises que nos sociétés traversent, les problèmes d’eau, d’agriculture et les changements climatiques sont une occasion de transformer une communauté de problématiques en une communauté de destin.
Cosimo Lacirignola va plus loin et affirme que la diplomatie agricole peut permettre de parler un langage commun. La culture alimentaire unit la Méditerranée. La Méditerranée, loin d’être une fracture, constitue une interface entre les pays européens et l’Afrique. Une bataille doit être menée, contre le gaspillage, y compris contre le gaspillage de la connaissance. Paolo De Castro invite quant à lui à changer de paradigme car « nous sommes rentrés dans une ère nouvelle, celle de la post-rareté ». Dès lors, le problème n’est plus celui de la distribution, mais bien celui de la gestion des ressources naturelles. Comment gérer le problème de la rareté croissante des terres et de l’eau ? La Méditerranée est au cœur de cette problématique. L’insécurité alimentaire que connaît la région va engendrer d’autres difficultés majeures, en particulier l’augmentation des prix des denrées alimentaires. Selon Paolo De Castro, la politique agricole commune de l’Union européenne a oublié de poser la question de la sécurité alimentaire.
« Partenaires plutôt que fournisseurs » : accompagner une démarche de co-production Nord-Sud »
Xavier Beulin précise que les entreprises exportent avant tout des filières, et pas seulement des produits. La démarche de co-investissement, de co-localisation est une réalité qui prend forme. Par ailleurs, la Méditerranée est un hub pour l’Afrique et les entreprises l’ont compris : les Etats doivent davantage accompagner ce mouvement gagnant / gagnant pour le Nord comme pour le Sud de la Méditerranée.
En Algérie, le gouvernement a mis en place un plan de développement agricole et rural. Si 72 % des besoins sont actuellement satisfaits, sur les quelques 30 % qui manquent, la France reste le premier fournisseur de l’Algérie. Le ministre Abdelouahab Nouri rappelle que des préalables doivent être définis pour accompagner le développement de l’agriculture en Algérie (raccordement des populations à l’énergie ; désenclavement des territoires ruraux ; infrastructures scolaires et sanitaires ; raccordement des exploitations à l’eau et à l’énergie) qui a connu d’importants progrès en la matière, mais dont les efforts doivent être prolongés, en particulier sur la production de céréales.
Au-delà des partenariats agricoles entre les entreprises, la question de la diversification des régimes alimentaires et de la défense de la diète méditerranéenne est également très importante souligne Paolo De Castro. Le soutien à l’agriculture familiale, en récupérant notamment des espaces pour les petits producteurs est essentiel pour l’avenir de la région. Les échanges lors de la conférence ont permis de mettre en lumière le lancement de l’initiative MedAMIN, ce réseau d’informations pour le bassin méditerranéen sur les marchés agricoles et tout particulièrement céréaliers, porté par le CIHEAM et inauguré en février 2014 à Alger. Les intervenants à la conférence se sont accordés pour dire que tous les pays de la région devraient s’impliquer pleinement dans cette démarche.
L’agriculture en Méditerranée, un enjeu stratégique pour la France et pour l’Europe
Une mondialisation qui prenne un aspect plus humain, plus solidaire, en particulier sur le plan agricole, par la défense de l’agriculture familiale, tel est le souhait exprimé par le ministre algérien de l’Agriculture et du Développement rural, Abdelouahab Nouri. Stéphane Le Foll, précise combien la Méditerranée et l’agriculture sont deux enjeux stratégiques pour la France et pour l’Europe. A ce titre, il invite les acteurs du secteur agricole à dépasser les simples logiques commerciales et encourage les projets de co-développement et de co-production. La France a un rôle d’impulsion politique à jouer, elle doit contribuer à faire émerger un nouveau modèle de développement partagé. Selon le ministre français de l’Agriculture, l’initiative MedAMIN marque le début d’une diplomatie agricole et alimentaire en Méditerranée.
D’autres programmes doivent suivre complète Paolo De Castro, en soulignant combien il est nécessaire que ces actions intègrent les critères du développement durable et que l’Europe encourage de nouvelles recherches afin de s’inscrire pleinement au cœur de la révolution verte. Le ministre albanais de l’Agriculture, Edmond Panariti, indique que le réajustement de la production agricole pour s’adapter au changement climatique doit également devenir une priorité.
Un Plan Marshall pour les pays de l’Union du Maghreb Arabe ?
La dynamique d’intégration régionale euro-méditerranéenne passe par une coopération Sud-Sud renforcée. Jean-Louis Guigou, Délégué général d’IPEMED, s’interroge quant à l’opportunité pour l’Europe de lancer un Plan Marshall en faveur des cinq pays du Maghreb qui s’étendre sur les vingt prochaines années, géré conjointement ? Il a rappelé que le coût du non-Maghreb est estimé entre 4 et 9 milliards d’euros par an ou 2 à 4 points de PIB.
Penser pleinement la Méditerranée
En clôture, Stéphane Le Foll, souligne l’importance de mobiliser l’Europe pour assurer le développement au Sud de la Méditerranée. Les Etats ont un rôle essentiel pour renforcer la coopération dans la région précise le ministre français de l’Agriculture, et au-delà de la Méditerranée, l’Afrique a des besoins très importants à couvrir : l’enjeu et les défis sont immenses, en termes de science et d’innovation et par conséquent en termes de recherche et de connaissance. « La Méditerranée a pu être un temps oubliée. Ce débat nous rappelle qu’il faut y penser pleinement » conclut le Ministre.
Source de l'article IPEMED
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