Les Ateliers de Tyr


Le sixième forum annuel de la Ligue des cités cananéennes, phéniciennes et puniques a été tenu au musée Sursock.

La Ligue des cités cananéennes, phéniciennes et puniques, qui regroupe une quarantaine de villes du bassin méditerranéen héritières d'un passé commun, a tenu son forum annuel au musée Sursock sous le thème L'histoire, source de solutions aux problèmes actuels de la Méditerranée. Organisé par l'Association internationale pour la sauvegarde de Tyr (AIST), ce sixième Forum de la ligue a regroupé un grand nombre de conférenciers libanais et étrangers, ainsi que l'ancien ministre français et président de l'Association internationale de Tyr-France, Hervé de Charette, et Maha el-Khalil Chalabi, fondatrice et secrétaire générale de l'AIST et ambassadrice de bonne volonté de l'Unesco. Les tables rondes ont été dirigées par l'ancien ministre Ibrahim Najjar, le député Ghassan Moukheiber, le secrétaire honoraire du comité libanais de l'AIST, Hayyan Haïdar, et Farida Allaghi, ex-ambassadrice de Libye auprès de l'Union européenne.

Au terme du Forum, ont été inaugurés les Ateliers de Tyr, un village entièrement consacré au développement de l'artisanat traditionnel. Le projet a pour ambition d'assurer un travail durable aux femmes issues des milieux défavorisés et aux personnes à mobilité réduite, qui seront formées aux métiers d'art antique, tels la poterie, la céramique, la sérigraphie, les techniques de soufflage du verre, etc. Financé par le Comité français pour la sauvegarde de Tyr, le projet a pris forme au cœur d'une orangeraie de 7 300 m2 appartenant à Maha Chalabi et mise à la disposition de l'AIST.

La montagne et l'âge de bronze

Plus de 1 500 m2 d'ateliers écologiques ont été conçus par l'architecte Samar Makki. Pour réduire l'impact environnemental de la vie quotidienne, le projet opte aussi pour la collecte, le stockage et le traitement des eaux pluviales, ainsi que sur le système d'énergie solaire. D'autre part, dans le cadre des activités de l'institut de recherches de l'AIST, « plus de 1 500 ouvrages spécialisés ont été classés », a signalé Mme Chalabi. « Nous concentrons également beaucoup d'efforts sur la création d'un musée virtuel représentant notre civilisation, depuis sa naissance, il y a plus de 7 000 ans, jusqu'à la fin de la période classique », a-t-elle également annoncé. Elle a rappelé aussi que « la Journée de la Phénicie », instaurée chaque deuxième samedi du mois de mai, est devenue une tradition dans les écoles publiques du Liban, ainsi que dans les villes membres de la Ligue des cités cananéennes, phéniciennes et puniques. Des villes citées par les auteurs classiques, et qui auraient été fondées ou visitées par les Cananéens et les Phéniciens, et sont par conséquent héritières d'un passé commun.

À l'issue des séances axées sur « les échanges entre les peuples méditerranéens » et sur le thème État et citoyen entre hier et aujourd'hui, l'économiste, ancien ministre et président d'honneur de l'AIST, Georges Corm, a présenté une petite synthèse des travaux des experts, relevant notamment la déconstruction d'un des clichés majeurs concernant la montagne libanaise, qui fait croire que celle-ci était inhabitée et que la population était concentrée sur la côte. En effet, le conférencier Wissam Khalil, professeur associé au département des arts et de l'archéologie à l'Université libanaise- branche de Saïda, a démontré, à travers une recherche menée dans le Chouf, que la montagne était occupée à l'âge de bronze et à l'âge de fer. On apprenait ainsi qu'on y exploitait le bois et que les routes étaient protégées par des fortifications.

D'autre part, M. Corm a souligné l'importance de l'exposé de Pierre Zalloua, selon lequel « les Phéniciens ne colonisaient pas les terres, mais s'intégraient et se fondaient dans les populations autochtones ». Concernant le sujet abordé par Ibrahim Tabet, portant sur le commerce véhicule de paix, route de dialogue et d'échange en Méditerranée, il pourrait « nous rappeler les efforts que nous faisons à l'Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed) afin de créer une véritable Méditerranée qui comprend l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique subsaharienne », a encore indiqué Georges Corm, rappelant que l'Ipemed est un think tank euro-méditerranéen, promoteur de la construction de la région méditerranéenne dans son ensemble.

Impossible démocratie

M. Corm s'est également arrêté sur une réflexion d'un professeur d'histoire, le Tunisien Mounir Fantar, qui a signalé que la naissance de l'idée de citoyenneté remonte à l'ère phénicienne, donnant comme modèle Carthage.

Enchaînant ensuite sur « le magnifique exposé » de Yasmina Filali, lauréate 2017 du prix Élissa-Didon et présidente de la fondation Orient-Occident-Maroc, Georges Corm fait observer que « son approche de la diversité culturelle, des souffrances endurées par les migrants, des problèmes d'intégration et d'assimilation sont traversés par un humanisme tout à fait exceptionnel ». Il s'attardera aussi sur l'exposé du journaliste et écrivain français Côme Carpentier, pour faire remarquer que « la civilisation phénicienne a été une civilisation planétaire, qui a fait un syncrétisme mythologique en Méditerranée ».

Enfin sur le sujet La démocratie : utopie ou réalité ? soulevé par l'ancien ministre de la Réforme administrative Ibrahim Daher, M. Corm devait déclarer en guise de conclusion : « On pourrait presque dire impossible démocratie. Par les temps qui courent, nous sommes bien loin de l'esprit athénien. Que nous reste-t-il de la démocratie par ces temps où l'argent a tout investi et où les élections se font à coups de milliards de dollars, notamment aux États Unis, modèle phare de cette pratique ? »

Par May Makeren - Source de l'article l'Orient le Jour

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