Partis de cités-Etats sur la côte libanaise, ils ont essaimé dans tout le monde antique, fondé un empire qui a fait trembler Rome, et auraient même bouclé le premier tour des côtes de l'Afrique. Retour sur un peuple fascinant, à qui nous devons beaucoup plus que nous ne le pensons.
Un navire phénicien gravé sur la face d'un sarcophage, au 2e siècle avant JC - Elie Plus/CC |
Leurs villes étaient situées sur ce qui est aujourd'hui le littoral du Liban et de la Syrie. Certaines, comme Tyr et Sidon, existent encore. D'autres ont disparu, comme l'une des plus puissantes d'entre elles, Ougarit, rasée par des envahisseurs au XIIe siècle avant notre ère. Et ce peuple de marchands et de navigateurs a laissé des traces indélébiles dans notre histoire.
Leur nom, "phénicien", viendrait peut-être du grec "phoinix", la "pourpre" tirée du murex, dont ils étaient de grands exportateurs dans tout le monde antique. Mais il pourrait également s'agir d'une déformation grecque du mot égyptien "fenkhu", définissant les "Asiatiques", les habitants du Proche-Orient pour l'Egypte.
A partir du Xe siècle avant J.C., les Phéniciens commencent à se répandre au-delà de la Méditerranée orientale, après avoir établi des bases à Chypre. Ils créent des comptoirs sur la côte nord-africaine, jusqu'en Tunisie et en Algérie, mais aussi en Sicile, à Malte (voir article maltais), en Sardaigne, en Corse et dans le sud de l'Espagne. Peu à peu, la plus importante de ces nouvelles cités, Carthage, éclipse par son rayonnement les villes plus anciennes du Levant. Du IVe au IIe siècle avant J.C., elle devient une grande puissance qui fait trembler la république romaine sur ses fondations au cours des guerres puniques (dePoeni, Phéniciens, en latin), avant d'être détruite en 146 av. J.C.
Marins réputés pour leurs prouesses, les Phénciens étaient des navigateurs recherchés. Quand l'empire perse s'assure la mainmise sur la Phénicie au VIe siècle avant notre ère, ce sont eux qui constituent l'essentiel de sa flotte. Explorateurs, aventuriers, les Phéniciens avaient coutume de franchir les redoutables Colonnes d'Hercule (le détroit de Gibraltar) pour aller commercer jusqu'en Cornouailles, en quête d'étain.
Ils auraient ainsi donc pu atteindre les Açores, même si les preuves restent ténues, et il est attesté qu'ils faisaient escale dans les Canaries. Deux traditions rapportent qu'ils auraient même exploré les côtes de l'Afrique, beaucoup plus au sud. Dans L'Enquête, Hérodote soutient que le pharaon Nékao II, qui régna de -610 à -595, aurait organisé une expédition confiée à des marins phéniciens, à qui il demanda de faire le tour de la "Libye" (l'Afrique) en partant par la "mer Erythrée" (la mer Rouge) puis en passant au nord par les Colonnes d'Hercule. Les Phéniciens auraient mis trois ans à accomplir cet exploit. Même si cela ne paraît pas complètement impossible, Hérodote est la seule source à en faire état qui nous soit parvenue. En revanche, le Périple d'Hannon semble historiquement plus sûr. Hannon, explorateur carthaginois qui devint plus tard le roi de sa ville, se serait lancé dans une expédition vers 500 av. J.C. et aurait ainsi poussé jusqu'au large de l'actuel Cameroun avant de rebrousser chemin. Il relata ensuite ses aventures dans sonRécit du voyage du roi des Carthaginois Hannon autour des contrées qui sont au-delà des Colonnes d'Hercule, dont il subsiste une version grecque.
Au XVIIIe et au XIXe siècle, certains auteurs, impressionnés par les voyages bien réels des Phéniciens, ont prétendu qu'ils auraient pu découvrir l'Amérique longtemps avant les Vikings et Christophe Colomb. Une stèle contenant des inscriptions en phénicien aurait même été retrouvée à Paraiba, au Brésil, en 1872, mais beaucoup d'archéologues, contemporains et ultérieurs, ont considéré qu'il s'agissait d'un faux.
Qu'ils aient ou non traversé l'Atlantique, les Phéniciens nous ont fait un autre cadeau, essentiel au développement des civilisations occidentales : notre alphabet. L'alphabet latin, en effet, était au départ calqué sur l'alphabet grec, lequel s'était inspiré de l'alphabet phénicien.
Source de l'article Courrier International
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