Le vice-président de la Banque européenne d'investissement (BEI), revient dans un entretien à La Tribune sur les sommes annoncées lors du G8 pour venir en aide aux pays méditerranéens en transition démocratique, l'Egypte et la Tunisie. Il insiste sur la portée politique de l'aide économique.
Les pays du G8 vont débloquer 40 milliards d'euros pour l'Egypte et la Tunisie. Concrètement, que représente cette somme ?
Les 40 milliards sont un package qui représente l'ensemble des aides qui ont déjà été promises, par tous les acteurs, plus celles qui ont été décidées au G8. Dans ces 40 milliards, 20 milliards vont être donnés par les institutions financières internationales que sont la Banque mondiale (BM), la Banque africaine de développement (BAD), la Banque européenne d'investissement (BEI) ou encore la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Les autres 20 milliards représentent les aides bilatérales. Par exemple, la décision des Etats-Unis de convertir la dette de l'Egypte est une mesure bilatérale, elle est donc comptée dans ces 20 milliards.
Quel est le rôle de la Banque européenne d'investissement (BEI), dans cette aide ?
Par le biais de la Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat (FEMIP), la BEI est le principal investisseur dans la région. Nous avons l'intention de prêter jusqu'à 6 milliards d'euros aux pays de la région d'ici 2013. Mais notre priorité est de financer des projets pour booster l'économie à court terme et créer rapidement des emplois. Nous allons donc accorder deux prêts pour un montant total de 300 millions d'euros à la Tunisie dès juillet. Le premier financera la construction d'une usine d'engrais au centre de la Tunisie, le deuxième un programme de modernisation routière dans l'ensemble du pays. En Egypte, la BEI et les pouvoirs publics ont identifié des projets prioritaires dans des secteurs clés comme le soutien aux entreprises ou les développement des infrastructures.
Le Premier ministre tunisien a déclaré : « Tout le monde veut nous aider, mais il va falloir commencer par nous aider nous-mêmes ». Une manière de souligner l'absence de mesures concrètes derrière les annonces du G8...
Les leaders du G8, à commencer par Nicolas Sarkozy, ont fait le choix de ne pas transformer cette réunion politique en réunion financière. Il faut aussi garder à l'esprit que le G8 est une réunion informelle. Les chefs d'Etat ont échangé sur les manières d'aider efficacement les pays en transition démocratique et ont renvoyé aux ministres des Finances de l'UE et des pays partenaires de la FEMIP le soin d'organiser clairement comment ces millions vont être répartis, quels projets ils vont desservir. Coordonner l'aide économique est beaucoup plus difficile que lorsqu'il s'agit d'échanges bilatéraux. C'est aussi plus efficace, car une aide conjointe permet de débloquer davantage d'argent et de mieux cibler les besoins. Vous pointez du doigt l'absence de mesures concrètes, mais c'est un processus qui prend du temps. Réussir à se coordonner de cette manière, c'est déjà un évènement !
Aider économiquement les pays en transition démocratique, est-ce un geste politique ?
Cela le devient de plus en plus. On ne peut pas séparer la prospérité économique de la démocratie politique, car l'objectif en ce qui concerne la Tunisie et l'Egypte est clairement de faciliter la transition démocratique. La stabilité d'un pays passe par une économie qui génère croissance et emplois. Actuellement, le risque dans ces pays est que l'installation de la démocratie soit fragilisée par une situation économique difficile, qui fasse dire aux populations que la nouvelle situation n'est pas meilleure que l'ancienne. C'est pour cela que nous prenons en compte, beaucoup plus qu'avant, l'agenda politique des pays que nous aidons. En Tunisie par exemple, le gouvernement a annoncé vouloir développer les investissements étrangers et le partenariat public-privé. Donc nous avons complètement réorienté notre partenariat sur ces axes. Car réussir en Tunisie et en Egypte, c'est montrer le cap pour l'ensemble des pays, du Maroc à la Syrie.
La transition démocratique connaît quelques difficultés. Il y a quelques semaines, des troubles ont éclaté à Tunis. L'élection d'une assemblée constituante, initialement prévues le 24 juillet, risque d'être repoussée en octobre ou novembre.
Les pays du G8 vont débloquer 40 milliards d'euros pour l'Egypte et la Tunisie. Concrètement, que représente cette somme ?
Les 40 milliards sont un package qui représente l'ensemble des aides qui ont déjà été promises, par tous les acteurs, plus celles qui ont été décidées au G8. Dans ces 40 milliards, 20 milliards vont être donnés par les institutions financières internationales que sont la Banque mondiale (BM), la Banque africaine de développement (BAD), la Banque européenne d'investissement (BEI) ou encore la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Les autres 20 milliards représentent les aides bilatérales. Par exemple, la décision des Etats-Unis de convertir la dette de l'Egypte est une mesure bilatérale, elle est donc comptée dans ces 20 milliards.
Quel est le rôle de la Banque européenne d'investissement (BEI), dans cette aide ?
Par le biais de la Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat (FEMIP), la BEI est le principal investisseur dans la région. Nous avons l'intention de prêter jusqu'à 6 milliards d'euros aux pays de la région d'ici 2013. Mais notre priorité est de financer des projets pour booster l'économie à court terme et créer rapidement des emplois. Nous allons donc accorder deux prêts pour un montant total de 300 millions d'euros à la Tunisie dès juillet. Le premier financera la construction d'une usine d'engrais au centre de la Tunisie, le deuxième un programme de modernisation routière dans l'ensemble du pays. En Egypte, la BEI et les pouvoirs publics ont identifié des projets prioritaires dans des secteurs clés comme le soutien aux entreprises ou les développement des infrastructures.
Le Premier ministre tunisien a déclaré : « Tout le monde veut nous aider, mais il va falloir commencer par nous aider nous-mêmes ». Une manière de souligner l'absence de mesures concrètes derrière les annonces du G8...
Les leaders du G8, à commencer par Nicolas Sarkozy, ont fait le choix de ne pas transformer cette réunion politique en réunion financière. Il faut aussi garder à l'esprit que le G8 est une réunion informelle. Les chefs d'Etat ont échangé sur les manières d'aider efficacement les pays en transition démocratique et ont renvoyé aux ministres des Finances de l'UE et des pays partenaires de la FEMIP le soin d'organiser clairement comment ces millions vont être répartis, quels projets ils vont desservir. Coordonner l'aide économique est beaucoup plus difficile que lorsqu'il s'agit d'échanges bilatéraux. C'est aussi plus efficace, car une aide conjointe permet de débloquer davantage d'argent et de mieux cibler les besoins. Vous pointez du doigt l'absence de mesures concrètes, mais c'est un processus qui prend du temps. Réussir à se coordonner de cette manière, c'est déjà un évènement !
Aider économiquement les pays en transition démocratique, est-ce un geste politique ?
Cela le devient de plus en plus. On ne peut pas séparer la prospérité économique de la démocratie politique, car l'objectif en ce qui concerne la Tunisie et l'Egypte est clairement de faciliter la transition démocratique. La stabilité d'un pays passe par une économie qui génère croissance et emplois. Actuellement, le risque dans ces pays est que l'installation de la démocratie soit fragilisée par une situation économique difficile, qui fasse dire aux populations que la nouvelle situation n'est pas meilleure que l'ancienne. C'est pour cela que nous prenons en compte, beaucoup plus qu'avant, l'agenda politique des pays que nous aidons. En Tunisie par exemple, le gouvernement a annoncé vouloir développer les investissements étrangers et le partenariat public-privé. Donc nous avons complètement réorienté notre partenariat sur ces axes. Car réussir en Tunisie et en Egypte, c'est montrer le cap pour l'ensemble des pays, du Maroc à la Syrie.
La transition démocratique connaît quelques difficultés. Il y a quelques semaines, des troubles ont éclaté à Tunis. L'élection d'une assemblée constituante, initialement prévues le 24 juillet, risque d'être repoussée en octobre ou novembre.
Les transitions démocratiques peuvent-elles échouer ?
Instaurer la démocratie et stabiliser un pays qui a connu une révolution ne se fait pas en trois jours ! Les exemples européens, que ce soit la Révolution française qui a entraîné cinq ans d'instabilité, ou la transition démocratique de deux ans en Espagne après la chute de Franco, montrent qu'un changement de société prend du temps. Il ne faut pas s'alarmer. Je reste très impressionné par le pacifisme et le caractère réfléchi de la révolution tunisienne. Si les élections sont repoussées, neuf mois de grossesse pour accoucher d'une révolution politique profonde, c'est peu ! On voudrait que le changement soit installé en un claquement de doigts, mais cela ne se passe pas comme cela.
Nicolas Sarkozy a profité du G8 pour relancer son Union pour la Méditerranée (UpM), lancée en 2008 et qui n'a jamais décollé. Alors que la BEI et la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD) travaillent également sur le partenariat Europe-Méditerranée, l'UpM serait-elle de trop ?
Les évènements montrent qu'une coopération renforcée entre les pays sud et nord de la Méditerranée est plus que souhaitable. L'Union pour la Méditerranée est une excellente idée qui est arrivée trop tôt. La crise économique et sociale que nous pressentions en 2008 ne s'est concrétisée qu'en 2010. Le printemps arabe est l'occasion de refonder l'Union pour la Méditerranée, mais au-delà des projets techniques et sectoriels évoqués en 2008 et en prenant davantage en compte les aspirations de la jeunesse.
Quelle est la prochaine étape pour l'Egypte et la Tunisie ?
Le G8 a fourni une impulsion politique majeure, mais ce n'est qu'un début. Il revient aux ministres des Finances de traduire en actes concrets les aides qui ont été annoncées. Ce sera l'objet de la réunion du 12 juillet à Bruxelles, et c'est à ce moment-là que l'on pourra faire le point pour savoir si les attentes égyptiennes et tunisiennes sont satisfaites et si la communauté internationale est à la hauteur.
Propos recueillis par Sylvain Rolland - LaTribune.fr
Source http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20110531trib000625838/le-printemps-arabe-est-l-occasion-de-refonder-l-union-pour-la-mediterranee.html
Instaurer la démocratie et stabiliser un pays qui a connu une révolution ne se fait pas en trois jours ! Les exemples européens, que ce soit la Révolution française qui a entraîné cinq ans d'instabilité, ou la transition démocratique de deux ans en Espagne après la chute de Franco, montrent qu'un changement de société prend du temps. Il ne faut pas s'alarmer. Je reste très impressionné par le pacifisme et le caractère réfléchi de la révolution tunisienne. Si les élections sont repoussées, neuf mois de grossesse pour accoucher d'une révolution politique profonde, c'est peu ! On voudrait que le changement soit installé en un claquement de doigts, mais cela ne se passe pas comme cela.
Nicolas Sarkozy a profité du G8 pour relancer son Union pour la Méditerranée (UpM), lancée en 2008 et qui n'a jamais décollé. Alors que la BEI et la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD) travaillent également sur le partenariat Europe-Méditerranée, l'UpM serait-elle de trop ?
Les évènements montrent qu'une coopération renforcée entre les pays sud et nord de la Méditerranée est plus que souhaitable. L'Union pour la Méditerranée est une excellente idée qui est arrivée trop tôt. La crise économique et sociale que nous pressentions en 2008 ne s'est concrétisée qu'en 2010. Le printemps arabe est l'occasion de refonder l'Union pour la Méditerranée, mais au-delà des projets techniques et sectoriels évoqués en 2008 et en prenant davantage en compte les aspirations de la jeunesse.
Quelle est la prochaine étape pour l'Egypte et la Tunisie ?
Le G8 a fourni une impulsion politique majeure, mais ce n'est qu'un début. Il revient aux ministres des Finances de traduire en actes concrets les aides qui ont été annoncées. Ce sera l'objet de la réunion du 12 juillet à Bruxelles, et c'est à ce moment-là que l'on pourra faire le point pour savoir si les attentes égyptiennes et tunisiennes sont satisfaites et si la communauté internationale est à la hauteur.
Propos recueillis par Sylvain Rolland - LaTribune.fr
Source http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20110531trib000625838/le-printemps-arabe-est-l-occasion-de-refonder-l-union-pour-la-mediterranee.html
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