Plus de soixante plates-formes fonctionnent déjà et de nombreux forages sont en cours.
Les experts sont formels: les forages pétroliers vont se multiplier dans les années qui viennent en Méditerranée. «Essentiellement dans la partie orientale», précise Lucien Montadert, consultant en géologie pétrolière. Mais pas seulement.
Les experts sont formels: les forages pétroliers vont se multiplier dans les années qui viennent en Méditerranée. «Essentiellement dans la partie orientale», précise Lucien Montadert, consultant en géologie pétrolière. Mais pas seulement.
Ces projets offshore seraient peut-être passés totalement inaperçus s'il n'y avait eu l'accident dramatique dans le golfe du Mexique le 20 avril 2010 de la plate-forme «Deepwater Horizon» qui a provoqué la mort de 11 personnes et laissé échapper pendant plus de trois mois près de 4 millions de baril de brut. Cet accident est d'ailleurs loin d'être un cas isolé. «Depuis une trentaine d'années on a recensé dix incidents majeurs dont la moitié a donné lieu à des marées noires», rappelle le sénateur Roland Courteau qui a présenté mercredi un rapport de l'OPECST (office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques) sur la pollution en Méditerranée.
Nouvelles techniques
À ce jour, cette grande mer semi-fermée compte 232 plates-formes d'exploitation d'hydrocarbures dont un tiers environ concerne du pétrole. La très grosse majorité se trouve au large de la Tunisie (43), l'Italie en compte 13, la Libye 5 et la Grèce 3. Mais d'ores et déjà, onze sont en cours de forage (6 en Égypte, 2 en Italie, 20 en Tunisie, 1 en Croatie) et d'autres projets dans les cartons attendent le dernier feu vert.
Cet engouement s'explique en partie par les nouvelles techniques de forage qui permettent d'extraire du pétrole des grandes profondeurs. «Alors que les industriels foraient dans une dizaine de mètres d'eau au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les exploitations à plus de deux kilomètres de profondeur sont aujourd'hui de plus en plus fréquentes», précise Lucien Chabason, conseiller à l'Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales). Sans oublier que les cours du brut rentabilisent aujourd'hui les forages les plus onéreux. «Or, la mer Méditerranée est une mer profonde dont les coûts d'exploitation sont élevés», précise ce spécialiste.
Cuves pleines à ras bord
Le sénateur de l'Aude est inquiet. «La gravité potentielle des incidents de plates-formes est liée aux faiblesses actuelles de l'encadrement juridique de leur exploitation», regrette-t-il, sachant que les forages offshore dépendent principalement du droit des États riverains. Et pour beaucoup d'entre eux «les préoccupations de sûreté environnementale ne sont pas dominantes». «L'âge de la plupart des plates-formes suscite de réelles inquiétudes», ajoute l'élu.
Un pas a toutefois été franchi en mars dernier avec l'entrée en vigueur d'un accord (le protocole de Madrid) sur la pollution résultant de «l'exploration et de l'exploitation du plateau continental». Six pays l'on ratifié mais pas encore l'Union européenne bien «qu'il couvre un large éventail de sujets: permis de forage, contrôle de ces permis, inspection à bord…», insiste Lucien Chabason.
«En cas d'accident, il n'y a pas d'accord sur la façon de lutter contre la pollution», regrette de son côté Frédéric Hébert, le directeur du Rempec (centre régional méditerranéen pour l'intervention d'urgence contre la pollution marine). Aux craintes d'éventuelles marées noires liées aux exploitations s'ajoutent celles en lien avec l'augmentation constante du trafic maritime. Outre des bateaux de plus en plus gros aux cuves pleines à ras bord de fuel (20.000 tonnes pour certains d'entre eux) le transport de pétrole a considérablement augmenté. «Ce sont 420 millions de tonnes qui transitent aujourd'hui contre environ contre 300 millions il y a dix ans», souligne encore Frédéric Hébert. Reste qu'aujourd'hui la réalité, c'est toujours celle des bateaux qui nettoient leurs cuves en pleine mer: entre 100.000 et 250.000 tonnes par an!
Une mer semi-fermée où la pollution ne cesse de s'accroître
La mer Méditerranée est menacée. C'est ce qui ressort du dernier rapport (1) de l'Opecst (Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques). Le sénateur Roland Courteau, qui a piloté ce travail, ne cache pas son inquiétude. L'élu de l'Aude égraine ainsi les multiples sources de pollution subies par cette mer semi-fermée «qui met un siècle à se renouveler».
En trente ans (1970-2000) la population des pays riverains a augmenté de 50%, passant de 285 à 427 millions. La Grande Bleue accueille 31% du tourisme mondial (275 millions de visiteurs). Or, les infrastructures sanitaires n'ont pas suivi: dans le sud,«44% des habitants des villes de plus de 10.000 habitants ne bénéficient pas d'un accès à un réseau d'épuration», précise ainsi le rapport. Au nord, 11% sont également concernés. Sans compter toutes les stations qui ont le mérite d'exister mais dont les technologies sont aujourd'hui dépassées.
Métaux lourds
Il faut ajouter à cela les rejets industriels ou agricoles: un trop-plein de nitrates, phosphates, métaux lourds, pesticides… Autant de molécules ayant «une très forte rémanence dans l'environnement due à leur faible biodisponibilité», rappelle le document.
Alors que 80% de la pollution provient de l'intérieur des terres, la Méditerranée, comme l'ensemble des océans, souffre d'une accumulation de déchets. «La densité des macrodéchets est de 40 pièces au kilomètre carré, mais peut être plus forte aux débouchés des grandes villes», souligne le sénateur qui s'inquiète tout autant des microplastiques. Ces débris minuscules, de l'ordre de 300 micromètres, fixent les polluants, véhiculent les espèces invasives et trompent les animaux, qui les prennent pour du zooplancton et meurent d'occlusion intestinale.
Le sénateur insiste aussi sur la multiplication des espèces invasives (on en compte aujourd'hui 925 dont 56% sont pérennes) au détriment des espèces endémiques, la prolifération de toxines dans les parcs à coquillages le long des lagunes, l'accroissement constant du trafic maritime dont le transit est passé en quelques années de 312 à 492 millions de tonnes…
Roland Courteau fait une dizaine de propositions axées sur la recherche et la gouvernance. Il suggère notamment de créer une alliance sur la recherche en Méditerranée en France, d'amplifier les travaux sur les polluants émergents, de parrainer les laboratoires des pays du Sud et d'«institutionnaliser la coopération entre les principaux instituts de recherche des pays riverains».
La lutte contre la pollution ne peut fonctionner que si les pays sont à l'unisson sur ce dossier. Faute d'une UPM (Union pour la Méditerranée) en état de marche, Roland Courteau engage à «séparer l'aspiration à un rapprochement politique des États riverains et la nécessité d'amplifier l'aide au codéveloppement technique». Il propose la création d'une agence de protection de l'environnement et de protection du développement durable en Méditerranée. Cette agence engloberait les dispositifs existants tels que la convention de Barcelone. L'adhésion serait volontaire et les décisions y seraient prises à la majorité qualifiée.
(1) «La pollution en Méditerranée: état et perspectives à l'horizon 2030».
Source LeFigaro.fr
http://www.lefigaro.fr/sciences/2011/06/22/01008-20110622ARTFIG00673-l-exploitation-petroliere-s-installe-en-mediterranee.php
Nouvelles techniques
À ce jour, cette grande mer semi-fermée compte 232 plates-formes d'exploitation d'hydrocarbures dont un tiers environ concerne du pétrole. La très grosse majorité se trouve au large de la Tunisie (43), l'Italie en compte 13, la Libye 5 et la Grèce 3. Mais d'ores et déjà, onze sont en cours de forage (6 en Égypte, 2 en Italie, 20 en Tunisie, 1 en Croatie) et d'autres projets dans les cartons attendent le dernier feu vert.
Cet engouement s'explique en partie par les nouvelles techniques de forage qui permettent d'extraire du pétrole des grandes profondeurs. «Alors que les industriels foraient dans une dizaine de mètres d'eau au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les exploitations à plus de deux kilomètres de profondeur sont aujourd'hui de plus en plus fréquentes», précise Lucien Chabason, conseiller à l'Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales). Sans oublier que les cours du brut rentabilisent aujourd'hui les forages les plus onéreux. «Or, la mer Méditerranée est une mer profonde dont les coûts d'exploitation sont élevés», précise ce spécialiste.
Cuves pleines à ras bord
Le sénateur de l'Aude est inquiet. «La gravité potentielle des incidents de plates-formes est liée aux faiblesses actuelles de l'encadrement juridique de leur exploitation», regrette-t-il, sachant que les forages offshore dépendent principalement du droit des États riverains. Et pour beaucoup d'entre eux «les préoccupations de sûreté environnementale ne sont pas dominantes». «L'âge de la plupart des plates-formes suscite de réelles inquiétudes», ajoute l'élu.
Un pas a toutefois été franchi en mars dernier avec l'entrée en vigueur d'un accord (le protocole de Madrid) sur la pollution résultant de «l'exploration et de l'exploitation du plateau continental». Six pays l'on ratifié mais pas encore l'Union européenne bien «qu'il couvre un large éventail de sujets: permis de forage, contrôle de ces permis, inspection à bord…», insiste Lucien Chabason.
«En cas d'accident, il n'y a pas d'accord sur la façon de lutter contre la pollution», regrette de son côté Frédéric Hébert, le directeur du Rempec (centre régional méditerranéen pour l'intervention d'urgence contre la pollution marine). Aux craintes d'éventuelles marées noires liées aux exploitations s'ajoutent celles en lien avec l'augmentation constante du trafic maritime. Outre des bateaux de plus en plus gros aux cuves pleines à ras bord de fuel (20.000 tonnes pour certains d'entre eux) le transport de pétrole a considérablement augmenté. «Ce sont 420 millions de tonnes qui transitent aujourd'hui contre environ contre 300 millions il y a dix ans», souligne encore Frédéric Hébert. Reste qu'aujourd'hui la réalité, c'est toujours celle des bateaux qui nettoient leurs cuves en pleine mer: entre 100.000 et 250.000 tonnes par an!
Une mer semi-fermée où la pollution ne cesse de s'accroître
La mer Méditerranée est menacée. C'est ce qui ressort du dernier rapport (1) de l'Opecst (Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques). Le sénateur Roland Courteau, qui a piloté ce travail, ne cache pas son inquiétude. L'élu de l'Aude égraine ainsi les multiples sources de pollution subies par cette mer semi-fermée «qui met un siècle à se renouveler».
En trente ans (1970-2000) la population des pays riverains a augmenté de 50%, passant de 285 à 427 millions. La Grande Bleue accueille 31% du tourisme mondial (275 millions de visiteurs). Or, les infrastructures sanitaires n'ont pas suivi: dans le sud,«44% des habitants des villes de plus de 10.000 habitants ne bénéficient pas d'un accès à un réseau d'épuration», précise ainsi le rapport. Au nord, 11% sont également concernés. Sans compter toutes les stations qui ont le mérite d'exister mais dont les technologies sont aujourd'hui dépassées.
Métaux lourds
Il faut ajouter à cela les rejets industriels ou agricoles: un trop-plein de nitrates, phosphates, métaux lourds, pesticides… Autant de molécules ayant «une très forte rémanence dans l'environnement due à leur faible biodisponibilité», rappelle le document.
Alors que 80% de la pollution provient de l'intérieur des terres, la Méditerranée, comme l'ensemble des océans, souffre d'une accumulation de déchets. «La densité des macrodéchets est de 40 pièces au kilomètre carré, mais peut être plus forte aux débouchés des grandes villes», souligne le sénateur qui s'inquiète tout autant des microplastiques. Ces débris minuscules, de l'ordre de 300 micromètres, fixent les polluants, véhiculent les espèces invasives et trompent les animaux, qui les prennent pour du zooplancton et meurent d'occlusion intestinale.
Le sénateur insiste aussi sur la multiplication des espèces invasives (on en compte aujourd'hui 925 dont 56% sont pérennes) au détriment des espèces endémiques, la prolifération de toxines dans les parcs à coquillages le long des lagunes, l'accroissement constant du trafic maritime dont le transit est passé en quelques années de 312 à 492 millions de tonnes…
Roland Courteau fait une dizaine de propositions axées sur la recherche et la gouvernance. Il suggère notamment de créer une alliance sur la recherche en Méditerranée en France, d'amplifier les travaux sur les polluants émergents, de parrainer les laboratoires des pays du Sud et d'«institutionnaliser la coopération entre les principaux instituts de recherche des pays riverains».
La lutte contre la pollution ne peut fonctionner que si les pays sont à l'unisson sur ce dossier. Faute d'une UPM (Union pour la Méditerranée) en état de marche, Roland Courteau engage à «séparer l'aspiration à un rapprochement politique des États riverains et la nécessité d'amplifier l'aide au codéveloppement technique». Il propose la création d'une agence de protection de l'environnement et de protection du développement durable en Méditerranée. Cette agence engloberait les dispositifs existants tels que la convention de Barcelone. L'adhésion serait volontaire et les décisions y seraient prises à la majorité qualifiée.
(1) «La pollution en Méditerranée: état et perspectives à l'horizon 2030».
Source LeFigaro.fr
http://www.lefigaro.fr/sciences/2011/06/22/01008-20110622ARTFIG00673-l-exploitation-petroliere-s-installe-en-mediterranee.php
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