Ouided BOUCHAMAOUI Présidente de L'UTICA (Patronat Tunisien)
"Les Américains perçoivent mieux que les Européens ce qui se passe"Qu'attendez-vous des élections de dimanche ?
D'abord, nous les attendons impatiemment car il faut que la phase transitoire dans laquelle nous sommes depuis le 14 janvier se termine. Il nous faut commencer à travailler dans la transparence, le calme et la sécurité.
On en a assez de cette phase d'incertitude. Beaucoup de décisions ont en effet été mises en stand-by en attendant les élections. On a eu la révolution, c'est une excellente chose. On a eu une période de transition. Maintenant, il faut passer à autre chose.
L'élection apportera-t-elle la stabilité souhaitée par les investisseurs ?
L'impact de ces élections sera surtout psychologique. Il faut qu'on avance sur des bases légitimes et qu'il y ait un sentiment de stabilité dans l'esprit des uns et des autres. Ces élections ne sont qu'un début.Ensuite, notre devoir est d'investir.
Les Tunisiens se disent que nous avons gagné le pari démocratique. Reste le pari économique. Le problème majeur de la Tunisie, c'est l'emploi. On doit tous s'y mettre pour trouver du travail à nos jeunes qui sont au chômage.
Pour cela, il faut que le secteur privé soit présent car l'Etat seul ne peut pas offrir les emplois nécessaires.Il faut donc aussi que les investissements directs étrangers en Tunisie soient importants. La révolution continuera si on ne trouve pas de travail aux gens. N'oublions pas que si les jeunes sont descendus dans la rue pour chasser l'ancien régime, c'est pour l'emploi.
Cette crise économique et sociale est-elle surmontable ?
C'est une crise mondiale. Nous ne sommes pas les seuls à la subir, d'autant que la majorité de nos relations commerciales se font avec l'Union européenne. Il faudra du temps pour surmonter cette crise. Mais nous comptons pour cela énormément sur le marché libyen qui sera pour nous une grande bouffée d'oxygène.
Actuellement, nos entreprises exportent vers ce marché. Nous souhaitons aller au-delà, vers un vrai partenariat, dans tous les domaines, afin de créer une zone de libre-échange entre nos deux pays avec une liberté de circulation des personnes et des marchandises.
Tout est à reconstruire en Libye et nous pouvons être présents dans les domaines de la construction, de la santé et des services. Il nous faut pour cela nous organiser par secteur, voire coopérer avec des entreprises étrangères pour aller sur le marché libyen. Nous avons d'ailleurs été contactés en ce sens par certaines organisations patronales européennes.
La baisse des investissements directs étrangers vous inquiète-t-elle ?
Pas tellement, car certains départs étaient programmés avant la révolution. Et aussi parce que les délégations étrangères que j'ai reçues se disent prêtes à aider la Tunisie. Je suis donc très confiante.
On sent un vrai intérêt des Américains, tandis que certains pays arabes et européens se montrent partenaires. L'Europe est bien sûr notre partenaire premier, ce sera toujours notre partenaire, on compte énormément sur les entreprises européennes.
La Commission européenne entend redémarrer les négociations commerciales avec la Tunisie « sur une autre base »...
Positive, j'espère ! La Tunisie veut un statut plus clair au sein de l'Union européenne. Il faut ouvrir davantage vos marchés. Il faut aussi que nos amis européens -les entreprises, j'entends -soient plus présents que les politiques... qui ont mis du temps à réagir.
Nous avons besoin des Européens. Le processus démocratique doit réussir en Tunisie. S'il réussit chez nous, il réussira ailleurs dans la région. Sinon, vous aurez davantage d'immigrés et de problèmes chez vous... Pensez aussi que la Tunisie sera un tremplin tant pour les marchés en Afrique, en Libye qu'en Algérie.
Les investisseurs européens sont-ils à la traîne ?
Non, je comprends leur attitude. Ils attendent, ils mesurent les risques. Mais il faut qu'ils aient confiance en la Tunisie -on va réussir la transition - et qu'ils l'expriment. D'autant que d'autres pays nous font les yeux doux pour venir investir...
Les Américains, par exemple, sont de plus en plus nombreux à venir et ils viennent plus souvent qu'auparavant. Ils perçoivent mieux que les Européens ce qui se passe en Tunisie et veulent se positionner dans ce nouvel environnement. Ils nous ont exprimé un soutien clair.
Propos recueillis par Marie Christine Corbier - LesEchos.fr
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