Tunisie : les investisseurs s'interrogent sur les intentions des islamistes

Rassurés sur une Tunisie qui « ne reviendra pas en arrière » en matière d'économie libérale, les investisseurs étrangers s'interrogent néanmoins sur une remise en question de la libre circulation des capitaux et sur les hausses de salaires.
La montée de l'islamisme en Tunisie rime-t-elle avec inquiétude pour les investisseurs étrangers ? Le score important du parti Ennahda n'a pas de quoi « refroidir » les ardeurs des investisseurs étrangers, rassurait hier le ministre tunisien des Finances, Jaloul Ayed. Ce parti en tant que tel n'inquiète pas non plus le président de Medef Paca, Stephan Brousse, qui importe dattes et oranges de Tunisie. « Ennahda a mis beaucoup d'eau dans son vin, explique-t-il. Les Tunisiens ont plutôt fait un vote anti-Ben Ali en se dirigeant vers un parti refuge perçu comme honnête. On n'est pas dans une logique à l'iranienne. »

L'important score des islamistes changera-t-il le quotidien des investisseurs étrangers présents en Tunisie ? « On va continuer à travailler normalement dans le pays, poursuit Stephan Brousse. L'arrivée d'Ennahda au pouvoir ne remettra pas en cause le système d'économie libérale. La Tunisie ne reviendra pas en arrière. »

« Elargir les partenariats »
La présence forte d'Ennahda, que certains investisseurs voient au contraire comme un « tsunami », ne risque-t-elle cependant pas de remettre en question certaines lois favorables aux investisseurs ? « Tous ceux qui ont des investissements en Tunisie sont forcément un peu inquiets, concède encore Stephan Brousse. La liberté de circulation des capitaux est aujourd'hui totale et les lois fiscales sont très favorables. Il n'est pas exclu que les islamistes adoptent quelques mesures démagogiques. Il faudra être vigilant. »

D'autres interrogations portent sur l'évolution du cours du dinar tunisien, aujourd'hui très favorable pour les investisseurs européens. Et aussi sur les hausses de salaire qu'un parti réputé proche de ses électeurs voudrait pousser. L'amélioration de la situation sociale des ouvriers tunisiens signifierait une perte de compétitivité pour les entreprises étrangères, même si la main-d'oeuvre restera nettement moins chère en Tunisie qu'en Europe.

Ennahda, de son côté, cherchait dès lundi à calmer les esprits : « Nous voulons rassurer nos partenaires : nous espérons très rapidement revenir à la stabilité et à des conditions favorables à l'investissement », déclarait le directeur du bureau exécutif du parti, Abdelhamid Jlassi. Le programme électoral d'Ennahda entend, lui aussi, rassurer tous les partenaires extérieurs face à une éventuelle tentative de repli sur soi du pays. Il dit ainsi vouloir « élargir les partenariats dans le but d'ouvrir des perspectives à l'économie nationale ».
Une ouverture tous azimuts, non seulement vers les voisins du Maghreb, avec lesquels Ennahda entend « instaurer un marché commun » ; avec l'Union européenne, avec laquelle il veut « renforcer les relations » tout comme avec les Etats-Unis, le Canada, le Japon, « les forces économiques émergentes en Asie et en Amérique du Sud », sans oublier les pays arabes et les marchés africains.

Le discours n'a cependant pas convaincu tout le monde. Les valeurs de la Bourse de Tunis étaient en baisse, lundi et mardi, après l'annonce des premières tendances du vote.

Marie
-Christine CORBIER - Les Echos
Source - http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0201713087129-tunisie-les-investisseurs-s-interrogent-sur-les-intentions-des-islamistes-239392.php

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