Le malade a beau se trouver en observation depuis plusieurs années, son état de santé ne cesse de se dégrader. Au point de susciter les plus vives inquiétudes quant à ses chances de guérison.
La Méditerranée occidentale est exactement dans ce cas. On savait que les bouleversements climatiques impactaient directement les mers et les océans, mais on ignorait encore à quel point et à quelle vitesse. Une étude récente menée par le Laboratoire d’océanologie de Villefranche-sur-Mer (CNRS-INSU), dans les Alpes-Maritimes, et l’Institut des relations internationales du développement durable (Science Po-Paris) vient de combler cette lacune grâce à des séries de mesures "à haute fréquence temporelle".
En clair, il s’agit de mesures réalisées de manière très rapprochée sur une longue période ; en l’occurrence chaque semaine pendant dix ans. Cette impressionnante collecte de données a alors permis de mettre en évidence deux faits extrêmement préoccupants : d’une part la très forte hausse de l’acidité de la Méditerranée (+7 %), soit l’un des taux les plus élevés jamais relevés à ce jour, et d’autre part l’augmentation très importante de la température moyenne de l’eau, de l’ordre de 0,7ºC ; valeur supérieure à celle relevée dans l’océan global et côtier. Pour les scientifiques qui ont réalisé cette étude, l’explication du phénomène est relativement simple : sachant que près d’un quart des rejets de gaz carbonique liés à l’activité humaine est absorbé par l’océan, soit 26 millions de tonnes de C02, la chimie de l’eau de mer s’en trouve totalement bouleversée.
3ºC qui font toute la différence
En épargnant aux hommes une partie des conséquences immédiates de leur irresponsabilité, les océans obèrent leur propre avenir. Car cette double hausse d’acidité et de température impacte directement la vie marine. La chute du pH devrait se traduire par une forte diminution des populations d’organismes planctoniques dont se nourrissent les poissons, entraînant une réaction en chaîne jusqu’aux espèces commercialisables. L’impact sera sans doute encore plus marqué pour les organismes disposant d’un squelette comme les coraux, ou d’une coquille comme les huîtres et les moules.
Quant au réchauffement, ses conséquences prévisibles se révèlent encore plus préoccupantes, car sans doute plus rapides et dévastatrices. On sait que les gorgones paient déjà un lourd tribut lors de chaque nouveau pic de température. Mais ce sont surtout les mollusques bivalves qui demeurent les plus exposés, à commencer par les espèces les plus consommées et les plus commercialisées. Et les scientifiques azuréens de conclure leur rapport par une mise en garde, rappelant cette donnée effrayante, mise en évidence lors de travaux antérieurs : une augmentation de trois points de la température de l’eau, au-delà du maximum estival, entraînera la disparition totale de toutes les moules de Méditerranée…
Par Philippe Gallini -Source de l'article Corse Matin
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