Des chercheurs ont dénombré les cages d'engraissement de poissons dans toute la Méditerranée grâce aux seules images de Google Earth
Les images satellites de Google Earth peuvent servir à autre chose qu'à regarder l'endroit où on habite. Dernière nouveauté, elles peuvent permettre de repérer au large des côtes les cages où l'aquaculture engraisse les poissons. Ces dispositifs forment des petits cercles à la surface des eaux et ils sont facilement reconnaissables. Pablo Trujillo et Chiara Piroddi, de l'université de Colombie-Britannique (Canada) les ont comptés dans toute la mer Méditerranée pour l'année 2006. Ils ont dénombré 248 cages pour les thons rouges et 20.976 pour les bars et les daurades (Plos One, en ligne le 8 février)
L'objectif que se sont fixé les deux chercheurs au départ était de vérifier si le potentiel de production de toutes les fermes aquacoles correspond aux déclarations faites chaque année par les états côtiers à la FAO (Organisation mondiale pour l'alimentation et l'agriculture). La question est importante parce que l'avenir de la pêche est étroitement associé à celui de l'aquaculture. Et pas seulement parce que la production aquacole peut remplacer les captures et limiter la pression sur les ressources marines. En effet, les choses sont plus compliquées car les poissons d'élevage consommés en Europe sont nourris avec des sardines ou des anchois pêchées en mer. Les données fiables en matière d'aquaculture sont donc un des éléments nécessaires à une gestion durable des pêches.
Pour éviter toute controverse sur le bien fondé de leur démarche, ils ont laissé de côté le thon rouge. Pour cette espèce dont on ne sait pas maîtriser la reproduction, les poissons engraissés en cage sont tous issus de la pêche, ce qui donne lieu à une fraude massive. On ne peut pas savoir comment se répartissent les poissons dans les cages, ce qui est pourtant l'essentiel, relève Stéphan Beaucher, consultant pour Océan 2012, un groupement d'ONG de sauvegarde de la mer.
Les calculs ont été rondement menés. Grâce à un petit outil disponible sur le site de Google Earth, il est possible de mesurer les dimensions de chaque cage d'engraissement. Connaissant leur volume moyen, la densité des poissons, les capacités de production et les niveaux de prélèvement, Pablo Trujillo et Chiara Piroddi ont pu calculer la production potentielle méditerranéenne, du moins celle qui se fait en mer car il existe aussi une aquaculture en circuit dans des bâtiments fermés.
Globalement, la production potentielle (225.000 tonnes) est assez proche des chiffres déclarés au cours de l'année 2006 par tous les états côtiers (199.000 t). Deux pays sont toutefois montrés du doigt: la Grèce et la Turquie, dont les productions aquacoles dépassent respectivement de 30% et 18% les déclarations faites à la FAO.
La tendance à la fraude et la sous-déclaration dans le domaine de l'aquaculture n'a donc rien à voir avec les fraudes pratiquées dans le secteur de la pêche: pêche illégale, hors-quota, hors saison, hors-zone, hors-dimension, etc.. «Nos travaux montrent que les déclarations à la FAO sont fiables mais aussi que Google Earth peut être un bon instrument de vérification», concluent les auteurs de l'étude. Un constat confirmé par Jean-Noël Druon, du Centre Commun européen de Recherche basé à Ispra, en Italie.
«Les avancées technologiques ne doivent pas seulement servir aux fraudeurs, elles doivent être aussi être utilisées pour lutter contre la fraude», estime de son côté Daniel Pauly, de l'université de Colombie Britannique, un des ténors de l'océanographie des pêches. «Les ONG devraient s'associer pour mettre en orbite des satellites de télédétection et repérer les fraudes», ajoute-t-il. En effet, il déplore que les autorités de surveillance - européennes ou nationales - ne rendent jamais publics les résultats de leur traque. «S'il n'y a pas de sanction et de poursuite en justice, ça ne sert à rien». La force des images de Google Earth, c'est d'être publique. Les chercheurs ont toutefois découvert qu'une partie des clichés au large des côtes françaises et corses ainsi qu'en Israël ont une mauvaise résolution. Ils ont demandé à Google pourquoi, ils attendent la réponse.
Par Yves Miserey - LeFigaro.fr
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