La semaine méditerranéenne des leaders
économiques s'est ouverte à Barcelone avec le neuvième Forum sur le
développement des entreprises d'Afrique du Nord. L'occasion de faire un
diagnostic précis des freins à la croissance économique d'une zone dont
personne ne discute le fort potentiel de développement.
Espagne / Méditerranée. La sixième semaine méditerranéenne des
leaders économiques commence sous les auspices d'une actualité politique
tragique. L'escalade sanglante entre Israël et la Palestine dans la bande de
Gaza a cependant à peine été évoquée au premier jour de cette réunion qui
s'affirme chaque année comme une étape supplémentaire dans l'accomplissement du
processus de Barcelone, adopté en 1995 .
Miquel Valls, président de la CCI
de Barcelone et coordinateur de ces rencontres méditerranéennes du 19 au 23
novembre 2012 « en appelle aujourd'hui à un « printemps économique » comme une
nécessité, un prolongement des évènements politiques qui ont marqué les pays du
sud de la Méditerranée ces dernières années », en préambule du IXème forum sur
le développement des entreprises en Afrique du nord, premier rendez-vous de
cette semaine économique.
Une façon également de centrer
les débats autour du grand enjeu : la gestion des transitions politiques,
économiques et sociales après les « printemps arabes ». Ils « ouvrent de grande
perspectives de développement, mais laissent aussi de grandes incertitudes »,
selon Senén Florensa, président du Comité Exécutif de l'IEmed.
Modernisation économique
« Nul ne doute de ces
opportunités... à condition d'accomplir des réformes toujours aussi
indispensables qu'avant les révolutions, mais sans doute plus urgentes
aujourd'hui », enchaîne Lahcen Achy, chercheur au Carnegie Middle East Center
de Rabat (Maroc). Cet économiste définit cinq axes prioritaires pour la
modernisation économique des pays du sud de la Méditerranée :
Pour commencer donner davantage
d’espace au privé, même si l’État doit garantir les cadres légaux et les
infrastructures nécessaires aux investissements.
En second, favoriser une
politique industrielle en définissant des secteurs clés, et à travers une
meilleure régulation des marchés : « Il existe un véritable déficit dans ce
domaine qui se traduit par un taux d'investissement (rapport entre
l'investissement global et le PIB, ndlr) de 15% dans certains pays, alors qu'il
atteint en moyenne 25% au nord de la méditerranée », signale Lahcen Achy. «
Nous pourrions récupérer une bonne part de ce retard en respectant mieux les
règles de la concurrence ».
Troisièmement, veiller à une
croissance « sociale », à travers une plus grande équité fiscale (« le capital
ou le patrimoine sont parfois moins taxés que le travail »), et davantage
d'équité sociale, avec la mise en place de systèmes de protection sociale
élargis au maximum de la population.
Quatrièmement, favoriser le
développement local et la réduction des déséquilibres territoriaux.
Enfin, promouvoir l'éducation et
la recherche, ou « développer le capital humain » pour reprendre les termes de
l'économiste.
Faible taux d’activité des femmes
plus fondamentaux, comme le
démontre l'expertise de la Fondation Européenne sur la Formation (EFT)
concernant le marché du travail dans les pays du sud de la Méditerranée. Une
étude présentée à Barcelone par Mounir Baati, spécialiste en systèmes de qualification
et Country Manager pour la Libye.
Le Maghreb possède le triste
record mondial du taux d'activité le plus bas, aux alentours de 40%, alors que
le taux de population active moyenne en Europe atteint 70%. Ce déséquilibre
s'explique d'abord par le faible taux d’activité des femmes (environ 20%).
« L'organisation des entreprises et de
la société oblige les femmes à rester chez elles pour s'occuper de leurs
enfants », déplore Mounir Baati, « pourtant les réussissent sensiblement mieux
à l'école que les garçons ».
Tout aussi grave, la persistance
de l'emploi appelé pudiquement « informel » tire les salaires et les conditions
de travail vers le bas, en empêchant l'accès à la formation, professionnelle.
«Il apparait urgent de réformer
en profondeur ces systèmes de formation », conclut Mounir Baati, appuyé à
Barcelone par le secrétaire général de l'Union pour la Méditerranée, Fathallah
Sijilmassi. Il rappelle la mise en place d'un programme visant à développer la
qualification et « l’employabilité » dans les pays du sud de la Méditerranée,
notamment pour une meilleure intégration des femmes dans le marché du travail.
Intégration régionale
« Mais aucune réforme
structurelle ne portera ses fruits sans une volonté politique d'intégration
régionale, c'est à dire une plus grande collaboration entre les pays du Maghreb
», précise Lahcen Achy, dont le constat tient de la litote, puisque le commerce
entre les pays d’Afrique du nord représente seulement 3% des échanges.
Avec des conséquences parfois
très importantes pour les entreprises qui s’installent dans la région. Comme le
cas de Renault, cité par le secrétaire général de l'IEmed, Andreu Bassols : «
Le constructeur installé au Maroc éprouve étrangement les plus grandes
difficultés à vendre ses voitures aux pays voisins du sud de la méditerranée ».
Le développement du commerce entre les États de la rive sud de la Méditerranée
pourrait pourtant apporter jusqu’à deux points de croissance supplémentaires
par an, selon les études économiques sur la question.
Pour Emanuele Santi, économiste à
la Banque Africaine de Développement, « nous avions coutume de dire voici
quelques année que les pays du sud de la Méditerranée souffraient de deux
grands problèmes qui bloquaient cette coopération régionale : les conflits
politiques, qui se traduisent par exemple par l'opposition entre le le Maroc et
l'Algérie sur le Sahara Occidental, et la persistance du régime de Khadafi.
Nous pouvons dire aujourd'hui que la moitié du chemin a été faite ! »
Par Francis Mateo, à Barcelone
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