Un an après son triomphe
électoral dans le sillage du Printemps arabe, les défis restent entiers pour le
gouvernement islamiste du Maroc, qui doit notamment gérer une situation
économique dégradée et une grogne sociale persistante menaçant sa popularité.
Le 25 novembre 2011, porté par le
souffle des révoltes arabes, le Parti justice et développement (PJD), cantonné
dans l'opposition depuis des décennies, remportait un succès historique aux
législatives.
En janvier, son leader, Abdelilah
Benkirane, accédait au poste de chef de gouvernement avec pour acquis la
nouvelle constitution, initiée par le roi et adoptée six mois plus tôt, lui
attribuant des pouvoirs renforcés.
Un an après, le gouvernement
emmené par le PJD --constitué d'alliés dont l'Istiqlal (nationaliste)-- doit en
premier lieu faire face à une conjoncture difficile: habitué à des taux de
4-5%, le Maroc enregistrera en 2012 une croissance inférieure à 3%. Ce
ralentissement pèse sur les comptes publics, alors que le déficit a dépassé 6%
l'an dernier.
Cette morosité est en bonne part
une conséquence de la crise de la zone euro ainsi que d'une dernière campagne
agricole victime de la sécheresse. "Les contraintes sont fortes",
confirme l'économiste Dris Benali.
Mais le gouvernement n'échappe
pas aux critiques. La plus cinglante est venue du patronat, sur le projet de
budget 2013, objet d'âpres débats au Parlement.
Pour l'économiste Najib Akesbi,
"le programme électoral promettait des réformes" mais on reste
"dans le domaine des intentions". M. Benali évoque, lui, "un
pilotage à vue".
"Les décisions prises au
niveau économique sont claires", rétorque le ministre de la Communication,
Mustapha Khalfi.
L'objectif de réduire le déficit
public à 5% à la fin 2012 sera tenu et, dans le domaine social, "les
réalisations sont nombreuses, avec un impact direct sur la vie des
Marocains", dit à l'AFP le porte-parole du gouvernement.
"Le roi, c'est mon
chef"
L'un des gros morceaux reste la
réforme de la caisse de compensation --qui subventionne à grand frais des
produits de première nécessité ou l'essence--, mais aussi la lutte contre la
corruption, un cheval de bataille du parti islamiste. Plusieurs organismes ont
tiré la sonnette d'alarme. Abdelilah Benkirane a estimé que ce combat réclamait
"du temps".
Pour l'heure, le parti reste
populaire, comme en atteste les succès aux législatives partielles d'octobre (3
sièges sur 4), estime le politologue Mohammed Madani. Mais "il y a
énormément d'attentes non comblées" et des sympathisants PJD commencent
eux-mêmes à critiquer, poursuit-il.
Dans la rue, les manifestations
sont coutumières, tel les diplômés chômeurs dans un pays où le chômage des
jeunes avoisine 30%, d'après la Banque mondiale.
Un mécontentement existe aussi
sur les droits de l'Hommme malgré les progrès relevés par l'UE et la venue de
rapporteurs de l'ONU à l'invitation du royaume.
"Certaines choses ont été
introduites dans la constitution, mais ça n'est sûrement pas suffisant pour
parler d'état de droit", affirme un responsable d'une importante organisation
marocaine, citant l'emprisonnement de militants du 20-Février, mouvement qui
réclame plus de démocratie et de justice sociale.
Certaines manifestations, dont
celles en lien avec l'institution royale (cérémonie d'allégeance, budget), ont
été dispersées par la force.
La répartition des pouvoirs entre
gouvernement et Palais n'échappe pas à des débats, selon les interprétations de
la nouvelle constitution.
Qualifié de "prince
rouge", Moulay Hicham, le cousin du roi, a récemment déploré que le PJD
soit "relégué à des tâches (...) subalternes", selon lui.
La démocratie avance "à
petit pas" mais de "façon sûre", a clamé Abdelilah Benkirane,
tranchant la question d'une "cohabitation" au sommet: "le roi,
c'est le chef de l'Etat et le chef du conseil des ministres", "donc
c'est mon chef".
Source de l'article Slate Afrique
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