Les ports de l'Europe du Sud comptent bien profiter de la congestion de Rotterdam et d’Anvers pour reprendre la main sur leurs hinterlands.
Les ports du sud de l'Europe disposent notamment d'atouts fonciers. (photo CC-JSáez) |
« La consommation européenne se répartit équitablement au sud et au nord d’une ligne Bordeaux-Vienne, mais les trafics conteneurisés sont très majoritairement orientés vers le range nord », constate Paul Tourret, le directeur de l'Institut supérieur d'économie maritime (Isemar).
En effet les ports de Rotterdam et, dans une moindre mesure, d’Anvers et de Hambourg, se sont imposés comme interfaces entre l’Europe et l’Asie. En 2014, Rotterdam a transporté 12,3 millions d’EVP : le port s’appuie sur ses infrastructures, mais il compte aussi sur sa position stratégique, à l’embouchure du Rhin et de la Meuse. Des atouts qui lui ont permis de dépasser les frontières de son hinterland naturel. De leur côté, les ports méditerranéens ne captent que 25 % du trafic conteneurisé européen.
Développement naturel ou opportuniste
Le port de Barcelone (photo MN) |
En Méditerranée, dans le cas de Gênes (2,17 millions d’EVP en 2014) ou de Barcelone (1,9 millions d’EVP en 2014), les ports s’appuient souvent sur des régions industrielles dynamiques, qui génèrent un trafic conséquent à l’import comme à l’export. La reprise économique espagnole porte ainsi la progression des ports ibériques : en 2014, le trafic conteneurisé des ports de la côte est enregistrent une croissance de 3 % (11,7 M EVP). À Algésiras, devenu en 2014 premier port de Méditerranée devant Marseille, l'activité a progressé de 5 % (4,55 M EVP), même si le port du sud de l’Espagne progresse essentiellement grâce au transbordement. Barcelone, pour sa part, améliore son activité conteneurs de dix points. Quant à Valence, le hub de MSC, son activité a crû de 3 % (4,4 M EVP).
Mais cette logique de l’hinterland naturel peut être bousculée, surtout lorsque les ports sont peu distants. Des relations commerciales peuvent se développer par nécessité ou par opportunité. C’est le cas en Italie de Gênes et de La Spezia, séparés par une centaine de kilomètres : « Contship Italia, qui gère notamment le port de La Spezia, a été rachetée en 1999 par Eurokai, puis Eurogate, rappelle Paul Tourret. Ce rapprochement avec les opérateurs allemands déjà engagés dans le fret ferroviaire a conduit au développement précoce de liaisons vers l’Allemagne. Ainsi, tous les deux jours, un train-bloc part du nord de l’Italie vers Munich et Hambourg ».
Le rôle décisif de l'Europe
Au large du port de Marseille (photo BL) |
Une avance que les autres ports méditerranéens tentent de rattraper en développant des services comparables : « en mettant en œuvre une liaison entre Fos-sur-mer et Karslruhe, puis Anvers, Naviland et CMA CGM contribuent à étendre l’hinterland marseillais », précise Paul Tourret.
Dans cette bataille, la commission européenne joue un rôle plus que déterminant. Bruxelles attribue 26,2 Mds€ pour la période 2014-2020 aux projets de transport dans le cadre du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE). L’objectif est de soutenir les projets d'intérêt commun visant à construire un réseau complet, durable et efficace à long terme, à travers le continent. Les 315 Mds€ du plan Juncker pourront également être mis à contribution. Surtout, l’Europe travaille depuis le début des années 90 à la définition d’un réseau transeuropéen de transport (RTE-T), maillage multimodal qui définit les axes prioritaires à développer, notamment pour favoriser les relations commerciales entre les différents États.
Quatre « corridors » doivent renforcer la position des ports méditerranéens : d’Algésiras, au sud de l’Espagne, vers la Hongrie et au-delà vers l’Ukraine ; de Palerme, en Italie, vers la Finlande et la Russie ; de Gênes, en Italie, à Rotterdam ; et de Marseille à l’Ecosse et l’Irlande. En Méditerranée occidentale, une quinzaine de ports doit profiter de ces développements : « Les débouchés les plus intéressants pour les ports méditerranéens sont en Allemagne, avance Paul Tourret, notamment en Bavière, mais il existe des pistes intéressantes en Suisse, en Autriche, ou plus à l’est, en Hongrie, des pays qui sont tournés vers le nord, alors qu’il peut être plus avantageux pour eux d’utiliser les ports méditerranéens ».
Article réalisé en partenariat avec Shippax
Version anglaise : Southern Europe is banking on container shipping to boost ro-ro
Par Caroline Garcia - Source de l'article Econostruminfo
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