60 millions de jeunes entre 15 et 29 ans vivent dans les pays arabes
méditerranéens. Parmi eux, un tiers sont dans le système éducatif, 2% seulement
ont un emploi formel, 25% ont des emplois informels et près de 40% - soit 24
millions- ne sont ni dans le système éducatif ou la formation ni sur le marché
de l’emploi [1] .
(Pour mémoire, dans les pays de l’OCDE, les jeunes
« ni-ni » représentent en moyenne 15% de la population de cette classe d’âge, et
le pays ayant le taux le plus élevé, l’Espagne, se situe à 23%, qui plus est
avec un volume d’emplois informels marginal). 65% des jeunes des pays arabes
méditerranéens sont ainsi exclus de fait de tout emploi décent. Parmi les jeunes
femmes, cette proportion est de plus de 80%.
En somme, les pays arabes
méditerranéens sont la région du monde avec le plus haut taux de chômage du
monde, y compris parmi les jeunes et le plus bas taux de participation des
femmes au le marché de travail. Tout cela, alors que les pays arabes ont la
génération la plus formée de leur histoire, près de 30% des jeunes suivant
actuellement des études universitaires.
Autre caractéristique : la Méditerranée
sud est la seule région du monde où le taux de chômage des plus diplômés est
plus élevé que pour les travailleurs ayant une formation secondaire ou primaire.
Et les perspectives ne vont pas s’améliorer au regard des tendances
démographiques : en 2030, les jeunes de la région seront 80 millions.
Ainsi, la plus grande génération de jeunes arabes de
l’histoire se trouve face à une sobre équation dont les variables principales
sont :
1) Des perspectives d’emploi essentiellement limitées au secteur informel (et donc loin de tout concept de travail décent).
2) Une éducation et une formation de plus en plus généralisées mais très loin des demandes du marché de l’emploi (dans leurs pays comme dans l’Europe).
3) Un accès croissant à l’information et les médias sociaux, avec les attentes que cela entraîne.
4) Des voies très limitées d’accès à la participation politique et citoyenne dans leurs pays, malgré les processus de démocratisation en cours.
5) Comme conséquence, le désir de plus en plus répandu de migrer à l’étranger, mis en évidence par toutes les en¬quêtes.
1) Des perspectives d’emploi essentiellement limitées au secteur informel (et donc loin de tout concept de travail décent).
2) Une éducation et une formation de plus en plus généralisées mais très loin des demandes du marché de l’emploi (dans leurs pays comme dans l’Europe).
3) Un accès croissant à l’information et les médias sociaux, avec les attentes que cela entraîne.
4) Des voies très limitées d’accès à la participation politique et citoyenne dans leurs pays, malgré les processus de démocratisation en cours.
5) Comme conséquence, le désir de plus en plus répandu de migrer à l’étranger, mis en évidence par toutes les en¬quêtes.
Au-delà des chiffres et de l’instabilité inhérente à
cette équation, cette exclusion interpelle l’Europe à plusieurs titres :
- Elle est sans doute une des causes explicatives des révoltes dites du « Printemps arabe » et de l’instabilité qui persiste dans la région ;
- Cette exclusion remet en cause un modèle économique capital-intensif et orienté vers les marchés internationaux et la compétitivité qui, il faut le rappeler, a été non seulement entériné mais activement promu et on pourrait dire même imposé par les organisations internationales et l’UE à travers ses outils de coopération. À l’heure actuelle, ni les institutions internationales, y compris l’UE, ni les nouveaux gouvernements islamistes, ne semblent travailler à la conceptualisation, et encore moins à la réalisation d’une autre modèle.
- Elle semble donner une réponse naturelle qui pourrait se qualifier de « symbiose démographique » à la pénurie de main-d’œuvre dont l’Europe va souffrir dans les prochains années malgré la crise d’emploi actuelle : d’après l’actualisation des projections du marché de l’emploi faits par CEDEFOP en 2010, la demande additionnelle de travailleurs hautement qualifiés non couverts par la dynamique démographique en Europe augmentera de 10 millions jusqu’au 2020 et celle de travailleurs avec un niveau de qualification moyen de 4,5 millions, augmentation compensée seulement en partie par la chute de la demande des travailleurs peu qualifiés de 7 millions [2]. Pour que les jeunes arabes puissent satisfaire cette de¬mande accrue, il faudrait mettre à jour et ren¬forcer ses qualifications éducatives et professionnelles mais surtout faciliter la mobilité et la migration légale de ces jeunes en Europe, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle [3].
L’importance de la question de l’emploi, souvent ig¬norée avant le Printemps arabe, a suscité depuis le consensus, et l’on assiste à une prolifération d’initiatives et projets dans le domaine de l’emploi, la formation et l’intégration des jeunes dans toute la région. Les pistes d’actions sont très souvent réitérées : repenser les projets d’investissements publics et les politiques économiques pour mettre en priorité la création d’emploi, repenser le modèle éducatif et les conditions de création et d’essor des PME ; promouvoir toutes les opportunités d’insertion des jeunes et des femmes dans la vie professionnelle (par la formation, l’entreprenariat, la création d’emplois d’insertion, l’économie sociale et associative…) ; développer des politiques d’emploi intégrales et des services publics d’emploi performants ; réorienter la coopération internationale vers le social et la création d’emplois (étant donné que l’équation de stabilité sociale semble sous-déterminée à court terme dans ces pays et donc ils ont besoin de l’assistance extérieure pour faire joindre les deux bouts) ; faciliter la mobilité et la migration légale des jeunes en Europe….
- Elle est sans doute une des causes explicatives des révoltes dites du « Printemps arabe » et de l’instabilité qui persiste dans la région ;
- Cette exclusion remet en cause un modèle économique capital-intensif et orienté vers les marchés internationaux et la compétitivité qui, il faut le rappeler, a été non seulement entériné mais activement promu et on pourrait dire même imposé par les organisations internationales et l’UE à travers ses outils de coopération. À l’heure actuelle, ni les institutions internationales, y compris l’UE, ni les nouveaux gouvernements islamistes, ne semblent travailler à la conceptualisation, et encore moins à la réalisation d’une autre modèle.
- Elle semble donner une réponse naturelle qui pourrait se qualifier de « symbiose démographique » à la pénurie de main-d’œuvre dont l’Europe va souffrir dans les prochains années malgré la crise d’emploi actuelle : d’après l’actualisation des projections du marché de l’emploi faits par CEDEFOP en 2010, la demande additionnelle de travailleurs hautement qualifiés non couverts par la dynamique démographique en Europe augmentera de 10 millions jusqu’au 2020 et celle de travailleurs avec un niveau de qualification moyen de 4,5 millions, augmentation compensée seulement en partie par la chute de la demande des travailleurs peu qualifiés de 7 millions [2]. Pour que les jeunes arabes puissent satisfaire cette de¬mande accrue, il faudrait mettre à jour et ren¬forcer ses qualifications éducatives et professionnelles mais surtout faciliter la mobilité et la migration légale de ces jeunes en Europe, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle [3].
L’importance de la question de l’emploi, souvent ig¬norée avant le Printemps arabe, a suscité depuis le consensus, et l’on assiste à une prolifération d’initiatives et projets dans le domaine de l’emploi, la formation et l’intégration des jeunes dans toute la région. Les pistes d’actions sont très souvent réitérées : repenser les projets d’investissements publics et les politiques économiques pour mettre en priorité la création d’emploi, repenser le modèle éducatif et les conditions de création et d’essor des PME ; promouvoir toutes les opportunités d’insertion des jeunes et des femmes dans la vie professionnelle (par la formation, l’entreprenariat, la création d’emplois d’insertion, l’économie sociale et associative…) ; développer des politiques d’emploi intégrales et des services publics d’emploi performants ; réorienter la coopération internationale vers le social et la création d’emplois (étant donné que l’équation de stabilité sociale semble sous-déterminée à court terme dans ces pays et donc ils ont besoin de l’assistance extérieure pour faire joindre les deux bouts) ; faciliter la mobilité et la migration légale des jeunes en Europe….
Pourtant, force est de constater que ces initiatives
s’exonèrent souvent d’une vision globale en termes de modèle économique et de
développement dans lequel elles viennent s’insérer, et qui constitue une
dimension clé de la transition démocratique et constitutionnelle, mais aussi
forcement économique et sociale, que ces pays sont en train d’entamer. Où en
est-on pour le modèle social européen, censé être promu par l’Union Européenne
dans son action extérieure d’après l’Agenda Social européenne de 2005 [4] ?
Plus largement, l’Europe ne semble pas avoir compris
encore que la question de l’emploi et de la mobilité des jeunes en Méditerranée
est avant tout une question stratégique… pour l’Europe, et qu’elle requiert une
réponse régionale en Méditerranée. En conséquence, une stratégie d’ensemble
donnant de la cohérence à toutes ces initiatives fait défaut, en particulier par
rapport aux initiatives de coopération européenne dans ce domaine.
Ni l’Union
pour la Méditerranée et son approche par projets ni encore moins le processus
5+5 de la Méditerranée occidentale, plus orienté vers les questions de sécurité,
sont à même de répondre à ce défi majeur, ni par la finalité, ni par la
conception ni par l’approche. Les deux Conférences euro-méditerranéennes des
ministres de l’Emploi et du Travail tenus à Marrakech en novembre 2008 et à
Bruxelles en novembre 2010 n’ont pas eu de suite, pas seulement dans le sens que
personne ne songe à en tenir une troisième comme prévu en novembre 2012, mais
surtout car le Cadre d’Actions pour la création d’emploi, l’employabilité et le
travail décent approuvé en 2008 et réitéré avec des petites modifications en
2010 est resté un cadre purement déclamatoire ; et ce sans aucune action
ultérieure d’implémentation ni suivi de ses objectifs.
Et pourtant, les neuf
objectifs formulés dans le cadre régional d’actions (déclinés dans des objectifs
concrets dans chaque cas) ne peuvent être plus actuels :
i) créer davantage
d’emplois, y compris à travers des politiques actives d’emploi ;
ii) améliorer
l’employabilité et le capital humain ;
iii) créer de emplois de meilleure
qualité et des possibilités de travail décent ;
iv) promouvoir l’égalité des
chances entre les hommes et les femmes ;
v) intégrer davantage de jeunes dans
des emplois décents ;
vi) élaborer une stratégie intégrée pour transformer
l’emploi informel en travail formel, et
vii) gérer la migration de la main
d’œuvre en tenant compte des besoins des marchés de travail des deux côtés de la
Méditerranée.
Pour quand alors une « Stratégie Euro-Méditerranée
pour l’Emploi, la Formation et la Mobilité » à l’instar de la Stratégie Europe
2020 [5] ?
Par Iván Martín,
Source de l'article Confluences Méditerranée
Notes :
[1] Toutes les Statistiques dans cette note
procèdent de l’étude Union
for the Mediterranean Regional Employability Review : The Challenge of Youth
Employment in the Mediterranean, publiée par l’European Training Foundation
de Turin au mois de septembre.
[2] CEDEFOP (2010) : Skills supply and demand in
Europe : medium-term forecast up to 2020, Luxembourg.
[3] Voire une analyse détaillée de cette question
dans Iván Martín (2011) : “A Win-Win Match of Labour Demand and Labour Supply
Across the Mediterranean”, dans Bichara Khader, Les
migrations dans les rapports euro-méditerranéennes et euro-arabes, pp.
71-83, L’Harmattan, Paris.
[4] Commission européenne (2005), Communication de
la Commission sur l’Agenda social, COM(2005)33, p. 5,0 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do ?uri=COM:2005:0033 :FIN :FR :PDF,
d’après laquelle « l’UE doit également s’assurer qu’elle met en oeuvre ses
politiques extérieures d’une manière qui contribue à l’optimisation des
avantages de la mondialisation pour tous les groupes sociaux dans tous ses pays
et régions partenaires. Ses politiques extérieures ont toujours été marquées par
une dimension sociale importante, par exemple en matière de soutien de l’accès
universel aux services sociaux de base dans les pays en développement ».
[5] Sur cette question, voir Iván Martín (dir.)
(2010) :
20+10. 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du
Partenariat euro-méditerranéen, 183 pages, Friedrich Ebert Stiftung, Rabat,
Maroc.
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