Le secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée, Fathallah Sijilmassi, explique à Agnès Levallois de l'IPEMED ce qu’est aujourd’hui l’UPM, son rôle et ses liens avec le «5+5».
Où en est l’UPM aujourd’hui?
L’UPM en 2012 n’est pas la même
que celle de 2008 car le contexte a radicalement changé au Nord sur le plan
économique et au Sud sur le plan politique. Il est donc impossible de penser l’UPM de 2012 selon
les mêmes termes que lors de sa création. Aujourd’hui, elle vit une nouvelle
impulsion marquée tout d’abord par sa gouvernance, avec une coprésidence des
institutions européennes au Nord et de la Jordanie au Sud. Le principe de cette
coprésidence est la caractéristique de l’UPM, son véritable ADN, car il s’agit
d’une co-appropriation par le Sud et par le Nord. Cette intuition était la
bonne et je suis heureux de voir qu’elle est aujourd’hui confirmée. C’est une
avancée considérable par rapport au processus de Barcelone.
Quelle est cette nouvelle impulsion dont vous parlez ?
Cette nouvelle impulsion
s’explique par le contexte postprintemps arabe avec l’émergence, dans certains
pays, de nouveaux régimes, de nouveaux besoins et de nouveaux paramètres de
temps. La prise en compte des urgences doit désormais s’inscrire dans les
politiques de moyen et long terme. L’homme de la rue dans les différents pays
du Sud sait maintenant que sa voix compte. Il réclame des emplois, une
meilleure justice, l’accès à la santé et à la citoyenneté. Cette réalité donne
de ce fait des responsabilités aux gouvernements élus, notamment celle de
répondre aux exigences de la population.
Dans cette réalité nouvelle,
l’UPM trouve toute sa raison d’être. Je dirais même que si elle n’existait pas,
il faudrait la créer car c’est une enceinte où sont enfin traitées, de façon
pragmatique, les questions de coopération régionale. L’absence de coopération
régionale est la plus grande faiblesse de notre région.
L’accélérateur de croissance
viendra de l’intégration régionale et une entité comme l’UPM, dont le mandat
est d’investir dans ce domaine, justifie plus que jamais son existence.
Je suis conscient des obstacles
politiques, mais je compte sur une évolution positive. Il y a d’autres
difficultés, par exemple celles d’organiser des sommets de chefs d’État et de
gouvernement et des réunions au niveau des ministres des Affaires étrangères.
Nous avons néanmoins prévu trois réunions ministérielles sectorielles –
transports, énergie, femmes – en 2013. Nous espérons relever ce défi.
Que peut-on attendre de l’UPM ?
Soyons lucides sur le niveau
d’exigence demandé à l’UPM. C’est une plateforme de dialogue, d’échanges, de
connaissances. L’objectif est de permettre la mise en œuvre de projets de
coopération régionale à travers un travail de lobbying et de coordination. Donc
une UPM facilitatrice et mobilisatrice à travers des projets catalyseurs qui
contribuent à la paix et à la sécurité en Méditerranée.
Notre travail sur les projets
s’inscrit dans une stratégie de confiance qui permet des rapprochements.
Prenons l’exemple des autoroutes du Maghreb. Il n’est pas insensé, en 2012,
d’imaginer que trois capitales comme Rabat, Alger et Tunis soient reliées par
une autoroute – il ne manque que 22
kilomètres entre le Maroc et l’Algérie et 80 kilomètres entre l’Algérie
et la Tunisie. Finaliser cette autoroute fait désormais l’objet d’un projet
labellisé par l’UPM avec le soutien de toutes les parties concernées.
Quelle articulation existe-t-il entre l’UPM et le «5+5»?
Nous nous félicitons de la
revitalisation du «5+5» avec le sommet de Malte auquel j’ai pris part, car ce
processus est une force motrice pour l’UPM. En effet, prenons l’exemple du «5+5
transport». Il a validé le projet de parachèvement de l’autoroute du Maghreb.
Puis il l’a transmis au «5+5 Affaires étrangères». Celui-ci l’a accepté, ce qui
est un deuxième signal politique positif. Le projet a été ensuite labellisé par
l’UPM avec la présence de représentants de tous les pays concernés. C’est un
cas concret d’articulation stratégique et opérationnelle entre le «5+5» et
l’UPM. Mais d’autres exemples existent. L’intégration maghrébine est
aujourd’hui l’intérêt de tous. Tout ce que nous pouvons faire à l’UPM pour
favoriser cette intégration sera fait.
Quel est l’intérêt de labelliser des projets ?
Cela donne une crédibilité
politique aux projets, ce qui permet de trouver des financements. La
labellisation implique l’approbation des quarante-trois pays membres. À mon
sens, l’une des missions essentielles du secrétariat est d’apporter une assistance
technique, une expertise aux pays qui en ont besoin afin que les projets qu’ils
proposent soient réalisables pour être ensuite labellisés. Nous nous plaçons
sur le terrain de l’identification des projets, de leur promotion, de la
finalisation du montage financier et enfin de leur mise en œuvre.
Quelles sont vos priorités ?
L’un des projets de mon mandat,
Med for jobs, est une grande initiative qui devrait être labellisée en décembre
et lancée, je l’espère, à Tunis en mars 2013. L’idée est de travailler sur
trois piliers: l’employabilité (éducation, formation); l’intermédiation entre
l’offre et la demande d’emplois; la création d’entreprises. Notre objectif est
d’identifier les meilleurs pratiques en termes de projets créateurs d’emplois
et de les transférer dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée. Une
équipe d’experts de l’UPM effectue actuellement des visites dans la région pour
identifier les partenaires et les premiers projets qui verront le jour dans le
cadre de cette initiative.
Les pays du Sud s’approprient-ils l’UPM ?
L’UPM est une instance où les
pays du Sud sont partenaires à part entière. Cette appropriation de l’UPM par
les pays du Sud est essentielle pour répondre à leurs attentes. Certains pays
n’y parviennent pas encore. J’y suis attentif. Lorsque mes interlocuteurs
disent vous, je leur rappelle, que le secrétariat de Barcelone leur appartient
et qu’il faut dire nous.
Ressentez-vous des inquiétudes face aux bouleversements qui ont lieu au
Sud et à la crise qui sévit au Nord ?
Bien sûr, je suis inquiet mais
cela ne fait que renforcer ma conviction à agir et ma détermination à
travailler. L’inquiétude, c’est que les deux rives se tournent le dos. Le
risque est réel, car l’Europe est empêtrée dans ses débats internes. Les pays
du Sud, en pleine transition, sont tentés de se détourner de l’axe privilégié
avec l’Europe et de regarder ailleurs, vers les pays du Golfe, la Chine, etc.
La pertinence de UPM dans ce
genre de problématique est encore plus avérée. Il faut plus que jamais la
soutenir pour que cette construction méditerranéenne aboutisse. Cela prendra du
temps, mais nous devons savoir gérer ce facteur temps. Il faut pour cela
utiliser tous les instruments mis à notre disposition, constituer un team work
au sein duquel chacun a toute sa place.
Source de l’article l’IPEMED
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire