Entre 2006 et 2011, sur 211 productions, seulement quatre ont été exclusivement coproduites entre pays de la Région sud-méditerranéenne. C’est l’une des nombreuses et intéressantes informations dévoilées avant un (pluvieux) cocktail lors de la deuxième conférence d’Euromed Audiovisuel à Cannes.
Lundi dernier, à l’occasion du Festival de Cannes, s'est tenue la deuxième conférence d’Euromed Audiovisuel au Pavillon des Cinémas du Monde, regroupant une soixantaine de professionnels de l’industrie du film européens et méditerranéens. De nombreux sujets ont été traités, notamment les résultats des projets financés par le Programme Euromed Audiovisuel, ainsi que les moyens d’améliorer le secteur du film dans les pays sud-méditerranéens.
La conférence a été l’occasion de présenter deux projets financés par d’autres programmes de l’Union européenne : MedMem, un projet de site web rassemblant les archives audiovisuelles du bassin méditerranéen, financé par le programme européen Euromed Héritage, ainsi que le mécanisme de soutien aux salles et aux exploitantsd’Europa Cinemas.
Isabelle Durant, Vice Présidente du Parlement européen, a ouvert la conférence en soulignant l’importance d’un partenariat entre l’Union européenne et la région méditerranéenne, d’autant plus crucial à la lumière de la transition démocratique que connaissent beaucoup de ces pays. Elle a également ajouté que le travail d’Euromed Audiovisuel est essentiel, en ce qu’il permet à la société civile de s’exprimer librement à travers la culture, en appui au travail diplomatique de l’Union européenne dans la région.
Ce fut ensuite au tour d’Alex de Rendinger d’intervenir pour parler de l’expérience de la société Under the Milky Way, plateforme dédiée à la distribution digitale de films et programmes audiovisuels, qu’il a cofondé en 2010.
Selon lui, le succès de cette société réside dans une bonne appréhension des réseaux de distribution et de la création de stratégies marketing adaptées à chaque marché.Under the Milky Way collabore étroitement avec quatre des plus importantes plateformes de vidéo à la demande (VOD) : Sony, Amazon, iTunes et Hudu. Rien qu'en 2011, la société a distribué 350 films dans 60 pays.
De Rendinger a ajouté que la distribution digitale a vocation à devenir de plus en plus importante à l'avenir. Ces dernières années, sa popularité a grandi, comme le montre par opposition le déclin de l’achat de DVD aux Etats-Unis, passant de 25 milliards à 15 milliards de dollars entre 2006 et 2011. Bien qu’Under the Milky Way ne collabore pas actuellement avec la région méditerranéenne, l’entreprise entend bien investir ce marché dans un futur proche.
Berthold Wollheber et Ahmed Bedjaoui, de l’Unité d’Appui au Renforcement des Capacités (CDSU) du Programme Euromed Audiovisuel, ont ensuite pris la parole.
Wollheber a insisté sur la nécessité de promouvoir les relations Sud-Sud et les systèmes de financement, afin de permettre à l’industrie du film sud-méditerranéenne de devenir parfaitement autonome.
Bedjaoui, spécialiste dans le renforcement des capacités, a parlé des tables rondes qu’il a organisées dans six pays phares de la région : l’Algérie, la Jordanie, le Liban, la Tunisie, la Palestine et le Maroc. Bedjaoui a fait remarquer que ces discussions ont été l’occasion de rassembler pour la première fois des réalisateurs, producteurs et institutions représentatives, contribuant à créer au sein de l’industrie cinématographique une bonne dynamique pour les films de demain.
« Le jeune cinéma exprime quelque-chose d’extrêmement profond » a-t-il dit.
L’Unité d’Appui au Renforcement des Capacités d’Euromed Audiovisuel a pour but de développer le secteur audiovisuel dans la région sud-méditerranéenne, en soutenant la production locale, en promouvant les mécanismes de financement Sud-Sud, en aidant les salles d’exploitation et en assistant les scénaristes grâce à des formations solides.
Enfin, Bedjaoui a ajouté que l’Unité d’Appui au Renforcement des Capacités sera présente au Festival international du Film du Caire ainsi qu’au Festival du Film de Carthage, qui auront lieu à la fin de l’année.
Mireille Maurice a par la suite présenté MedMem, projet financé par le programme européen Euromed Héritage et fortement lié à Euromed Audiovisuel. Grâce à ce projet, 4.000 documents d’archives en provenance de la région sud-méditerranéenne seront disponibles en ligne, et ce dans trois langues : anglais, français et arabe. Le site ouvrira en septembre 2012, et compte déjà 20 partenaires, représentants 14 chaînes de télévision dans 13 pays différents.
MedMem est une plateforme indispensable pour protéger l’héritage audiovisuel de la région, a souligné Mireille Maurice, particulièrement pour les enseignants et leur jeune public. C’est donc pour cette raison que les archives doivent être replacées dans leur contexte, grâce à l’appui d’articles spécialisés. Cette présentation s’est achevée par une brève entrevue de quelques vidéos bientôt disponibles sur le site.
Le secrétaire général d’Europa Cinemas, Claude Eric Poiroux, a ensuite rappelé l’importance de leur programme Europa Cinemas Mundus pour la diffusion des films européens dans les pays de la Méditerranée. Grâce à ce programme, les distributeurs de cette région pourront demander à Europa Cinemas de financer à hauteur de 50% leurs dépenses en impression et publicité. La raison ?
« Les films européens ne sont pas assez diffusés dans les pays tiers » a expliqué Claude Eric Poiroux.
Pour obtenir une aide, les exploitants doivent programmer 28 diffusions consécutives du même film réparties sur deux semaines. Le succès de la sortie de The Artist en Tunisie témoigne du succès d’un tel procédé.
Europa Cinemas s’attache également à diffuser de plus en plus de films des pays tiers dans son réseau européen de salles de cinéma, comme ce fut récemment le cas pour le talentueux film iranien Une Séparation.
Cette intervention a été suivie par une brève présentation de Terramed Plus, programme d’Euromed Audiovisuel, qui consiste en un projet de coopération internationale entre six télédiffuseurs publics de la Méditerranée qui ont créé une présentation de leurs programmes hebdomadaire de 20 minutes. Une plateforme de distribution en ligne est prévue pour juin 2012, avec plusieurs heures de programmes disponibles à la demande.
Linda Beath et Lucas Rosant ont ensuite présenté respectivement leurs recherches sur les moyens de cofinancer un film dans la région sud-méditerranéenne, ainsi que sur le recensement des 224 coproductions sud-méditerranéennes Nord-Sud ou Sud-Sud.
Beath a affirmé que d’ici 3 à 5 ans, les DVD seront devenus obsolètes et seront remplacés par des plateformes digitales. Le financement est lui aussi en pleine mutation. Beath a fait part de son intérêt pour les techniques alternatives de financement, telles que le placement de produits qui représente un marché de quatre milliards de dollars rien qu'aux Etats-Unis, et également les sites internet utilisant le crowd-funding, de plus en plus populaires dans le monde entier.
Par ailleurs, selon Beath, afin d’attirer de nouveau le public local dans les cinémas, les professionnels sud-méditerranéens devrait se rencontrer afin de mettre en place un programme de cinq ans pour passer aux plateformes digitales, ainsi que l’utilisation de méthodes alternatives de financement, telles que les incitations fiscales.
Rosant a ensuite présenté son recensement des coproductions dans la région, en pointant du doigt le défi que constituait le manque de données pertinentes en la matière. En recherchant sur Internet, dans les archives de presse ainsi que dans les catalogues, il a trouvé qu’entre 2006 et 2011, 221 coproductions ont été faites dans la région sud-méditerranéenne, incluant 151 fictions et 70 documentaires.
Les pays européens participent à la majorité de ces coproductions, la France et l’Allemagne coproduisent en effet 50 % des films du bassin méditerranéen.
La région ne compte donc que très peu de coproductions entre pays du Sud : seules quatre d’entre elles impliquent des pays exclusivement sud-méditerranéens et 16 autres films sont coproduits avec des pays du Golfe, reflétant la volonté de développer l’image des pays arabes. Rosant a conclu sa présentation en rappelant que si les pays sud-méditerranéens ont encore beaucoup à faire dans le domaine, les opportunités de développer la coproduction Sud-Sud ne manquent pas.
Pour conclure, Sahar Ali a présenté sa collecte et l’analyse des données statistiques sur le marché audiovisuel et cinématographique des neuf pays sud-méditerranéens, données collectées sous l’égide de l’Observatoire européen de l’Audiovisuel. Elle a de nouveau mis l’accent sur le manque de données disponibles, mais a affirmé que les résultats seront publiés d’ici la fin de l’année ; en espérant que cette démarche stimulera la circulation de l’information dans cette région.
Les deux heures de présentations passionnantes ont laissé place à un cocktail (à l’abri de cette pluie incessante qui a marqué cette édition du Festival) au cours duquel les discussions animées se sont poursuivies !
Source Euromed Audiovisuel
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