A quoi ressemblent les "contributions volontaires" des États pour la COP-21 ? Pour le comprendre rien ne vaut un exemple. En voici un, avec le texte que la "République algérienne démocratique et populaire" - c'est le nom officiel que l'Algérie se donne - vient de déposer au Secrétariat de la Convention Climat de l'ONU.
A ce jour, le site qui regroupe ces contributions en présente 35 (les 28 pays membres de l'Union Européenne plus la Lettonie comptant pour 1), que l'on peut télécharger et étudier. Parmi eux, certains "géants", par la démographie et le volume de leurs émissions de gaz à effet de serre : les États-Unis, la Chine ou la Russie. Mais pas encore l'Inde par exemple.
L'analyse faite par des économistes de ces contributions déjà déposées conclut à leur insuffisance par rapport à l'objectif : ne pas dépasser 2°C de plus pour la température moyenne de la planète que celle d'avant la Révolution industrielle (lire ici et ici).
Le spectre de la justice climatique
Lire la contribution de l'Algérie est instructif quant aux enjeux géopolitiques de la COP-21. Ceux de la justice climatique - ce "spectre qui hante la géopolitique du climat" comme je l'explique dans le livre Cacophonie climatique"Les dessous de la cacophonie climatique" - puisque l'Algérie insiste sur son "innocence" historique en s'appuyant sur ses faibles émissions de gaz à effet de serre par habitant dans le demi-siècle qui vient de s'écouler.
Aujourd'hui, ses émissions dues à l'usage des énergies fossiles sont de 2,97 tonnes de CO2 par habitant selon sa " fiche pays" de la COP-21 (contre 2,01 en 1990 soit une augmentation de 47%) et représentent 0,36% des émissions mondiales. Il est utile de comparer avec la même source, la " fiche pays" des États-Unis : ces derniers émettent 16,15 tonnes par habitant de CO2 issu des énergies fossiles, et comptent pour 16% du total mondial.
En outre, l'Algérie se déclare parmi les pays les plus vulnérables au changement climatique, ce qui est tout à fait vrai en raison des sécheresses accrues et du stress hydrique plus violent que les climatologues prévoient pour cette région du monde.
Du coup, l'Algérie réclame l'aide des pays porteurs de cette "dette climatique" - les pays anciennement industrialisés - et avertit : si elle ne la reçoit sous la forme d'un accès peu cher aux technologies permettant d'économiser l'énergie ou de passer à des source bas-carbone, ses objectifs d'émissions resteront faibles.
Elle annonce en effet dans son document qu'elle pense pouvoir réduire ses émissions en 2030 de 7%... par rapport à un scénariobusiness as usual (et non par rapport à ses émissions actuelles). Mais pouvoir hisser cette réduction à 22% si elle y est aidée.
"En tant que pays en développement, la responsabilité historique de l'Algérie en matière d'accumulation des gaz à effet de serre n'est nullement engagée."
Je copie ci dessous son préambule :
«L’Algérie, pays sévèrement affecté par la désertification, est, à l’instar des pays africains et d’autres pays de la rive sud de la Méditerranée, particulièrement vulnérable aux effets multiformes des changements climatiques qui menacent de compromettre son développement économique et social.
Fidèle à ses engagements contractuels, l’Algérie renouvelle, sa détermination à travailler, de concert avec l’ensemble des Parties Contractantes, en vue de la réalisation des objectifs de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). A cet effet, elle réaffirme, au plus haut niveau, sa volonté de ne ménager aucun effort pour le succès de la vingt et unième session de la Conférence des Parties, devant se tenir à Paris en décembre 2015.
Face à l’urgence climatique, l’Algérie réitère la nécessité de l’adoption de l’Accord de Paris sur les Changements Climatiques, qui soit à la fois ambitieux et durable, inspiré par les dernières données scientifiques et articulé autour du principe de la responsabilité commune mais différentiée des Etats, tout en tenant dûment en considération, des circonstances spécifiques et des capacités respectives des Parties Contractantes. C’est dans cet esprit que la présente contribution provisoire, déterminée au niveau national a été préparée et soumise par l’Algérie, et ce conformément aux dispositions pertinentes des décisions 1/CP 19 et 1/CP 20 de la Conférence des Parties à la CCNUCC.
Cette contribution provisoire concerne les deux piliers, d’égale importance, de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques ; à savoir l’atténuation des émissions des gaz à effets de serre et l’adaptation aux effets des changements climatiques.
En tant que pays en développement, la responsabilité historique de l’Algérie en matière d’accumulation des gaz à effet de serre n’est nullement engagée. Pays peu émetteur de gaz à effet de serre, sa responsabilité actuelle étant très limitée. En outre, les besoins de croissance du pays sont en constante augmentation afin de répondre aux attentes légitimes de développement économique et social de sa population, et en particulier de sa jeunesse.
La contribution provisoire de l’Algérie est donc soumise sous conditions de l’accès aux ressources financières extérieures nouvelles tant auprès de ses partenaires bilatéraux que multilatéraux ainsi que du transfert de technologies propres en des termes concessionnels et préférentiels et du renforcement de ses capacités techniques.
Cette contribution provisoire a été conçue en prenant en compte la conjoncture financière et économique particulièrement difficile que traverse l’Algérie, en raison de la baisse considérable des prix des hydrocarbures.
Sa contribution définitive au moment de l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris sur les Changements Climatiques sera ajustée en conséquence.
La CPDN de l’Algérie couvre la période 2021-2030 et concerne principalement les secteurs de l’énergie, l’industrie, les transports, l’agriculture et les forêts, le bâtiment et l’environnement ; ainsi que d’autres secteurs non moins importants. L’Algérie s’engage à soumettre sa contribution définitive au moment de la ratification dudit accord et bien avant son entrée en vigueur prévue en 2020.»
La suite du document à télécharger ici.
Par Sylvestre Huet - Source de l'article Blog Libération
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