Les enjeux euro méditerranéens, la proximité géographique, culturelle et historique avec notre vieux continent, font de l’Afrique du Nord un partenaire incontournable de l’Union Européenne. Nous voulons nous interroger sur l’avenir de la relation entre nous autres européens et les pays du Maghreb.
Les « effets miroirs » entre les deux rives se nourrissent de la « dialectique des identités ». Les rapports de conflictualité, mais aussi les besoins de connaissance et de reconnaissance transcendent les « frontières culturelles ». Tout cela donne un sens à un travail politique sur la singularité de la relation euro-maghrébine.
Il faut rappeler que dans les années 1970, la coopération euro-méditerranéenne s'est traduite par la volonté de promouvoir le libre accès des produits industriels méditerranéens au marché communautaire sans réciprocité, d'améliorer l'accès des produits agricoles à ce marché par l'abaissement des droits de douane et de faciliter la mise en œuvre d'une coopération financière et technique.
Les accords avec les pays concernés, notamment ceux du Maghreb, ont permis une franchise douanière pour leurs produits industriels, quelques concessions douanières agricoles (au demeurant insuffisantes en regard des avantages comparatifs détenus en la matière par ces pays) et une aide financière (prêts de la BEI et dons). Un bilan médiocre de ces accords de coopération peut être dressé. La Communauté a alors rénové sa politique méditerranéenne, notamment à la suite de la Conférence de Barcelone de 1995, sans pour autant aboutir à un bilan très positif de cette rénovation. Plus récemment encore, une nouvelle initiative, la politique de voisinage, s'est adressée, entre autres, à quelques pays méditerranéens, signe que la politique méditerranéenne se cherche encore ...
Nous constatons qu'à la recherche d’économies dynamiques à fort taux de croissance et à bas coûts de production, les entreprises européennes portent leur regard au loin, principalement vers l’Asie. Aujourd'hui, ne serait-il pas plus opportun d'envisager plutôt des liens plus étroits avec l’espace proche ? Autrement-dit, l’Europe doit-elle se détourner de sa proximité géographique, et n’apprécier les pays de la rive sud de la Méditerranée que comme une menace de laquelle l’étanchéité croissante des frontières la protégerait ?
Pourquoi notre perception est aujourd'hui, exclusivement fixée sur la réponse à des questions immédiates : le développement du terrorisme, la stabilité politique, les phénomènes migratoires, les trafics, etc, ?
Cette vision étroite n’est-elle pas une partie du problème ? Ne peut-on pas envisager une autre perspective ? Compte tenu de ses atouts, et malgré ses faiblesses, l'Afrique du Nord doit être perçue par les européens comme une formidable opportunité.
C'est pourquoi, il nous semble que le moment est venu d'une démarche volontariste et ouverte dans ce sens. Se sont autant de femmes et d’hommes qui espèrent un avenir Euro-Maghrébin meilleur dans une vision méditerranéenne fraternelle.
L’objectif est bien pour la France et pour l’Europe, grâce à une coopération renforcée, de conduire à une plus grande intégration des économies et à la constitution à long terme d’un ensemble dynamique fondé sur les complémentarités. Il est d’ailleurs le moyen le plus sûr de répondre aux risques d’instabilité.
Rappelons-nous, en Tunisie, la révolution de janvier 2011 a illustré de façon flagrante les inégalités sociales et les disparités régionales qui ont caractérisé le modèle de développement de ce pays. Les manifestations dans les trois pays du Maghreb ont été accompagnées de fortes attentes de la population qui demande une amélioration rapide de son niveau de vie.
Notre démarche vise à développer les relations euro-maghrébines afin de promouvoir la diversité culturelle française et européenne comme étant un levier d’échanges économiques et culturels. Nous proposons d’initier une plateforme d’échanges dynamiques plaçant les décideurs de demain issus de l’Europe au cœur de la réflexion sur l’Euro-Maghreb.
L’objectif de cette initiative est de
- Mettre en exergue le fait que les citoyens français d’origine méditerranéenne ont un vrai rôle à jouer dans le contexte international actuel, autant dans le dialogue des cultures que dans les problématiques économiques.
- Mettre en place un incubateur d’idées sur les opportunités qui peuvent naître d’une intensification des échanges entre l’Europe et le Maghreb.
- Fusionner les énergies issues d'initiatives économiques, politiques, culturelles et universitaires européens et maghrébines afin d‘élaborer différentes manières de « construire notre Euro-Maghreb de demain ».La visée est de créer les conditions d'un réel passage "de la parole aux actes".
- Définir les contours de l’Euro-Maghreb et constituer des leviers d’actions pour l’avenir.
- Définir les différentes perspectives concrètes de construction de l’Euro-Maghreb.
Nous devons avec humilité, réitérer sans imposer notre adhésion aux valeurs de modernité, de démocratie et de progrès social, et de développement des ressources de manière durable et linéaire.
Aujourd'hui et plus que jamais nous devons trouver ensemble les solutions pour garantir l'équilibre entre croissance et développement durable dans cette région si proche de nous et dont nous partageons la destinée :
- concilier le développement nécessaire dans ces pays et la protection des richesses naturelles ;
- œuvrer pour la préservation de la biodiversité ainsi que la lutte contre le changement climatique ;
- préparer la sortie de l’emprise pétrolière.
Relever tous ces défis nécessite l’apport de réponses innovantes qui peuvent émaner également des organisations de l’économie sociale et solidaire. En mai 2013, pour la première fois, s’est tenue à Tunis la conférence Méditerranéenne de l’économie Sociale et Solidaire (MedESS), qui a regroupé les principaux représentants du secteur dans la région et a posé les bases d’un écosystème méditerranéen favorable aux entreprises sociales.
Plutôt qu’une alternative, l’ESS se positionne comme une troisième composante de l’économie de marché et du secteur public.Au Maroc et en Tunisie, l’organisation du secteur date des années 1980 et du début des années 1990, suite à l’application de plans d’ajustement structurel. En Algérie, l’économie sociale sous sa forme modernisée est apparue au milieu des années 1990 afin d’atténuer les effets de la transition vers l’économie de marché qui s’est accompagnée d’un accroissement des exclusions, de la pauvreté et du chômage.
Il y a beaucoup à penser et à travailler. Voilà pourquoi nous vous invitons à ce débat.
Par Ahmed Mamache, Driss Djouadi et Moulourd Medjaldi (Euro-Maghreb Ecologie) - Source de l'article Mediapart
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