La célébration du vingtième anniversaire du Processus de Barcelone a été une occasion propice pour l’Union pour la Méditerranée de rappeler le potentiel de croissance qui peut être généré grâce à une coopération régionale accrue, et pour insister sur l’importance pour les pays de la région d’élaborer un agenda de développement partagé.
L'année 2015 marque le vingtième anniversaire du «Processus de Barcelone» et le huitième anniversaire de l’Union pour la Méditerranée (UpM). En effet, il y a 20 ans, le «Processus de Barcelone» avait été lancé.
Au démarrage, en 1995, on parlait d’une alliance innovante pour la paix, la stabilité et la prospérité. Mais ce n’était pas assez pour donner naissance à une véritable alliance méditerranéenne.
Il fallait, attendre l’année 2004 pour voir cette option encouragée dans le cadre de la création de la Politique européenne de voisinage, puis, en 2008, grâce au Sommet de Paris. Sommet qui a donné un nouvel élan au partenariat euro-méditerranéen à travers la création de l’UpM. Pour être opérationnelle, cette organisation intergouvernementale, dont sont membres 43 pays des deux rives de la Méditerranée, s’est dotée d’un organe exécutif, le secrétariat général. Le Marocain Fathallah Sijilmassi est le secrétaire général de cette organisation depuis le premier mars 2012 et il a été réélu le 4 décembre 2014 pour un deuxième mandat.
Le rôle du secrétariat général, en tant qu’organe opérationnel, consiste à stimuler le dialogue régional entre les États membres et les parties prenantes de l’UpM, à encourager les synergies et la coordination entre eux et à promouvoir des projets et des initiatives régionales ayant un impact direct sur la vie des citoyens. Le secrétariat général, basé à Barcelone, emploie 60 personnes et est la plateforme intergouvernementale euro-méditerranéenne au travers de laquelle les décisions politiques sont mises en œuvre. Les projets régionaux sont développés avec le soutien des gouvernements, des parlementaires, du secteur privé, des entreprises, des organisations de la société civile, des universités, des fondations, des organisations internationales et des institutions financières. Il faut dire qu’il était nécessaire de réfléchir à des actions concrètes à réaliser sur le terrain méditerranéen pour contourner les blocages de nature politique, notamment à cause du dossier de l’État palestinien…
Dans quel contexte est célébré aujourd’hui le huitième anniversaire de l’organisation ? Quel est le bilan des actions et réalisations entreprises par l’UpM ? Et surtout quelle place occupe le Maroc dans cette structure régionale ? «Le Matin» a pu avoir des éléments de réponse suite à une visite au siège de l’UpM à Barcelone organisée au profit de la presse marocaine il y a quelques jours.
Le premier constat à relever est que l’UpM agit, à travers ses différents projets et actions, pour réaliser un objectif stratégique, celui du renforcement de l’intégration régionale. Dans ce sens, le secrétariat général oriente l’ensemble de ses activités vers l’objectif d’intégration régionale dans les secteurs d’action prioritaires pour les pays de la région. Il intervient en complément du volet bilatéral de la politique européenne de voisinage et des politiques nationales. L’approche adoptée vise à favoriser l’émergence d’un agenda méditerranéen partagé et cherche un impact, non seulement sur la situation de tel ou tel pays, mais sur le niveau d’intégration régionale de l’ensemble.
Car le défaut d’intégration a été mis en évidence via une étude réalisée en 2014. En effet, la Méditerranée apparait comme la région la moins intégrée au monde, en comparaison avec les coopérations régionales en Asie et en Amérique latine (taux d’intégration de 20%), Afrique subsaharienne (15%)… L’étude montre aussi que les échanges commerciaux entre les pays de l’UE représentent 90% des échanges totaux dans la région, alors que les échanges des pays de l’UE avec les pays partenaires du sud de la Méditerranée ne représentent que 9% du total des échanges. Pire encore, les échanges commerciaux entre les pays du Sud ne représentent que 1% de ces échanges. Ainsi, le secrétariat général s’emploie-t-il à sensibiliser aux risques et opportunités liés à l’intégration économique en Méditerranée, en termes de croissance et de compétitivité.
Un agenda méditerranéen commun
L’Union pour la Méditerranée est une organisation intergouvernementale qui rassemble les 28 États membres de l’Union européenne, neuf pays arabes méditerranéens, ainsi que la Turquie et les pays des Balkans. Les membres de l’UpM sont conscients que la coopération régionale est essentielle pour tirer parti des nombreuses opportunités existant dans la région. De même, l’ampleur des défis socio-économiques et en matière de sécurité rend le dialogue régional plus important que jamais. Dans ce sens, le secrétariat général développe avec l’appui des États membres de l’UPM, des stratégies transversales relatives au développement économique et des infrastructures et aux enjeux sociaux prioritaires. Il s’agit de projets relatifs à la mobilité et l’accès à l’emploi des jeunes, au renforcement du rôle des femmes, à l’éducation et à la sécurité alimentaire... Il anime également, à la demande des États membres, des plateformes régionales de dialogue sectoriel dans les domaines d’intérêt régional prioritaires touchant le changement climatique, les énergies renouvelables et le développement urbain durable. Dans ce sens, le secrétariat a organisé des rencontres de travail en 2014 et au premier semestre 2015 réunissant plus de 5.000 acteurs de la coopération en Méditerranée. Il s’agit de 18 conférences de haut niveau portant sur le changement climatique, l’emploi, le transport, la coopération économique, la sécurité alimentaire, le secteur privé, l’autonomisation des femmes, le dialogue interreligieux… Cela s’ajoute à 17 réunions des hauts fonctionnaires avec des représentants des 43 pays membres, plus de 100 forums d’experts et tables rondes. Ce qui fait de l’UPM un catalyseur de projets régionaux à fort impact socio-économique. Résultats : une augmentation significative des projets labellisés par l’UpM qui sont passés de 13 en 2012 à 33 en 2015. En effet, le secrétariat général a développé des activités et mis sur pied des projets d’intérêt régional permettant d’opérationnaliser la coopération.
Au 30 juillet, 33 projets ont été «labellisés» par l’ensemble des 43 pays membres et près de la moitié sont en cours de mise en œuvre sur le terrain. Une soixantaine d’autres projets sont à l’étude. Dans ce cadre, l’équipe de Fathallah Sijilmassi met en œuvre une approche pragmatique se focalisant sur l’identification de projets impliquant plusieurs pays. Le tout selon l’approche dite à «géométrie variable» (principe qui permet de favoriser plus de flexibilité en permettant à un petit nombre de pays de décider, en accord avec les membres, de coopérer et de participer à des projets d'intérêt commun). Le secrétariat agit aussi au niveau de l’assistance technique et du montage financier et veille au suivi de la mise en œuvre des projets. Il développe les partenariats financiers nécessaires au développement des projets en s’appuyant sur les institutions financières internationales, les financements bilatéraux et l’implication croissante du secteur privé.
De nouveaux partenariats financiers se sont mis en place depuis 2013 avec la Norvège, la Suède, la Finlande et la Suisse. De même, une attention particulière a été portée au développement des relations avec les bailleurs de fonds du Golfe et à l’articulation des différentes sources de financements.
L’Université euro-méditerranéenne de Fès
Le secrétariat général de l’UpM soutient et développe des projets et des initiatives de rapprochement des universités de la région, et d’amélioration de la mobilité et de l’employabilité des étudiants, à travers notamment un programme innovant. C’est dans ce cadre qu’a été conçue et réalisée l’Université euro-méditerranéenne de Fès (UEMF). Appelée à devenir un pôle d’excellence académique et scientifique offrant un large éventail de programmes, cette structure offre des cours axés sur des sujets prioritaires pour le développement de la région. Elle est composée de deux pôles : le pôle ingénierie et architecture et le pôle sciences humaines et sociales.
Ayant un statut hybride, public et privé, l’UEMF est placée sous la présidence d’honneur de S.M. le Roi Mohammed VI, précise Mostapha Bousmina, le président de l'UEMF. Le même responsable souligne aussi qu’un projet de loi est en cours de préparation pour déterminer le statut final de l’université sur le territoire marocain. Selon M. Bousmina, le campus de l’Université euro-méditerranéenne de Fès sera prêt à accueillir la première promotion en 2016 et près de 6.600 étudiants de toute la région à l’horizon 2024. Des locaux provisoires sont déjà opérationnels en attendant la livraison du campus, en juillet 2016, qui est en construction et qui aura un coût d’environ un milliard de dirhams. Les étudiants admis pourront bénéficier de bourses de mérite, pour ceux justifiant d’un très bon dossier académique et qui sont issus de milieux à revenus modestes. Des bourses d’excellence seront également destinées aux étudiants brillants qui se distinguent par l’excellence de leur dossier académique, indépendamment des revenus familiaux. L’université prévoit également, des bourses pour les étudiants de doctorat, outre d’autres formes d’exemptions des frais de scolarités.
L'UEMF est conçue pour être l'unique campus régional contribuant au dialogue, à l'échange culturel et à la coopération au sein de l'enseignement supérieur et de la recherche entre les deux rives de la Méditerranée. Cette approche euro-méditerranéenne innovante se reflètera non seulement sur la diversité des nationalités des étudiants, des professeurs, des chercheurs et du personnel non académique, mais également dans les langues et le contenu des programmes qui se concentreront sur des sujets ayant une forte incidence sur le développement intégré de la région. Elle vise à fournir des programmes de recherche et d'éducation de haut niveau pour l'ensemble des échelons universitaires (licence, master et doctorat), visant à favoriser la mobilité des étudiants et des chercheurs internationaux en mettant en place des diplômes doubles ou conjoints et en créant des possibilités de stage. Le programme prend aussi en considération l’objectif de l’amélioration de l'employabilité des étudiants et d'encouragement de la création de sociétés par essaimage et de jeunes entreprises à travers la stimulation de la recherche, de l'innovation et du transfert de connaissances et de technologie.
Le Maroc en tête des bénéficiaires
Le nombre de projets mis sur les rails par l'UpM sont au nombre de 33, dont 80% concernent le Maroc en tant que bénéficiaire (26 projets). Le Royaume bénéficie, dans ce cadre, d’une enveloppe de l’ordre de 600 millions d’euros. Ce qui classe le Royaume en tête des partenaires de l'UpM, suivi de la Tunisie, de la Jordanie et l’Égypte. Il s'agit de projets qui concernent la promotion de l'emploi des jeunes, les femmes, les infrastructures urbaines, l'environnement, le soutien aux petites et moyennes entreprises... Le secrétariat de l'UpM travaille sur huit projets qui devront être labellisés d’ici fin 2015, par les 43 membres de l’organisation. Sur ces huit projets, six incluent le Maroc comme pays bénéficiaire. Ils concernent la sécurité alimentaire, l’entrepreneuriat féminin, l’éducation et la formation professionnelle et l’environnement.
Par Brahim Mokhliss - Source de l'article Le Matin
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