Exceptionnelle est la caractéristique principale des relations maroco-françaises, même en temps de brouille diplomatique. Et la visite de travail et d'amitié que vient d'achever le président français, François Hollande, au Royaume ne l'a pas moins été.
La déclaration faite par le chef de l'Etat français, à son arrivée à Tanger, traduit parfaitement l'évolution qu'ont connue ces relations. « Je voudrais que nos deux pays entrent dans une nouvelle phase de partenariat » a indiqué M. Hollande, qui était accompagné d'une délégation diversifiée, mais dont la composition reflète l'intérêt particulier accordé à quelques thèmes précis. Le choix de Tanger pour accueillir le chef d'Etat français rajoute à la dimension symbolique de l'évènement, la cité du détroit étant le siège de l'usine Renault et sera relié par la ligne à grande vitesse (LGV) en construction à Casablanca.
Les Français ont fini par se rendre compte que leurs relations avec le Maroc revêtaient une importance stratégique à plus d'un titre. Au sud de la Méditerranée, le Royaume est un partenaire politique fiable, qui a su imprimer un caractère pragmatique à ses relations avec les pays amis et alliés étrangers. Nulle réaction émotive de la part du Maroc quand aux liens développés par la France avec d'autres pays de la région. Les Marocains ne s'intéressent qu'à ce qui est susceptible de promouvoir leurs intérêts et ne se défendent que contre ce qui est de nature à leur porter préjudice. Du moment que la France soutient le plan d'autonomie élargie dans les provinces du sud du Royaume, la nature de ses relations avec l'Algérie ne concerne que les Français et les Algériens.
Le Maroc est également un allié de taille dans la lutte contre le terrorisme et le seul pays de la région à avoir développé un antidote religieux aux déviances des courants takfiristes qui alimentent en combattants les mouvements jihadistes. D'abord adopté par des pays africains, qui ont envoyé au Royaume des imams en formation, c'est maintenant au tour de la France de suivre la même voie. Il va de soi que la démarche française constitue une preuve retentissante du succès de la diplomatie religieuse du Maroc. Mais aussi une reconnaissance de son référentiel théologique académique, puisant sainement dans les sources de l'Islam un mode de pensée adapté aux défis de la modernité. Ceci étant, bien entendu, le reflet d'une profondeur historique et d'une maturité intellectuelle qui distingue le Maroc dans son environnement régional.
Ce sens typiquement marocain de la pondération est perceptible à plusieurs niveaux. Contrairement à un autre service de renseignement de la région, dont les dirigeants ont longtemps joué aux apprentis sorciers en tentant de manipuler des groupes armés terroristes, mais ne parviennent pas, jusqu'à présent, à assurer la sécurité sur leur propre territoire, les services marocains ont opté pour le professionnalisme, privilégiant fermeté et lutte préventive contre des mouvements terroristes, ce qui a préservé le Royaume de grands malheurs. Parfaitement conscient du caractère supranational des organisations terroristes jihadistes, le Maroc a aussi développé sa coopération sécuritaire avec d'autres pays européens et s'est même forgé, ainsi, une réputation de partenaire vigilant et efficace.
A un moment où la France, à l'instar de la plupart des pays européens, a toutes les peines du monde à surmonter ses difficultés économiques et trouver emplois pour ses légions de chômeurs, le Maroc a pris l'initiative de proposer une stratégie de co-développement triangulaire, dans laquelle il remplit le rôle d'interface entre une Europe vieillissante et en mal de perspectives et un jeune continent africain qui déborde de potentialités, ce que les Chinois ont déjà parfaitement compris. Ce faisant, le Maroc offre à ses partenaires, européens en général et français en particulier, une nouvelle profondeur géoéconomique, maintenant que l'extension de l'Union européenne vers l'est a montré ses limites, surtout pour les pays du sud de l'Europe.
La participation de la France à la réalisation du projet de ligne à grande vitesse (LGV) et l'installation de constructeurs automobiles de l'hexagone de renommée mondiale, constituent autant de canaux de transfert de technologies, ce qui va dans le sens des ambitions marocaines de faire du Royaume non seulement une plate-forme logistique à l'embouchure de la Méditerranée, mais également une arrière base industrielle pour le vieux contient et la porte d'entrée vers l'Afrique.
Dans cette perspective et comme tout progrès économique signifie hausse de la consommation d'énergie, le Maroc a déjà signifié de manière concrète son choix pour une démarche qui s'inscrit dans le cadre et les normes du développement durable, en optant pour la promotion des énergies renouvelables. Celles-ci représentaient déjà près du cinquième de son mix énergétique il y a cinq ans. L'objectif affiché du Royaume est de porter cette proportion à plus des deux cinquièmes dans cinq ans.
François Hollande, pour qui le succès de l'organisation de la conférence de Paris COP21 sur les changements climatiques constituerait un élément important de son bilan de quinquennat, a donc trouvé en le Maroc, qui devrait accueillir la COP22 en 2016, un allié de choix pour prêcher auprès de ses amis et alliés africains l'adoption, avec effet juridiquement contraignant, d'un accord relatif à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Maroc et France se sont donc engagés dans une nouvelle phase de leur partenariat, où le bon sens prime sur les sautes d'humeurs idéologiques. C'est enfin l'âge de relations maroco-françaises mûres et apaisées.
Par Ahmed Naji - Source de l'article l'Opinion Maroc
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