De gauche à droite, lors de la conférence de presse à l’occasion du Forum financier international Paris Europlace, #IFFParis : Augustin de Romanet, nouveau président de Paris Europlace ; Gérard Mestrallet, président sortant ; Arnaud de Bresson, délégué général. © AM/APP
C’est le samedi 14 juillet qu’Augustin de Romanet est officiellement devenu le président de Paris Europlace.
Son élection était actée depuis la fin juin, mais c’est le 11 juillet, au premier jour du Forum financier international Paris Europlace (#IFFParis) que s’est fait symboliquement lors d’une conférence de presse, le passage de témoin entre le président sortant, Gérard Mestrallet, et le président élu, Augustin de Romanet, le PDG du groupe Aéroports de Paris (ADP). Une bonne nouvelle pour la relation de la place parisienne avec l’Afrique, car Augustin de Romanet a depuis longtemps affirmé son intérêt pour le codéveloppement côté Sud.
Costumes gris et bleu marine, cravates sombres : « l’uniforme » si souvent arboré par les professionnels de la finance était omniprésent dans les salons du Pavillon d’Armenonville à l’orée du Bois de Boulogne (Paris), ce mercredi 11 juillet, tandis que démarrait le
Forum financier international Paris Europlace (#IFFParis ).Les costumes étaient sombres, mais l’humeur légère et presque joyeuse, car chacun a très vite compris que ce forum s’affirmerait comme celui des bonnes nouvelles : « En un an, nous sommes parvenus à inverser une tendance qui avait presque fait de notre pays un « épouvantail » à investisseurs [Désormais] les projets d’investissements étrangers en France ont augmenté de 31 % en 2017. Paris est devenu, pour la première fois depuis très longtemps, la ville européenne la plus attractive » s’était félicité le Premier ministre Édouard Philippe lors de son discours du dîner de la veille, organisé au Quai d’Orsay par Paris Europlace, et auquel étaient conviés deux cents financiers.
Paris et la France de nouveau attractives
Un auditoire auquel Édouard Philippe a annoncé diverses mesures visant à inciter la localisation à Paris de professionnels de la finance décidés à quitter Londres, par exemple : le « carried interest » perçu hors de France sera fiscalisé en France comme un revenu du capital et non plus du travail, réduisant ainsi l’imposition des impatriés qui bénéficieront de la flat tax à 30 % ; un accord européen est recherché pour que les survaleurs (goodwills) puissent être amorties ; le seuil d’établissement d’un prospectus à publier en cas d’offre au public de titres financiers sera relevé de 2,5 à 8 millions d’euros, « qui est le niveau de référence du texte européen », a précisé le PM.
Témoignant d’une attention réelle portée aux contingences de la vie familiale des cadres de la banque et de la finance que la France s’efforce d’attirer à Paris dans le cadre du Brexit (qui privera la place londonienne du passeport européen permettant d’exercer dans tous les pays de l’UE), Édouard Philippe a aussi annoncé l’ouverture, dès la rentrée 2019 à Courbevoie – une des communes du quartier d’affaires de La Défense – d’une école européenne allant de la maternelle au baccalauréat, et qui dispensera l’enseignement dans la langue maternelle de l’élève sans être tenue par la limite d’au moins 50 % d’enseignement en langue française.
Le Premier ministre a aussi rappelé que le gouvernement a mis en place un guichet unique, baptisé «
Tax 4 business » afin de faciliter les démarches des acteurs internationaux qui souhaiteraient s’implanter en France et les informer sur le régime fiscal des impatriés.
Pour ne rien gâcher, selon une étude KPMG rendue publique le 12 juillet et réalisée auprès d’un panel de dirigeants de 516 entreprises de 22 pays, la région parisienne se classe troisième métropole du monde en termes d’image (elle reste stable avec 28 % des suffrages), derrière New York (à 50 %, mais qui perd 10 points) et Londres (à 38 %, mais qui chute de 20 points).
Enfin, ainsi que l’a annoncé Gérard Mestrallet dans son allocution d’ouverture du Forum, plus de 3 500 emplois directs doivent être réinstallés ou créés sur la place financière parisienne et, en comptant les emplois indirects, Paris Europlace espère gagner jusqu’à 20 000 emplois, tandis que l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) est déjà installée à Paris, et que l’Autorité bancaire européenne le sera bientôt.
Une salle archi-comble pour la conférence plénière d’ouverture du Forum financier international Paris Europlace, #IFFParis. © AM/APP
Le « chantier » africain d’Augustin de Romanet
C’est dans ce contexte de clignotants au vert et de l’affirmation d’une volonté de continuer à rendre la place financière et la région capitale toujours plus attractives qu’Augustin de Romanet prend la succession de Gérard Mestrallet à la présidence de Paris Europlace, avec entrée en vigueur effective à la date symbolique de ce 14 juillet.
S’exprimant à dessein brièvement – car il ne voulait pas anticiper sur la date de sa prise de fonction, a-t-il précisé – lors de la conférence de presse commune avec le président sortant Gérard Mestrallet et le délégué général Arnaud de Bresson, Augustin de Romanet a néanmoins répondu à une question d’AfricaPresse.Paris en déclarant : « J’ai la conviction que si l’Europe ne se préoccupe pas de l’Afrique, elle aura manqué à tous ses devoirs… En 2050, l’Afrique aura 2,4 milliards d’habitants, soit deux fois plus qu’aujourd’hui, et l’Europe aura perdu 10 % de sa population, qui passera de 510 à 450 millions.
À mesure que l’Afrique va se développer, la pression migratoire ne fera que croître, car en fait lorsque les personnes accèdent à un statut de classe moyenne, elles ont les moyens de songer à être plus mobiles… Donc, qu’il s’agisse du soutien à des projets d’envergure comme l’électrification de l’Afrique, ou de participer à une coopération qui puisse financer le tissu de PMEnécessaires au Continent, l’Afrique fera partie de nos grands chantiers ».
Augustin de Romanet a aussi évoqué son initiative, alors qu’il était directeur général de la Caisse des Dépôts, de
création du fonds Inframed (mai 2010), destiné au financement des infrastructures des régions Est et Sud de la Méditerranée.
À l’époque, il avait déclaré : « Nous nous en félicitons, car la Caisse des Dépôts a fait de la Méditerranée son axe prioritaire de développement à l’international, et depuis plusieurs années. Pour nous, le codéveloppement est une exigence. »
L’Initiative AfricaFinlab et le défi d’une finance inclusive
Depuis, la vision de nombreux dirigeants français s’est élargie au-delà de l’horizon méditerranéen nord-africain pour embrasser l’Afrique tout entière. Les contours du « chantier » auquel fait allusion brièvement Augustin de Romanet restent certainement à préciser, mais il ne partira pas de rien puisque ces dernières années des accords de coopération ont déjà été mis en place avec quelques pays : le Maroc (Casablanca Finance City, 2011), l’Algérie (Cosob, 2012), la Tunisie (2013) ainsi qu’avec la
BRVM (Bourse régionale des valeurs mobilières d’Afrique de l’Ouest, regroupant huit pays) établie à Abidjan, « avec laquelle nous développons une coopération étroite, notamment pour l’accompagnement des startups technologiques » précise Arnaud de Bresson.
Un autre exemple de l’intérêt que Paris Europlace porte déjà à l’Afrique est l’Initiative
AfricaFinlab. Mise en place en 2016 sous la direction de Karim Zine-Eddine, à la tête du département des études et des relations avec l’Afrique de Paris Europlace, AfricaFinlab a pour objectifs de fédérer les acteurs des places financières africaines et française et de contribuer par des projets concrets au développement de la finance africaine.
Un « chantier » de longue haleine car, comme l’a dit à l’occasion d’une table ronde du Forum le milliardaire fondateur et directeur exécutif du conglomérat énergétique Sahara Group, le Nigérian Tonye Cole, « avec 2,5 milliards de personnes dans les pays en développement privés de l’accès aux services financiers formels et plus de 200 millions de petites entreprises qui n’ont pas accès au financement dont elles ont besoin pour se développer, élargir l’accès au financement demeure un défi », et particulièrement en Afrique, où le développement durable ne saurait advenir sans une large inclusion financière.