Printemps arabe : les économies d'Afrique du Nord toujours à la peine


Trois ans après le début du mouvement, la Tunisie et l'Egypte vont se doter d'une Constitution démocratique.
La croissance économique est insuffisante au regard de la pression démographique et des tensions sociales.

Printemps arabe : les économies d\'Afrique du Nord toujours à la peine
C'était il y a trois ans, jour pour jour : les Tunisiens renversaient le dictateur Zine el-Abidine Ben Ali, en un élan révolutionnaire qui se propagea comme un feu de brousse à l'ensemble du monde arabe. Suscitant successivement la surprise, la sympathie et la perplexité du monde entier.
Trois ans après, le mouvement déclenché par le suicide d'un petit vendeur de légumes ambulant n'en finit pas de s'emberlificoter dans un climat économique maussade, des réformes chaotiques et un processus démocratique sur courant alternatif. Ce qu'illustre la difficile adoption, ces jours-ci, d'une nouvelle Constitution en Tunisie et en Egypte. Les derniers articles de la première devaient théoriquement être adoptés hier soir par l'Assemblée nationale et prévoient, pour la première fois dans le monde arabe, l'égalité entre hommes et femmes (lire page suivante). La deuxième est soumise à référendum aujourd'hui et demain, et devrait très vraisemblablement être adoptée (lire ci-contre). En effet, elle est présentée par les militaires, qui ont pris le pouvoir l'été dernier en renversant des Frères musulmans accusés de vouloir instaurer la charia, et qui avaient fait preuve d'incompétence sur le plan économique.

Investisseurs réticents
L'économie, précisément, demeure le parent pauvre du printemps arabe. Les investisseurs sont réticents à investir en Afrique du Nord, effrayés par le spectacle de grèves et de manifestations, voire d'un regain d'insécurité. Or l'afflux d'investissements étrangers est crucial pour les échanges extérieurs de ces pays, qu'il s'agisse des exportateurs d'hydrocarbures (Libye, Algérie ou Egypte) comme de ceux qui en importent (Maroc, Tunisie). Ce reflux a conduit ces pays à recourir davantage aux emprunts, au risque de subir rapidement des contraintes sévères en cas de hausse des taux d'intérêt.
En outre, souligne Jesus Castillo, spécialiste de la région chez Natixis, tous ces pays se sont lancés dans « l'impulsion d'emplois publics et les subventions au logement, au carburant et aux produits de consommation courante pour calmer le climat social après les bouleversements politiques, mais on arrive au bout de ces logiques ». Les pays d'Afrique du Nord peuvent donc difficilement se permettre de nouveaux déficits budgétaires sans le payer très cher en termes de taux d'intérêt, alors qu'ils sont soumis à des pressions démographiques considérables. L'Egypte gagne 1,5 million d'habitants par an, ce qui impose la construction d'une nouvelle école primaire… toutes les trois heures ! En outre, la « distribution » de revenus par les pouvoirs publics s'est traduite, classiquement, par une flambée des importations.
En parallèle aux contraintes budgétaires et aux défis en matière de commerce extérieur, les pays d'Afrique du Nord sont aussi confrontés à des calendriers politiques lourds d'incertitude. La Tunisie doit organiser des élections législatives et présidentielle cette année, l'Egypte doit faire de même à terme, et l'Algérie ne sait toujours pas si Abdelaziz Bouteflika va se présenter pour un quatrième mandat, lors de la présidentielle d'avril. Il a été, certes, désigné candidat officiel de son parti, mais, suite à son accident vasculaire cérébral d'avril 2013, il est à peu près incapable de tenir une longue conversation ou de marcher. Seul le Maroc a un agenda politique dégagé.
Au total, il convient de rester «  sinon pessimiste, du moins prudent », avertit Jesus Castillo, vu en outre la dépendance de ces pays aux échanges avec une Europe où la reprise reste molle. La Tunisie et l'Algérie devraient, selon le FMI, enregistrer une croissance de 3,7 % cette année et le Maroc 3,8 %. L'Egypte, pour sa part, ne devrait pas enregistrer une croissance supérieure à 3,3 %.
Un seul pays de la zone devrait connaître une croissance vigoureuse, voire spectaculaire : la Libye. Sauf détérioration grave de la situation sécuritaire, son PIB progresserait de 15 % cette année, après + 25 % l'an dernier. Un effet rattrapage par rapport à un niveau de PIB tombé extrêmement bas pendant la guerre civile de 2012.
Par Yves Bourdillon - Source de l'article Les Echos
Les dates clefs de 2011

14 janvier chute du numéro UN tunisien

Zine Ben Ali quitte le pouvoir en Tunisie après trois semaines de contestations. 

11 février renversement du raï égyptien

Hosni Moubarak, à la tête de l'Egypte depuis 1981, est renversé par une junte militaire s'appuyant sur une révolte populaire.

20 octobre Elimination du leader libyen

Mouammar Kadhafi est tué lors de l'effondrement de son régime à la suite de l'intervention franco-britannique. 

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