Pour
relancer son économie, la Tunisie a opté pour une nouvelle stratégie, orientée
en priorité vers les pays du Maghreb, en particulier l’Algérie. De passage à
Oran, en compagnie d’une délégation d’hommes d’affaire tunisiens, Riadh
Bezzarga, le directeur de la représentation commerciale à l’ambassade de
Tunisie à Alger, nous explique les contours de cette stratégie.
Les
relations excellentes sur le plan politique entre la Tunisie et l’Algérie, ne
sont pas traduites sur le plan économique. Pourquoi ?
Oui,
c’est vrai. C’est pourquoi nous développons des actions spécifiques pour mettre
en avant les secteurs très performants en Tunisie et qui ne sont pas assez mis
en valeur. Nous avons une stratégie pour l’Algérie sur cinq ans qui consiste à
développer le business, et le partenariat et gagnant-gagnant. Nous voulons
montrer à nos amis algériens le potentiel de la Tunisie pour que ce soit
exporté en Algérie ou pour réaliser des partenariats et des investissements en
Algérie. Cette même stratégie devra aussi permettre aux algériens de vendre en
Tunisie leur potentiel et investir en Tunisie. Je ne vois pas pourquoi il y a
plus d’allemands, plus de français et plus d’espagnoles qui investissent en
Tunisie et pas assez d’Algériens qui sont présent en Tunisie. C’est peu être de
notre faute. Peut être que nous n’avons pas assez communiqué. Peut être que la
stratégie adoptée a été plutôt de faire du marketing et de la communication sur
le potentiel de la Tunisie orienté, essentiellement, vers l’Europe et l’Occident
de manière, que vers les pays voisins.
Pour
investir en Tunisie, les algériens et autres maghrébins vont-ils bénéficier
d’un traitement particulier ?
Aujourd’hui,
notre atout est de montrer aux algériens que nous avons des secteurs très
porteurs. Et en fonction de chaque secteur, nous identifions nos opportunités
et nos besoins de part et d’autre. L’offre tunisienne est disponible, et
l’Algérie a besoin de diversifier ses investissements, actuellement basés sur
les hydrocarbures. Alors qu’il y a un besoin
d’investissement en matériaux de construction et d’usines de l’agroalimentaire.
L’Algérie a beaucoup de programmes de mise à niveau, programme de création de
PME dans l’agroalimentaire. Nous avons
une certaine connaissance et une
certaine maitrise dans certains créneaux que nous pouvons mettre à
contribution. Par rapport à l’offre tunisienne, nous identifions le potentiel
algérien. Dans les produits de matière première, nous n’avons pas grand chose à
donner à nos amis algériens, mais dans l’industrie agroalimentaire, dans les
matériaux de construction, dans les services, dans l’engineering, dans les BTPH, dans le
tourisme et dans le conseil nous avons une certaine connaissance et une
certaine performance que nous voulons mettre en contribution. Nous voulons aussi identifier le potentiel algérien
dans ces secteurs pour qu’ils puissent aussi se développer en Tunisie. Nous
voulons réaliser un partenariat gagnant-gagnant.
D’après-vous,
qu’est ce qui peut favoriser la relance l’UMA ?
Le
périple maghrébin du président de la république avait un but politique, mais
aussi économique. Le politique ne se fait pas sans l’économie. Aujourd’hui, il
faut un Maghreb fort. Il ne suffit pas d’avoir un Maghreb fort politiquement.
Il faut surtout avoir un Maghreb fort économiquement. Pour créer un Maghreb
économique, il faut de tout. Il faut du temps. Il faut que les échanges soient
plus libres. En même temps, le Maghreb politique, c’est important aussi pour
avoir la même voix au niveau international, au niveau de l’ONU, avec l’Union
européenne. C’est une démarché intéressante mais qui demandera du temps à se
concrétiser. Nous avons pour ça déjà une zone arabe de libre échange. Même si
elle n’est pas très performante, il y a des créneaux où ça marche bien. Nous
avons signé un accord bilatéral commercial entre la Tunisie et l’Algérie qui
n’est pas encore mis en application sur le terrain. Il est en cours de
réalisation. Cet accord permet le libre commerce entre l’Algérie et la Tunisie
avec exonération des droits de douanes pour une grande partie de produits. Ce
que nous offrons pour les opérateurs des deux pays, c’est aussi une
infrastructure commune. L’Algérie réalise l’autoroute Est-Ouest, et la Tunisie
construit l’autoroute vers les frontières algériennes et libyennes. C’est un
avantage énorme. La marchandise algérienne arrive en Tunisie par l’autoroute.
Cela coûte beaucoup moins cher.
Vous
vous attendez à quoi après cette visite d’hommes d’affaire tunisiens à Oran ?
Il
y a deux semaines, j’ai rencontré le directeur général d’ALGEX. Il a estimé
qu’il n’y a pas d’Algériens qui investissent en Tunisie. Je lui ai dit alors,
identifiez un secteur et une opportunité, et à nous d’organiser un salon par
rapport à cette activité. L’Algérie sera l’invité d’honneur et nous médiatiserons
l’événement. Nous ramènerons les entreprises et nous créerons les opportunités
qu’il faudra pour relancer le partenariat entre les deux pays. Pour nous,
l’action qu’on fait aujourd’hui à Oran montre clairement qu’il y a un
changement par rapport au passé. Aujourd’hui, le ciblage est précis. On ne
ramène pas les hommes d’affaires tout azimut. On identifie en Algérie le
potentiel et la demande pour chaque région. Au niveau d’Oran, par exemple, on a
identifié que la priorité des priorités c’est le BTPH et les matériaux de
construction. C’est la raison de notre
présence dans cette wilaya. On ne va pas se limiter au BTPH. Peut-être qu’on va
revenir sur le secteur agroalimentaire et les composants automobiles. Il y a
d’autres secteurs qui sont porteurs. On va faire la même chose à Annaba,
Bejaia, à Constantine, et Sétif.
Le
potentiel de la Tunisie dans le textile sera-t-il exploité en direction de
l’Algérie ?
Malgré
la performance de la Tunisie dans ce secteur, les entreprises ont du faire face
à un blocage douanier en Algérie. Les produits tunisiens sont taxés à 30% des
droits de douanes. Et comme l’Algérie a conclu un accord d’association avec
l’Union Européenne, les produits textiles européens sont exonérés de droits de
douanes. Ce qui fait que le textile tunisien n’est plus concurrentiel. Cette
situation décourage les tunisiens. Mais cela n’exclus pas que plusieurs marques
tunisiennes se sont implantées en Algérie. Dans stratégie tunisienne on veut
aussi faire le triangulaire pour développer des créneaux porteurs pour les
entreprises tunisiennes et algériennes, avec l’objectif d’aller en Libye et en
Afrique de l’ouest.
Propos
recueillis par Hafidh Abdelsalam
Source
- Maghrebemergent
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