CLIMAT - Le CNRS et Météo-France s'associent dans un programme destiné à comprendre les crues, inondations ou sécheresses du pourtour méditerranéen...
De Barcelone à Istanbul et du Caire à Alger, le littoral méditerranéen reste mal connu des météorologues. Avec ses températures élevées en été, ses fortes précipitations à l’automne, ses vents et ses reliefs, le bassin de la Grande Bleueest un terrain miné pour les climatologues. Seule certitude: selon tous les scénarios envisagés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), la région sera une des plus vulnérables au réchauffement climatique. Avec quelque 355 millions de personnes habitant les côtes, l’enjeu est de taille.
La Méditerranée prend une couleur boueuse durant les inondations de Fréjus, en juin 2010. |
Atmosphère, mer, vent et activité humaine
«L’objectif d’HyMeX est de comprendre le cycle de l’eau en Méditerranée et améliorer les projections sur les événements extrêmes, comme les précipitations intenses, les crues rapides, les sécheresses et les vents violents», explique Herlé Mercier, directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Pour cela, 400 chercheurs de vingt pays vont se pencher sur les interactions entre l’atmosphère, la mer et les terres. «La région est complexe car il s’agit d’une petite mer quasi fermée, encadrée par des massifs montagneux importants comme les Alpes ou l’Atlas, avec un réseau de fleuves et rivières dense et un fort contraste climatique entre les rives nord et sud», détaille Philippe Drobinski, directeur de recherche au Laboratoire de météorologie dynamique du CNRS.
Une géographie particulière à laquelle s’additionne l’impact de l’homme: avec des mégalopoles en bordure de littoral, notamment Le Caire (19 millions d’habitants) ou Istanbul (11 millions), et des arrière-pays ruraux où l’eau, parfois rare, est surexploitée, les Méditerranéens subissent mais peuvent aussi influer sur le climat. Un aspect humain qui a incité les chercheurs à inviter des sociologues à se joindre au programme HyMeX: «Ils vont à leur façon collecter des données auprès des gens et voir comment les individus réagissent en situation de catastrophe, ce qui pourra nous aider à améliorer les préconisations et réduire le nombre de victimes», explique Guy Delrieu, hydrologue au CNRS.
Un arsenal d’instruments
Côté sciences «dures», les chercheurs se sont dotés d’une panoplie impressionnante d’outils pour comprendre comment se forment les événements extrêmes: «Plus de 200 instruments vont être déployés, dont un bateau, six gliders, quinze bouées et flotteurs, énumère Véronique Ducrocq, chercheur à Météo-France. Certains outils seront déployés seulement sur alerte, notamment trois avions dont un Falcon qui larguera des dropsondes permettant de mesurer l’humidité, les températures et le vent sur toute une colonne atmosphérique.» Des ballons dérivants seront également lancés de Minorque et trois stations en France seront équipées pour mesurer tous les facteurs influents sur la météo:Montpellier, Corte et San Giuliano en Corse seront les QG des scientifiques d’HyMeX.
La première mission, qui débutera le 5 septembre, collectera des données sur la Méditerranée nord-occidentale, des côtes espagnoles au centre de la botte italienne. «Cette partie regroupe tous les événements météorologiques extrêmes: c’est un point focus pour documenter les inondations ou les vents régionaux forts», précise Philippe Drobinski. Les travaux se poursuivront jusqu’en 2020: après les observations, les scientifiques modéliseront les événements, ce qui permettra de mieux se projeter, que ce soit pour anticiper une inondation à quelques jours ou prévoir les impacts du réchauffement climatique dans quelques décennies. La Grande Bleue va devoir révéler une partie de ses secrets.
Par Audrey Chauvet - Source de l'article 20 Minutes
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