La Tunisie qui affichera une légère augmentation de sa population se trouvera entre une Europe qui vieillit et une Afrique jeune en croissance. Elle aura toutes les compétences pour tirer bénéfice des immenses gisements d’opportunités que recèlent les deux continents.
Dans le premier Billet Economique de 2018 de l'intermédiaire en Bourse MAC SA, le Professeur Ghazi BOULILA a essayé de répondre à la question suivante : Quelle stratégie face à une Europe qui vieillit et une Afrique jeune qui croît ?
Problématique
L’Organisation des Nations Unies (ONU) publie tous les deux ans un rapport intitulé « world population prospects » décrivant l’évolution de la population mondiale à horizon 2050 et 2100. Le dernier rapport du 21 juin 2017 montre que la population mondiale croit à un rythme décroissant et que l’un des changements les plus importants à venir est le redoutable accroissement de la population du continent africain qui pourrait doubler d’ici quarante ans, passant de 1,256 milliard d’habitants en 2010 (17% de la population mondiale) à probablement 2,5 milliards en 2050, alors que l’Europe vieillit.
Elle connaîtra le taux de fécondité le plus faible, soit 1.6 enfant par femme qui est inférieur à 2.2, le taux qui maintient la population constante. La Tunisie qui affichera une légère augmentation de sa population se trouvera entre une Europe qui vieillit et une Afrique jeune en croissance. Comment profiter de cette évolution démographique antinomique ? Est-ce que cette évolution est une opportunité ou un défi pour la Tunisie ? Est-ce qu’on a développé une stratégie économique pour bénéficier de cette évolution ?
L’évolution démographique de l’Afrique et de l’Europe est-elle une opportunité ou un risque ?
La concentration de la population jeune dans les pays africains et vieille en Europe est une opportunité pour la Tunisie qu’on devra saisir. Notre position géographique situant entre ces deux continents est un atout majeur. La Tunisie a la capacité de se positionner comme un «hub» ou une porte d’entrée de l’Afrique en attirant des entreprises européennes dont la production sera destinée au marché africain en exploitant l’accord de libre-échange avec l’Europe.
La population jeune dans les pays africains les plus pauvres rendra la tâche de leurs gouvernements plus difficile pour éradiquer la pauvreté et l’inégalité, de combattre les maladies, d’augmenter le rendement de l’éducation, de promouvoir le système de santé et de développer les infrastructures. La Tunisie qui dispose d’un avantage compétitif dans ces secteurs, pourrait attirer plus d’étudiants et de patients et même de monter des projets d’investissement dans ces pays.
En effet, l’exode rural, l’augmentation du revenu moyen et l’émergence d’une classe moyenne devront permettre aux métropoles africaines de consolider les marchés domestiques par l’accroissement de la demande intérieure, ce qui permettra à la Tunisie de tirer profit des gains des échanges de biens et services et même d’encourager les entrepreneurs à investir dans ces pays.
La Tunisie dispose également d’autres atouts dans de nombreux secteurs et segments de services à forte valeur ajoutée, comme l’ingénierie et le conseil et l’architecture, qui lui permettraient d’accaparer une part non négligeable de ces marchés. Le développement de ces échanges se base avant tout sur un secteur du transport aérien et maritime performant et une stratégie de marketing appropriée.
En dépit de ces opportunités à saisir, la Tunisie pourra être touchée par des collatéraux négatifs à éviter. Le mouvement migratoire entre l’Afrique et l’Europe augmentera durant les prochaines décennies. Un nombre de plus en plus important de jeunes africains va se déplacer en Afrique du Nord et notamment en Tunisie pour rejoindre clandestinement l’Europe.
La gestion de cette migration clandestine nécessite une coordination entre l’Afrique subsaharienne, l’Afrique du Nord et l’Europe. En outre, un nombre de jeunes chômeurs africains de plus en plus élevé pourrait s’engager dans les groupes terroristes (al-Shebab somalien, Boko Haram nigérien et autres) déstabilisant toute la région.
En absence de croissance économique élevée et d’une bonne gouvernance, ces jeunes se retrouveront en proie à l’instabilité et aux conflits qui pourront toucher notre pays. Le vieillissement de la population européenne pourrait être aussi une opportunité dans la mesure où la Tunisie devra proposer des services adaptés aux touristes séniors.
En effet, ce type de tourisme a fortement progressé ces dernières années sous l’effet du vieillissement de la population et d’une espérance de vie de plus en plus longue. Selon les études, ces touristes préfèrent en général la basse saison à partir de septembre, ce qui permet de rentabiliser les équipements touristiques. Ils dépensent plus qu’un touriste moyen et sont plus attirés au tourisme culturel. Ils prennent des repas plus légers et diététiques et apprécient les contacts humains.
Parallèlement, les seniors âgés plus de 75 ans demandent des produits plus adaptés à leur condition physique c’est-à-dire moins de marche et d’escaliers. Ils demandent des services plus personnalisés par des professionnels qui aspirent confiance. Ce type de tourisme nécessite ainsi une formation spécifique et adaptée.
Conclusion
La Tunisie aura toutes les compétences pour tirer bénéfice des immenses gisements d’opportunités que recèlent les deux continents. La question posée est la suivante : Comment profiter de cette évolution démographique ?
La mise en place de partenariats win-win entre la Tunisie et les pays africains se réalisera par l’implantation directe des entreprises privées, des banques et des assurances dans l’objectif de produire localement des biens et des services destinés à satisfaire les demandes intérieures et d’attirer des étudiants et des patients.
Les économies africaines pourront tirer profit de l’expérience tunisienne grâce aux transferts du savoir dans ces domaines. Le continent européen reste le partenaire privilégié et la Tunisie devra attirer plus d’IDE, renforcer sa part de marché et surtout adopter une stratégie d’exportation des services du tourisme destinés aux séniors.
Dans cette perspective, la Tunisie n’aurait-elle pas intérêt à signer des traités de libre-échange avec certains pays africains? Ces traités seront-ils complémentaires à celui signé avec l’Union Européenne ? Cette démarche augmentera-t-elle le partenariat triangulaire Union Européenne- Tunisie- Afrique ?
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Source de l'article IlBoursa
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