Les pays arabes, et notamment ceux du pourtour méditerranéen, traversent actuellement une période compliquée sur le plan économique. Les difficultés rencontrées par ces pays sont en partie liées aux modèles économiques mis en place à l’issu des révolutions arabes, mais aussi à des caractéristiques spécifiques telles que la démographie, l’éducation et la mauvaise gouvernance.
À court terme, et de façon pragmatique, il apparaît que la stabilité économique de la région sera difficile à maintenir sans une importante aide financière en provenance des pays occidentaux. À plus long terme, l’enjeu stratégique pour permettre le développement de ces pays est la combinaison des questions démographiques et éducatives, couplées aux aspects de bonne gouvernance.
Spécificités des pays arabes : démographie, éducation et gouvernance
La stabilité monétaire et financière est indispensable pour permettre aux agents économiques (ménages, entreprises, etc) d’avoir confiance dans les perspectives économiques à moyen et long terme. Ils peuvent ainsi faire des projets d’investissement, d’épargne et de consommation. Or, jusqu’à la fin des années 1980, la plupart des pays émergents et des pays arabes ne bénéficiaient pas d’un environnement permettant une visibilité dans le temps. En effet, ces pays faisaient face à des périodes continues de forte inflation. Depuis les années 1990, et la mise en place de politiques de stabilisation monétaire et financière, les pays émergents et les pays arabes ont réussi à contenir la hausse du niveau des prix (généralement entre +5% et +10% par an). En ce sens, les pays arabes se rapprochent des pays émergents. Toutefois, plusieurs aspects font qu’ils ne sont pas considérés comme des pays émergents : démographie, éducation et gouvernance.
Alors que des pays tels que le Brésil ou la Turquie ont achevé leurs transition démographique, les pays du Maghreb ou du Moyen-Orient ne sont pas encore mature de ce point de vue. La transition démographique des pays émergents se traduit par une pyramide des âges où il y a moins de jeunes et de personnes âgées. Par conséquent, ces pays disposent d’une force de travail importante. De plus, les personnes en âge de travailler n’ont pas une famille nombreuse, ils peuvent ainsi concentrer leurs efforts financiers en matière d’éducation des enfants, ils épargnent moins et consomment plus. Dans les pays arabes, la situation démographique n’est pas aussi développée. Les populations jeunes (moins de 20 ans) sont encore très importantes et représentent parfois plus de 50% de la population totale comme en Algérie. Dès lors, ces populations ont des comportements économiques proches de la subsistance, et donc peu propices au développement économique global du pays.
L’amélioration du niveau d’éducation globale des populations est un élément important qui a contribué au dynamisme économique des pays émergents. Dans les pays arabes, l’amélioration de l’éducation est bien réelle mais elle demeure encore moindre. De plus, les efforts d’éducation portent essentiellement sur les populations déjà aisées considérées comme des élites, excluant de fait toute une large partie de la population, c’est notamment le cas en Égypte et en Algérie.
Tous ces aspects ne pourront être résolus qu’une fois les questions de gouvernance résolues. En effet, les pays arabes forment une région relativement homogène, et parmi les plus mal lotis au monde, en matière de gouvernance. Autrement dit, ces pays font face à des difficultés anciennes en termes de structures de décisions et de fonctionnement pour gérer et allouer les ressources. Le paradoxe est que ce problème de mauvaise gouvernance semble s’accroitre avec l’enrichissement des pays. En pratique, cela signifie que les structures gouvernementales ne se sont pas développées alors même que la société a évolué. Or, on constate que plus un pays se développe du point de vue de sa richesse nationale, plus les besoins et les exigences de gouvernance émanant des populations augmentent (cf. cas du Brésil). En d’autres termes, ce qui était supportable dans le passé par les populations ne l’est plus et des revendications émergent, de façon plus ou moins organisée et avec plus ou moins de virulence. Dans ce cadre, il apparaît que les révolutions arabes soient symptomatiques de ce décalage entre gouvernance espérée et effective de la part des populations.
Perspectives économiques
Les pays arabes dans lesquels les événements du Printemps arabe sont intervenus sont maintenant confrontés à une nécessaire phase de transition politique. Les nouvelles autorités ont généralement acquis leur pouvoir au travers de dialectiques religieuses, ou en tout cas proches de corpus idéologiques purement politiques. Les aspects économiques ont été relégués au second plan, probablement car il est plus simple d’évoquer des sujets liés aux valeurs et de prôner un monde « idéal », plutôt que de s’attaquer à des problématiques complexes, forcément contraintes par la réalité. Dès lors, les pays se trouvent davantage plongés dans une réflexion politico-sociétale, plutôt que dans une réflexion stratégique en matière d’économie. Or, la réalité économique commence à se rappeler à ces pays, c’est notamment le cas de l’Égypte. Notons cependant que certains pays telle que la Libye, bénéficient de ressources (pétrole, gaz) suffisantes pour gérer la transition politique, ou que d’autres achètent la paix sociale par le biais de l’exploitation de telles ressources.
L’exemple de la transition politique et économique en Europe de l’Est après la chute de l’URSS dans les années 1990 et 2000 est intéressant en termes de grille de lecture pour appréhender la situation actuelle des pays arabes. En effet, après une longue période d’un système économique et politique défaillants, l’Europe de l’Est a dû organiser sa transition. Elle a été aidée dans ce sens par l’Europe occidentale qui a financé des institutions et le développement de ces pays. Dans le cas des pays arabes, il paraît peu envisageable qu’un pays arabe puisse, ou même souhaite, occuper ce rôle financier pour aider à la stabilisation d’un pays de la région. Dès lors, les seuls acteurs ayant les ressources financières et politiques pour stabiliser la région, et permettre un processus de transition relativement organisé sont les pays occidentaux. Étant donné la proximité géographique avec l’Europe, et le potentiel de déstabilisation régionale et mondiale d’un processus de transition mal géré qui s’éterniserait, il semble que cette question doive se faire de plus en plus prégnante auprès d’institutions telles que l’Union européenne.
Source de l'article Contrepoints
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