Le ministre de la Culture entend bien reprendre en main ce que l’on a longtemps appelé le «parent pauvre» des politiques gouvernementales. A l’occasion de la biennale de Dakar, Mohamed Amine Sbihi, qui a fait le déplacement, s’exprime sur les moyens de faire de la culture un véritable levier de développement et de croissance.
- L’Economiste: La biennale de Dakar est un événement phare à l’échelle continentale. Quels enseignements pouvons-nous en tirer pour nos biennales?
- Mohamed Amine Sbihi: Une biennale est réussie lorsque les pouvoirs publics et la ville qui l’accueille s’investissent. La ville hôte doit prendre conscience qu’elle est proclamée capitale des arts pendant une durée déterminée et qu’une manifestation de cette ampleur a un impact énorme au niveau touristique, économique et culturel. Sans cela, il ne peut pas y avoir de réussite.
Malheureusement, jusque-là, l’implication des villes marocaines n’a pas été au niveau pour assurer une permanence et une réussite de ce type d’évènements. Plusieurs expériences ont été menées, la dernière en date étant celle de Marrakech qui est une belle réussite. Seulement, les organisateurs ont toujours une ardoise de factures impayées et de très faibles engagements. Ce qui met en péril la permanence de cet événement. Une biennale s’insère dans le temps pour devenir un vrai moment de rencontre au niveau continental ou international. Il n’y a pas de miracle…
- Le Maroc se tourne de plus en plus vers l’Afrique subsaharienne. Il y a tout de même un léger retard au niveau culturel…
-Peut-être que nous ne sommes pas très présents, mais y avons beaucoup d’affinités culturelles. Nous étions il y a quelques mois en Côte d’Ivoire en tant qu’invité d’honneur pour le Salon du livre d’Abidjan. En février dernier, le Maroc recevait les 15 pays de la Cedeao au Salon international de l’édition et du livre (SIEL) de Casablanca. Ils étaient représentés par 13 ministres de la Culture réunis avec une forte délégation de 140 membres parmi lesquels des éditeurs et des intellectuels.
Par ailleurs, le ministère de la Culture prévoit deux événements phares cette année. D’abord, «Visa for music» qui sera une mise en relation de la musique marocaine et africaine avec des organisateurs de festivals et des producteurs européens. Ce sera une véritable plateforme de promotion de la musique africaine au Maroc pour ensuite s’exporter en Europe. De plus, le Maroc préside, depuis cette année, «Arterial Network» qui est un réseau d’associations de la société civile africaine. Celui-ci, basé en Afrique du Sud, comprend 35 pays. Dans ce cadre, nous allons recevoir, au plus tard en début novembre, plus de 200 délégués au sujet des industries créatives africaines.
- On a du mal à décrypter la politique culturelle, s’il en existe une…
- C’est tout le sens du projet Maroc Stratégie 2020 qui s’articule autour de trois priorités: le droit à la culture, les industries culturelles et créatives ainsi que la diversité culturelle. Le point central de cette stratégie est justement la transversalité de l’industrie créative en intégrant au moins 5 départements. Pour la politique du livre par exemple, l’Education nationale sera chargé des bibliothèques scolaires et de l’éducation à la lecture, les Finances d’une politique fiscale de soutien aux maisons d’édition. Le ministère de la Culture et l’association des éditeurs s’occuperont de la mise en place d’une société de distribution qui ne ponctionnerait plus les éditeurs à hauteur de 50% du prix du livre. Le ministère de la Communication a également un rôle à jouer en assurant une véritable communication autour du livre. Ce qui n’est pas le cas pour le moment, pour preuve, la faible couverture du Siel cette année.
- Où allez-vous trouver l’argent pour financer tous ces programmes?
- Le ministère a mobilisé un fonds de 40 millions de dirhams pour financer les secteurs-clés: les arts plastiques et visuels, le théâtre et l’art de la rue, le livre et l’édition, ainsi que la musique et l’art chorégraphique. Les fondations privées devraient également s’investir, et les banques apporter une garantie sur les prêts. Nous souhaitons la création d’une structure de partenariat public-privé qui gère ces fonds soutenant la création et le développement d’entreprises culturelles ainsi que les projets culturels, en lançant des appels d’offres. J’espère que durant cette année, je pourrai avoir l’engagement de l’ensemble des partenaires et de l’Etat pour la mise en œuvre de cette stratégie.
Propos recueillis par Sanaa EDDAÏF - Source de l'article l'Economiste
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