L'appel à l'aide des téléopérateurs

Une centaine de téléopérateurs de tous pays sont venus dénoncer leurs conditions de travail ce mercredi à Paris, dans un salon destiné aux professionnels des centres d'appel.
  












En parallèle du salon professionnel des centres d'appel baptisé «Stratégies client» au Parc des expos de paris, les syndicats Sud et CGT ont organisé un colloque international sur la même thématique, du 2 au 4 avril.
Les débats se sont conclus, ce mercredi, par une manifestation des salariés devant le «salon des patrons». Aux cris de «Que viva la lucha de la clase obrera !», une centaine de téléopérateurs français, tunisiens, marocains, espagnols, sud-africains, ont fait le tour des stands dans le calme. Dans le cortège, Olivier Besancenot pour le NPA et une représentante de Lutte ouvrière prendront la parole rapidement pour exprimer leur soutien aux 270 000 téléopérateurs français, 30 000 Marocains, et 20 000 Tunisiens.

«On a les mêmes patrons»

Ils viennent de partout dans le monde «parce qu'on est maltraités partout, analyse Xavier Burot, secrétaire fédéral de la CGT, en charge des centres d'appel prestataires. Ce sont les mêmes logiques où on essaie d'écraser l'individu». Il cite les travailleurs maghrébins, obligés de se faire appeler Michel ou Jean-Philippe et de travailler les jours des fêtes religieuses musulmanes. «Actuellement, la seule chose qui est prise en compte, c'est le coût. Dès qu'on râle, on nous menace de délocaliser. Il faut à peine une heure pour déplacer quarante millions d'appel», déplore le syndicaliste, employé d'un centre téléphonique de maintenance informatique jusqu'en 2008.
«Ce qui nous réunit, c'est que nous avons les mêmes patrons», résume Taha Labidi, qui dénonce lui aussi le chantage à la délocalisation. Le jeune homme de 32 ans travaille à Tunis pour la société française Téléperformance, implantée dans plus de cinquante pays. «Je suis venu manifester pour dire à nos patrons que tous les salariés, dans les pays des deux rives de la Méditerranée, veulent faire de ce métier un métier durable. Les patrons considèrent que nous offrir un travail suffit, mais, qu'ils le veuillent ou non, ils ont aussi besoin de nous.» Secrétaire général adjoint de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), il se félicite de l'amélioration des conditions de travail en Tunisie, «grâce aux luttes. Maintenant, les efforts doivent s'unir».

Moins de trois minutes par appel

Au quotidien, «tout est mesuré, calculé, tracé», se plaint Tina Hurtis, qui travaille chez Armatis Ile-de-France depuis près de vingt ans.
«Pour les pauses par exemple, on devait prévenir les collègues et les supérieurs en posant une bouteille sur notre table et en cliquant sur un bouton de notre poste informatique», raconte Nicola Cianferoni. Ex-employé d'un plateau international de dépannage automobile en Suisse, il est désormais chercheur en sociologie du travail. «La discipline est militaire dans ces boites, et il n'y avait pas de syndicat. Il fallait passer entre 50 et 60 appels par jour, de moins de trois minutes de préférence», se souvient-il.

Les vendeuses aussi

Parmi les manifestants, Jacques Dechoz, syndiqué à Sud, est inspecteur du travail. Il a contrôlé des centres d'appel pendant quatre ans. A ses yeux, «c'est là que se forment les nouvelles formes d'exploitation des salariés. Par exemple, rien ne limite la surveillance». Il cite, en vrac, les doubles écoutes, les appels mystères, le chronométrage et la vérification par reconnaissance vocale des termes employés. Selon lui, ces plate-formes sont de véritables laboratoires et présentent un danger pour l'ensemble du monde du travail. «Les techniques testées dans les call-centers sont en train de se répandre dans d'autres milieux. En France certaines vendeuses sont équipées de micros et doivent respecter un script rédigé par leur hiérarchie.»
En fin d'après-midi, des syndiqués de plusieurs pays devaient rencontrer les représentants des entreprises de télémarketing. Un rendez-vous symbolique pour Xavier Burot, qui redoutait «un dialogue de sourds. [...] Les patrons sont dans le déni, alors que 90 % des embauches sont en CDD et le taux de turn-over [rotation, ndlr] est de 25 %».
Par Aurélie DELMAS

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