Maroc : Les effets de la crise européenne se font ressentir

En se penchant sur une sélection d’indicateurs économiques, on comprend mieux les difficultés auxquelles l’économie marocaine se voit confrontée. Voilà ce qu’on pouvait lire dans le rapport du mois de juin de la banque centrale marocaine, Bank Al-Maghrib : « Selon des données préliminaires, le déficit commercial a continué de se creuser fin mai 2012.


De plus, les transferts des ressortissants marocains à l’étranger se sont tassés, passant de 8,2% à 2% par rapport à l’année précédente et les recettes voyages ont subi une baisse de 0,2% après avoir enregistré une hausse de 13% fin mai 2011. »
À la mi-juin Bank Al-Maghrib a conservé un taux directeur de 3%, au même niveau depuis le mois de mars, où le taux directeur avait été baissé de 25 points de base, passant de 3,25% à 3%. Jusqu’à cette récente baisse, la banque avait maintenu les taux d’intérêt inchangés pendant trois ans.
Dans un rapport du mois de mars, la banque centrale expliquait : « Dans un contexte caractérisé par un repli sensible de l’activité économique … ainsi qu’une balance des risques orientée à la baisse, le conseil a décidé de réduire le taux directeur. ». Actuellement, la banque décrit la balance des risques comme étant « globalement neutre ».
Les chiffres publiés par certains des plus importants secteurs en matière de contribution au PIB illustrent bien la performance mitigée de l’économie dans son ensemble. On peut citer comme exemple le tourisme, secteur clé au Maroc, qui a également rencontré des difficultés récemment. Alors que le royaume nord-africain compte sur les visiteurs venus d’Europe continentale, qui représentent près de 70% du nombre total de touristes étrangers – avec en tête de liste la France et l’Espagne, suivies du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de la Belgique- en ce moment de nombreuses familles européennes se serrent la ceinture, ce qui a entrainé une baisse du nombre de visiteurs.
En effet, les arrivées de touristes ont chuté au premier trimestre 2012 par rapport à la même période en 2011 : le Ministère du Tourisme et de l’Artisanat a rapporté une baisse de 9% en glissement annuel pour le mois de janvier 2012 et de 5% pour le mois de février 2012 par rapport aux chiffres enregistrés en février 2011.
Ces chiffres sont moins inquiétants qu’ils ne paraissent. Les arrivées de visiteurs avaient déjà subi un ralentissement l’an dernier, du fait des complications de la crise de la dette dans la zone euro et d’une incertitude générale engendrée par le Printemps Arabe, mais le Maroc avait tout de même réussi à augmenter ses recettes touristiques. En outre, le rythme de diminution avait ralenti en mars, avec un nombre d’arrivées en baisse de seulement 1% par rapport au mois de mars de l’année précédente.
Cependant, les investissements directs étrangers, qui traditionnellement privilégient les secteurs du tourisme et de l’immobilier, ont également accusé une baisse de 11,8%, selon la banque centrale, qui ne donne aucun détail sur les investissements qui ont eu lieu ni dans quels secteurs ces derniers se sont produits.
Le Maroc est particulièrement sensible à la récession en Europe, dans la mesure où l’UE est son principal partenaire commercial et le tourisme sa source la plus importante de devises étrangères. D’après les estimations du Conseil mondial des voyages et du tourisme (WTTC), la participation directe du tourisme à l’économie marocaine en 2011 était de 71,8 milliards de dirhams (6,5 milliards d’euros), soit 8,9% du PIB.
Toutefois, si on cumule les contributions directe et indirecte du secteur, on arrive au chiffre de 152,5 milliards de dirhams (13, 8 milliards d’euros), soit 19% du PIB. Le secteur est également le deuxième employeur du pays, employant 834 500 Marocains, ou 7,8% de l’emploi total.
Les manifestations du Printemps Arabe qui ont secoué l’ensemble du Moyen-Orient ont résulté non seulement en une baisse du nombre de touristes mais ont aussi entrainé, de la part du gouvernement, une hausse des salaires dans le secteur public ainsi que des subventions alimentaires et énergétiques multipliées par trois, atteignant plus de 6 milliards de dollars. Par conséquent, le déficit budgétaire devrait être de l’ordre de 5% du PIB à la fin 2012, selon Abdellatif Jouahri, le gouverneur de Bank Al-Maghrib.
Des facteurs externes ont également eu un impact sur d’autres secteurs importants. Le gouvernement a dû faire face à une sécheresse dont les répercussions sur les prix des aliments vont se poursuivre sur le court terme. L’agriculture est un secteur économique important, contribuant au PIB à hauteur de 13,4% en moyenne entre 2006 et 2010. Un rapport du Foreign Agricultural Service du Département de l’Agriculture des Etats-Unis (USDA), publié à la mi-mars, qualifie la production de céréales au Maroc de « précaire ».
En raison d’une faible pluviométrie, qui a retardé les semences, et de vagues de froid anormales, la campagne agricole n’a pas bien démarré. Le volume de production ne devrait par conséquent atteindre que 4 millions de tonnes en 2012, la moitié de la récolte de l’an dernier.
Etant donné les difficultés externes qui continuent d’affecter l’économie, les projections en matière de croissance économiques restent prudentes. La banque centrale prévoit pour cette année une croissance s’établissant à moins de 3% pour ce qui est du PIB global et entre 3% et 4% pour le PIB non agricole. Une prévision revue à la baisse par rapport à la croissance de 4 % à 5% des projections du FMI pour l’année 2012.
L’inflation devrait cette année se situer autour de 1,4%. « La prévision d’inflation moyenne a été revue à la baisse pour 2012, de 1,7% à 1,4%. » a déclaré un responsable de Bank Al-Maghrib. Le taux d’inflation, qui a atteint 1,2% en avril, résulte principalement de« prix des produits alimentaires plus élevés et instables ».

Source de l'article Oxford Business Group

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