Journées du film méditerranéen d’Alger : Sur les rivages de l’art

Les cinéphiles et les amateurs du 7e art sont conviés à reprendre langue avec une cinématographie qui est loin d’être à bout de souffle ou moribonde.
Loin s’en faut. Autant dire qu’il y a de l’intérêt, du plaisir et de la curiosité à partir à la rencontre de films sélectionnés avec soins à l’effet de fournir aux spectateurs une idée assez exhaustive de ce qui se fait de bon dans cette «Mare Nostrum».

C’est le but des journées du film méditerranéen d’Alger, dont le coup d’envoi a été donné avant-hier à la salle Cosmos en présence d’un public plutôt consistant et de madame Zehira Yahi, représentante du ministère de la Culture.

Dix-huit films sont au programme, provenant des 21 pays du Bassin méditerranéen. La manifestation, organisée par l'Agence nationale du rayonnement culturel (AARC), en partenariat avec la société de diffusion et de production MD-ciné, qui s’étalera du 31 mars au 7 avril, est placée sous la devise : «La Méditerranée, terre du cinéma».
Il est question, pour ne pas faillir à la règle, dès lors qu’il s’agit d’une rencontre de cet acabit, de veiller à procurer du sens à des perspectives d’échanges culturels, d’établir des passerelles de communication, indispensables pour la promotion de l’expression dans la plénitude de sa diversité. Le cinéma est, dans ce cas de figure, un outil précieux et un vecteur de taille.

Ceci dit, le public a l’occasion d’apprécier des œuvres les plus récentes de cinéastes et aura l’opportunité de côtoyer plusieurs réalisateurs arabes et étrangers comme le Turc Nuri Bilge Ceylan, le Tunisien Ridha Behi et George Hachem, Mohamed Nadif, Agusti Villalonga qui vont, d’ailleurs, animé des «masters class» ou des ateliers en faveur des étudiants de l'Institut supérieur des métiers de l'audiovisuel d'Ouled Fayet. Ils présenteront également leurs films.
Le pourtour de la Méditerranée est à l’honneur avec une pléthore de films d’auteurs ou purement commerciaux. On peut citer à titre d’exemple Il était une fois en Anatolie de Nuri Bilge Ceylan, montré au public en ouverture de la manifestation, à la salle Cosmos de Riad El Feth, Sortie du Caire de Hichem Aïssaoui, Fish & chips du réalisateur Anglais, d'origine grecque, Ilyes Dimitrios et Pardon du metteur en scène libanais Boudjar Alyamani, Damas, mon amour de Mohamed Abdelaziz. L'Algérie sera présente avec le film Normal de Merzak Allouache qui a obtenu le prix du meilleur film arabe au festival de Doha.
La manifestation sera clôturée par la projection du film The Artist, de Michel Hazanavicius, un film-événement aux 52 prix, 47 nominations, 5 oscars et 6 césars.

Le premier film à entamer la manifestation s’intitule Il était une fois en Anatolie de Nuri Bilge Ceylan, très favorablement accueilli par la critique. Il retrace la vie dans une petite bourgade, perdue dans de vastes espaces steppiques. Le temps s’écoule imperturbablement, l’attente est lassante, pesante et l’espoir de voir surgir du néant quelque chose qui va bousculer ce temps immuable est vite dissipé.

Ce sont toujours les mêmes chemins moroses, accablants de vacuité. A bord d'une voiture, qui traverse un paysage désolé, des hommes de loi cheminent dans une obscurité à couper au couteau, à la recherche d'un point vaguement défini, où un suspect a peut-être enterré sa victime.

Le film joue de la durée jusqu’à l’excès, il est sobre jusqu’à la limite de l’ascèse. Il peut provoquer l’ennui, et le spectateur serait tenté être assailli par une indicible angoisse.

Le cinéaste le récupère intelligemment, en lui offrant une peinture drue de mœurs provinciales, où les personnages sont pétris de pulsions contradictoires.

Ce film ressemble à une épopée comme son titre l’indique. Elle est surtout psychologique et introspective.

C’est ce qui fait sans doute sa force.

C’est, nous semble-t-il, un regard, une méditation quasi métaphysique sur le thème de la métamorphose dans la mesure où le tueur suspecté de monstruosité devient, en fait, un être humain, et le procureur n’est pas aussi irréprochable qu’on le pense.

Ce film a des points de similitude avec Le désert des Tartares de Valerio Zurlini ou Paris Texas de Wim Wenders. C’est un parallèle que l’on suppose, au risque d’être contredit.

Né à Istanbul, Nuri Bilge Ceylan a fait des études d’ingéniorat avant de se passionner pour le cinéma. Son premier court-métrage, tourné en 1993, est sélectionné à Cannes.

Il a obtenu deux fois le Grand Prix à Cannes et de nombreuses autres distinctions.

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