Dans le journal La Croix du vendredi 27 avril 2012, Miguel Angel MORATINOS L’ancien ministre des affaires étrangères espagnol constate l’effondrement des structures de partenariat mises en œuvre entre l’Europe et le Sud de la Méditerranée. Par Jean-Christophe PLOQUIN
L’époque est assez vertigineuse pour Miguel Angel Moratinos. L’élégant diplomate à la chevelure blanche est considéré comme l’un des meilleurs connaisseurs du bassin méditerranéen. Une réputation qu’il s’est forgée de 1996 à 2003, lorsqu’il était « envoyé spécial de l’Union européenne au Proche-Orient pour le processus de paix israélo-palestinien ». Ses navettes incessantes le firent entrer dans le secret de bien des hommes d’État de la région. Ses convictions en faveur du dialogue des cultures le confortaient dans les missions de médiation qui lui étaient confiées par les Européens.
Ce diplomate chevronné, nommé ministre des affaires étrangères par José Luis Zapatero lorsque les socialistes revinrent au pouvoir en 2004 à Madrid, n’a pourtant pas vu venir le printemps arabe. « Ce n’est pas que nous étions aveugle, a-t-il plaidé au début du mois lors d’une conférence organisée par l’Académie diplomatique internationale, à Paris. Nous connaissions la corruption des anciens régimes, le manque de liberté, les blocages politiques et sociaux. Mais nous ne pensions pas que le changement viendrait rapidement. C’est l’improbable qui s’est produit » .
Quelques semaines avant le début des émeutes en Tunisie, Miguel Angel Moratinos avait en outre été bousculé par son éviction brutale du gouvernement espagnol. Après des années d’hyperactivité, ce polyglotte passionné de relations internationales s’est retrouvé spectateur, l’année de ses soixante ans.
Pour ce Madrilène autrefois élu dans la province de Cordoue, l’heure est donc à l’écoute, à l’observation, à la réflexion. Toujours membre du parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), il intervient dans des séminaires et des centres de recherche, lance des idées, soutient des initiatives, prêt à rebondir. Inquiet de voir les Européens et les Maghrébins accaparés par leurs propres difficultés, il appelle à construire de nouvelles institutions pour réunir les deux rives de la Méditerranée. « Il faut repartir de zéro car sur la rive sud, un monde différent est apparu. Il ne faut pas croire qu’on pourra aborder le futur de la Méditerranée avec de vieilles méthodes ou de vieux instruments. »
Exit, notamment, le processus de Barcelone, ce partenariat euro-méditerranéen qu’il vit naître en 1995 alors qu’il était directeur pour l’Afrique et le Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères espagnol. Exit l’Union pour la Méditerranée, lancée en 2007 par Nicolas Sarkozy dans le dos de l’Espagne. Ces initiatives ont échoué au niveau des dirigeants politiques comme au niveau de la société civile, constatet-il. « Ces démarches souffraient d’une asymétrie grave, assène-t-il. Les structures étaient imposées par le Nord à des acteurs ne disposant pas de la légitimité démocratique qui leur aurait donné une capacité à négocier. Ce partenariat s’est révélé une coquille vide de réalités politiques ».
Un nouveau cadre ne sera pas facile à définir. Les Européens doivent faciliter les choses en assurant la liberté de circulation, en accompagnant les mouvements de démocratisation, en préparant la création d’une Banque de la Méditerranée. Mais d’abord, explique Miguel Angel Moratinos, « les acteurs du Sud doivent débattre entre eux du type de société qu’ils veulent bâtir. À eux aussi de dire jusqu’où ils sont intéressés par un partenariat avec le Nord ». Il suggère de réunir à Tunis une « convention euro-méditerranéenne » qui permettrait « à des parlementaires, hommes d’affaires, représentants de la société civile, gens de culture » , d’échanger lors d’ « un processus constituant » qui aboutirait à de nouvelles institutions communes. Pour l’ancien ministre, le temps des utopies est revenu
Source de l'article Chrétiens de la Méditerranée
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