De l’Atlantique au Golfe persique, une cartographie du cinéma se re-dessine, modifiant le rôle des centres traditionnels, focalisant l’attention sur de nouveaux pays et donnant lieu à des dynamiques transnationales inédites. Ainsi, tandis que la situation en Égypte évolue profondément, des actions publiques volontaristes font des Émirats Arabes Unis et du Maroc des centres de production et des lieux d’exposition qui concernent la création cinématographique internationale aussi bien que spécifiquement arabe.
À ces dimensions internes aux pays arabes et aux traditionnelles relations de production avec l’Occident, s’ajoutent de nouvelles approches « Sud-Sud », en particulier avec l’Asie (au-delà de l’ancienne relation à Bollywood) et avec l’Afrique noire. Cette redéfinition de la carte du cinéma depuis le début du xxie siècle révèle aussi un déplacement des frontières artistiques, comme le montrent par exemple des cinéastes libanais qui investissent les plus grands musées et biennales d’art contemporain de la planète, ou comme en témoignent les explorations radicales de cinéastes arabes dans les milieux transnationaux du cinéma expérimental.
Ce numéro porte sur ces différentes dynamiques de création et de production qui travaillent les cinémas des pays arabes. Il ne s’agira pas d’occulter la crise qui fragilise aussi ces cinématographies et dont les causes sont multiples (du désengagement de certains États et des financeurs traditionnels à la puissance dévastatrice des télévisions, en passant par des contextes politiques hostiles à la liberté de création et d’expression jusqu'aux modalités de concurrence internationale qui fragilisent les industries locales), mais de rester attentif aux nouveaux modes de production, de création et d’exploration formelle, ainsi qu’aux évolutions dans le traitement de thématiques (représentation des villes, de la guerre, de la religion…). C’est ce à quoi sera consacré un premier axe de réflexion de ce numéro.
Un second axe ouvrira une réflexion prospective sur ce que nous nommons « les nouvelles projections arabes ». Le terme de « projection » est entendu dans une acception à la fois technique et symbolique : ce phénomène participe de l’essence même du cinéma en tant que projection d’images lumineuses face à un public et en tant qu’organisation d’imaginaires fédérés autour de rêves, de fantasmes et de visions du monde.
Ainsi, le cinéma égyptien, pionnier de la région, a-t-il été la « projection » d’une grande nation arabe, et a contribué à lui donner forme (dans sa dimension imaginaire tout au moins). Ses récits, ses personnages, son esthétique ont eu un pouvoir d’attraction et d’identification qui a rassemblé des communautés de spectateurs de l’Atlantique au Golfe. Si aujourd’hui le cinéma égyptien n’est plus l’immense usine de rêves qu’il a été, sa force de production de mythologies n’a pas entièrement disparu et n’est pas sans effet dans le désir de création cinématographique et de constitution de référents identitaires partagés.
Un autre point d’attraction et de production de mythologies est la Palestine. Elle constitue un « écran », au sens où sur elle projette, partiellement et de façon discontinue, une représentation collective qui excède les logiques d’appartenances nationales (et possiblement aussi un écran, au sens où elle dissimule des réalités dans les différents pays arabes).
Cette « matrice » imaginaire - qui a influencé de façon plus ou moins explicite une grande partie des films produits dans cette région du monde depuis les années 1960 - continue d’irriguer le cinéma dans le sens où elle demeure une surface de projection d’une parcelle d’identité, de ce qui fait « arabe », et ce au de-là même des films réalisés en Palestine. En ce sens, Égypte et Palestine sont fondamentalement « cinématographiques ».
L’onde révolutionnaire qui parcourt nombre de pays arabes depuis l’hiver 2010 interroge aussi le cinéma. Ce qu’il y a de cinématographique dans ces mouvements insurrectionnels, c’est peut-être beaucoup moins la masse d’images prises que le phénomène de projection d’un destin collectif, plus grand encore que celui en train d’être vécu, le « bigger than life » du cinéma. Ainsi, la fierté d’être arabe et de partager l’accomplissement d’un grand récit à partir de la Tunisie a peut-être redonné une consistance positive à une appartenance imaginaire commune.
Les propositions s’inscriront prioritairement dans les axes de réflexion suivants :
Les dynamiques de création et de production
- Les cinémas arabes : vers une nouvelle cartographie
- Les cinémas du Maghreb
- Les cinémas du Machrek et la puissance documentaire
- Nouvelles frontières artistiques : quand le cinéma s’expose dans les musées
- Nouvelles frontières expérimentales
- Des initiatives pour relancer la production et la diffusion : le foisonnement festivalier
Les écrans de la projection arabe
- L’Égypte : épicentre de mythologies arabes
- Imaginaires de l’arabité dans et avec le cinéma.
- La Palestine : une force d’identification et projection
- Les révolutions arabes : vers la projection de destins collectifs et de grands récits ?
Les propositions (4 000 signes maximum) peuvent être envoyées par courriel à agnes.devictor@univ-paris1.fr avant le 29 février 2012
Les articles sélectionnés devront être remis avant le 1 septembre 2012
Source REMMM Revues
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire