"Un défi : développer le sourcing automobile du Maroc vers l'Europe", selon Tajeddine Bennis

Usine Renault à CasablancaFin octobre, l'industrie automobile du Maroc organisera la rencontre Automotive Meetings Tangier . Objectif : convaincre les constructeurs et équipementiers européens d'accroitre leur sourcing au Maroc. Alors que PSA, Proton, Tata ou Ford sont attendus à Tanger, revue des enjeux avec Tajeddine Bennis, vice-président de l'Amica, la fédération marocaine du secteur.
L'Amica (Association marocaine pour l'industrie et le commerce de l'automobile) basée à Casablanca fédère les professionnels de l'industrie automobile au Maroc. Elle organise à Tanger du 29 au 31 octobre pour la quatrième fois ses Automotive Meetings. Tajeddine Bennis, vice président de l’Amica et PDG de la filiale au Maroc de l'équipementier français Snop, spécialiste de l'emboutissage détaille pour L'Usine Nouvelle les objectifs de cette rencontre.
Votre fédération organise fin octobre Automotive Meetings Tangier, quel en sera le contenu ?
Il s’agit, comme précédemment, d’une rencontre d’affaires BtoB sur trois jours et non d’un salon. Le but est d’établir des contacts personnalisés entre des équipementiers de rangs 1, 2 ou 3 établis au Maroc avec des acheteurs internationaux. Ce sera notre quatrième édition et la plus importante. Nous attendons 500 participants dont une centaine d’équipementiers. Pour cela, nous avons préparé la rencontre avec de nombreux partenaires dont la Fiev en France et son équivalent en Turquie, à savoir Taysad. Mais le plus marquant sera la présence de dirigeants et d’acheteurs de six constructeurs automobiles.
Lesquels ?
Il y aura Renault bien sûr car les premiers AMT sont nés en 2010 à partir du projet d’implantation de Renault à Tanger et ses 350 000 véhicules en vue, il s’agissait alors de préparer la filière à cette arrivée en février 2011. Pour cette édition 2014, nous attendons aussi la présence ferme de représentants de PSA, de Ford, du malaisien Proton, de Nissan et Tata Motors. Nous avons des contacts avec Volskwagen et Fiat.


Plus de trois ans après l’ouverture de l’usine Renault, comment s’est organisée la filière automobile au Maroc ?
Vous le savez les recommandations du cabinet McKinsey voilà quelques années étaient de constituer une filière autour des rang 2 et rang 1 pour attirer ensuite un constructeur. En fait, les choses se sont précipitées et c’est l’inverse qui s’est produit. Mais l’implantation de Renault à Tanger en 2011 a très vite drainé de nombreux fournisseurs : Denso, Bamesa, Visteon, Antolin, Snop.... Aujourd'hui, le secteur compte 150 entreprises pour un chiffre d'affaires de plus de 4 milliards d'euros et 80 000 salariés. L'activité devrait progresser de 20% cette année et les exportations sont en plein boom, et pas seulement de véhicules, car Renault expédie des pièces détachées "Made in Morocco" à travers le monde, ce qui n'était pas du tout anticipé.

L'industrie s'est adaptée ?
Depuis l'arrivée de Renault notre mission au sein de l’Amica est de donner de la profondeur à la filière et cela en s'appuyant notamment sur les orientations de la Politique d'accélération industrielle, lancée par le ministre de l'Industrie Moulay Hafid Elalamy en avril. Cela passe par une stratégie "d'écosystèmes industriels", nous en comptons déjà sept, à savoir la plasturgie, la câblage, l'emboutissage, les sièges, les sytèmes de sécurité, l'électronique et la mécanique. Il faut développer l'approvisionnement en matière première, en logistique, en maintance, etc... ce que nous avons entamé avec le premier salon de la sous-traitance de Tanger en avril, un vrai succès d'ailleurs. Mais rien n'est facile car la concurrence internationale est rude.

Le tissu d'industriels à capitaux marocains n'est-il pas à la traine du mouvement ?
Je précise que nous ne faisons aucune distinction entre entreprises marocaines ou étrangères à l'Amica. Ce qui nous importe c’est le développement de l’industrie automobile et de l'emploi ici dans le royaume. Certes, certains n'étaient sans doute pas préparés au choc que représentent les exigences d'un constructeur mondial mais des entreprises s'insèrent peu à peu dans le système comme Tuyauto, Socafix ou Afrique Câble.

"Etre bien référencé sur la carte par les constructeurs"

Des rumeurs régulières au Maroc font état de l’arrivée d’une nouvelle usine d’assemblage, c’est ce que vous attendez ?
Ecoutez... nous sommes des industriels. Nous savons que pour un constructeur ce type de décision ne se prend pas sur un coup de tête. Ce qui importe surtout à ce stade, c’est d’être bien référencé sur la carte par les constructeurs présents en Europe de l’ouest et du sud. 

Des exemples ?
Les équipes sourcing de Ford, qui dispose d’une usine à Valence en Espagne, sont en phase de prospection au Maroc. Ford a même installé depuis peu un bureau d’achats dans la zone franche de Tanger. Des groupes comme Takata, Delphi ou Lear renforcent leur sourcing marocain. PSA pour sa part commence à s’intéresser au Maroc pour, peut-être fournir, ses usines de Mangualde au Portugal ou Vigo en Espagne. Une délégation d’industriels et d’officiels s’est, voilà peu, rendue à Vigo pour explorer des sujets comme la logistique. Le fait que la nouvelle direction de PSA soit "teintée" Renault est bon pour nous, car pour elle le Maroc est un terrain connu.

Quelle est votre cible ?
Aujourd’hui beaucoup de pièces automobiles destinées à l’ouest ou au sud de l'Europe sont fabriquées en Turquie ou en Europe de l’est. Pourquoi ne pourraient-elles pas être sourcées au Maroc, plus proche et au moins aussi compétitif. Il y a un défi et une immense opportunité à développer le sourcing automobile du Maroc vers l'Europe.

Mais l’intérêt des autres constructeurs pour le pays est assez récent…
Oui, c’est tout nouveau, ce qui est normal. Le nouveau site Renault a permis le développement d’un tissu d’équipementier et sous-traitants. Et en alimentant Renault Tanger, les industriels ont montré que le Maroc pouvait être à la hauteur en termes de qualité et de coûts.

Aujourd’hui, il serait logique que d’autres constructeurs profitent de cette capacité de production qui ne fait que s'accroitre car Renault lui même va encore augmenter son approvisionnement local. C’est dans l’intérêt de tous y compris de Renault, car davantage de volume de pièces veut dire des coûts plus bas. C’est un cercle vertueux. Notez aussi que dans un rayon logistique de moins de 20 h, autour de Tanger ou Kenitra, des millions de véhicules sont assemblés, c’est une chance à saisir pour l’industrie marocaine... et les constructeurs.
Certains des modèles de Renault assemblés à Tanger se vendent mal et par ailleurs l'usine historique Somaca (80% Renault- 20% PSA) de Casablanca a ralenti ses cadences, n'êtes-vous pas inquiet de cette situation conjoncturelle?
Non. Dans toute industrie, il peut y avoir des aléas, mais dans l'ensemble le plan de marche de notre industrie est excellent. L'usine de Tanger continue de monter en cadence et, vous le savez, se préparerait même à accueillir de nouveaux véhicules. L'histoire ne fait que commencer. La meilleure preuve ? Dans quelques jours, lors de la première journée des Automotive Meetings Tangier, en présence du ministre de l'Industrie, plusieurs nouveaux investissements industriels devraient être annoncés !
Par Pierre-Olivier Rouaud - source de l'article Usine Nouvelle

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