- Pour les pays du Sud, une belle opportunité face aux tensions avec la Russie
- Créer un espace commun, un catalyseur de la transition écologique
Est-ce une nécessité géopolitique, un impératif économique, voire une urgence écologique qui auraient incité à l'organisation d'une rencontre Euromed sur la coopération en matière d'énergie entre les deux rives de la Méditerranée ce mardi 6 janvier à Bruxelles?
Une rencontre qui a vu la participation d'un nombre appréciable de représentants marocains dont le ministre Abdelkader Amara et Lhou Lmarbouh, vice-président de l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée (PAM)(1).
Depuis le début de la crise ukrainienne, la question de l'énergie est au centre des préoccupations de l'Union européenne. Les tensions avec la Russie ont remis sur le devant de la scène la vulnérabilité de l'approvisionnement énergétique de l'UE. Une Union qui importe plus de 53% de l'énergie qu'elle consomme dont plus d'un tiers de son gaz et de son pétrole provenant de la seule Russie. Devant cette situation inquiétante, quoi de plus naturel pour l'UE que de se tourner vers son voisinage du Sud où l'énergie est abondante. C'est en quelque sorte dans cet esprit qu'a été organisé, le 6 janvier à Bruxelles, un «Rendez-vous sur l'énergie» qui a rassemblé quelques ministres de la rive sud, des eurodéputés, des hauts fonctionnaires européens ainsi que des industriels et des experts des deux bords de la Méditerranée.
Lors de cette rencontre, Lhou Lmarbouh a lancé un appel «pour éviter les déperditions des efforts et des énergies» et cela sans jeu de mot. Rappelant les nombreux projets lancés ou annoncés dans les différents domaines énergétiques que ce soit en matière de solaire, d'éolien, d’interconnexions gazières ou électriques dans la région méditerranéenne, il a martelé que les partenaires Euromed «ont assez discuté, assez fait de présentations, assez organisé de séminaires et de rencontres d'experts et qu'il est grand temps de passer à l'action».
Il a émis l'espoir que les trois plateformes sur lesquelles se sont entendu les parties prenantes lors de la dernière rencontre des ministres Euromed de l'énergie les 18 et 19 novembre à Rome(2), «déboucheront sur des projets concrets de coopération et non pas une nouvelle fois sur de nouveaux débats». Le vice-président de la PAM a indiqué par ailleurs que l'enjeu fondamental des partenaires Euromed est de travailler dans le sens de la coordination des efforts et surtout au niveau régional.
«Les parlements nationaux surtout au Maghreb doivent jouer leur rôle, notamment en renforçant la coordination au niveau régional à travers l'harmonisation des législations». Rappelant que 2015 est l'année de la révision de la Politique européenne de voisinage (PEV), le responsable marocain a par ailleurs lancé un appel pour un rééquilibrage entre l'est et le sud de la Méditerranée dans le cadre de cette PEV car, a-t-il fait remarquer, «le centre de l'attention de l'Europe s'est déplacé vers l'est au détriment du sud de la Méditerranée». Il a estimé que le domaine de l'énergie constitue une «réelle opportunité» dans ce rééquilibrage.
Du côté européen, l'accent a surtout été mis sur la nécessité de diversifier les sources d'approvisionnement en énergie de l'UE en coopération avec le voisinage du Sud, un «partenaire idéal» de l'UE pour créer un «espace commun de l'énergie». André Merlin, président exécutif du consortium Medgrid au sein de l'UpM, a notamment souligné que l'UE et les pays du Maghreb et du Mashrek sont des ensembles complémentaires.
Au Sud, les ressources en énergie fossile (pétrole et gaz) et renouvelables, notamment en énergie solaire et éolienne, sont abondantes. «Si des interconnexions électriques efficaces sont mises en place, 15 % des énergies renouvelables de l'UE en 2030 pourraient venir du Sud», a-t-il indiqué. En parallèle, les pays du Sud font aussi face au défi du changement climatique et auront, selon lui, «besoin du savoir-faire européen en matière d'efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables». Le patron de Medgrid, à l'origine de l'organisation de la rencontre de Bruxelles, a indiqué qu'une communauté de l'énergie serait «un catalyseur de la transition écologique de l'Europe et des pays du bassin méditerranéen».
Amara: «Nécessité d'intégrer le marché européen»«Nous sommes tous attachés à une construction méditerranéenne dans un cadre gagnant-gagnant et l'énergie est un des moteurs de cette construction. Il faut évoluer, il faut aller vers plus de concret», a indiqué Abdelkader Amara. «Notre grande préoccupation est l’intégration de notre secteur énergétique à celui de l'UE. Nous sommes toujours en discussion avec l'Espagne pour la 3e interconnexion ainsi qu'avec le Portugal et la Mauritanie», a-t-il indiqué. Regrettant que les pays partenaires Euromed soient restés «dans une logique nationale au lieu d'une logique régionale», le ministre a souligné la nécessité «d'aller de l'avant dans l'interconnexion». Sans citer de pays précis, il a indiqué que «les blocages et retards n'étaient pas comme on le dit souvent du seul côté des pays du Sud mais aussi de celui de ceux du Nord». Le Maroc, a encore ajouté Amara, «œuvre pour la création d'un réseau énergétique régional Euromed plus important avec notamment une intégration industrielle qui pourrait créer plus d'emplois et développer également une coopération en matière de recherche et développement». Rappelant la très forte dépendance du Maroc à l'égard des importations d'énergies fossiles (98,5% en 2008), le ministre a passé en revue les progrès enregistrés par le Royaume pour changer la donne (libéralisation du secteur de l'énergie, développement des énergies renouvelables, déplafonnement de l'autoproduction des énergies, feuille de route pour le gaz, etc. Il a annoncé que l'année 2015 verra la concrétisation du régulateur énergétique et qu'une loi sera votée à cet effet dans le courant du second semestre.
Par Aziz Ben Marzouq - Source de l'article l’Économiste
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(1) Organisation interétatique régionale, l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée est le forum au sein duquel les Parlements de la région méditerranéenne se réunissent en vue d’atteindre leurs objectifs communs visant à la création d’un meilleur environnement politique, social, économique et culturel ainsi qu’à l’amélioration des conditions de vie des citoyens qu’ils représentent.
(2) Les participants ont décidé de créer trois «plateformes» rassemblant Etats membres, régulateurs et entreprises qui porteront sur le gaz (avec le soutien de l’Observatoire méditerranéen de l’energie), l’électricité (avec le soutien du secrétariat de l’Up
M, de MEDREG et de MEDTSO) et les énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (avec le soutien du secrétariat de l’UpM).
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