Les méduses prolifèrent à la cadence exponentielle sur les plages de la Méditerranée. D’où la nécessité de mettre en place des systèmes de surveillance intégrée, de prévention et aussi d’évaluation des impacts socio-économiques de cette menace.
Tel est l’objectif du projet MED JELLYRISK, financé par l’Instrument Européen de Voisinage et de Partenariat pour la Coopération Transfrontalière en Méditerranée.
Un journaliste du Centre d'information pour le voisinage européen a assisté à la pose de filets anti-méduses à Hammamet où des «nettoyeurs» tentent de débarrasser la plage des méduses en installant 200 mètres de filets de protection contre les méduses, permettant aux estivants – et aux enfants en particulier - de se baigner en toute quiétude dans un périmètre sécurisé. C’est une action soutenue dans le cadre de la Coopération Transfrontalière en Méditerranée, et financée par l’Instrument Européen de Voisinage et de Partenariat (IEVP).
Stefano Piraino, Coordinateur du projet, et le constructeur des filets, Enrico Ribola, sont sur la plage. Assistés par quatre techniciens italiens, deux plongeurs et huit chercheurs tunisiens, ils commencent dès 10h du matin à installer leurs filets, flotteurs, cordes, chaînes galvanisées et anneaux de protection au niveau de la zone de baignade de la plage des Orangers. Fixé à des «ancres à vis» jusqu’à 3 mètres de profondeur, chaque filet de 50 mètres de long sur 25 mètres de large est déployé le long de la plage, formant ainsi une piscine d’eau de mer inaccessible aux méduses. « Ca s’installe en quelques heures et cela permet d’avoir une zone de baignade sécurisée de 30 mètres de long », explique Cyrine Ferchichi de l’Institut National Agronomique de Tunis. Cette année, grâce aux filets de protection, il y a eu une réduction de 100% de la présence des espèces Pelagia noctiluca, Rhizostoma pulmo et Cotylorhiza tuberculata et de 80% en ce qui concerne les Carybdea marsupialis et Olindias phosphorica.
Le Smartphone pour choisir où se baigner
«C'en est fini des piqûres. Du moins, pour celles et ceux qui se cantonnent au périmètre protégé par les filets. De quoi constituer un véritable pare-méduses », dit Enrico Ribola. Ces filets de protection permettent de se baigner en toute tranquillité dans un périmètre sécurisé. Mais ce n’est pas la seule activité de la journée dont le but est de sensibiliser le public sur les causes et conséquences de la multiplication de méduses, et sur les actions et traitements à suivre en cas de piqures. Une communication qui donne ses résultats : déjà cette année beaucoup d’information sur la présence et la floraison des méduses a été recueillie directement grâce aux indications des citoyens. En effet, durant cette journée, les jeunes étudiants de la faculté de Bizerte ont l’occasion de discuter avec les techniciens. La technologie vient aussi en aide. « L'application Smartphone MED-JELLY - explique Ons Kéfi Daly Yahia, de l’Institut National Agronomique de Tunisie - pourra dans l’avenir identifier les plages où il n'y a pas de méduses ». Déjà développée en Espagne et maintenant à Malte, une telle application informe les utilisateurs de la présence de méduses dans les eaux côtières maltaises, en plus des informations logistiques sur chaque plage ainsi que les traitements pour les piqûres de chaque espèce de méduses. Un bon exemple de ce que signifie la Coopération Transfrontalière : les connaissances sont partagées entre tous les partenaires d’un projet, de même que les compétences. Toutes les parties impliquées sont prêtes à tirer les enseignements des activités mises en œuvre. Dans ce cas, il s’agit d’approfondir les connaissances techniques et scientifiques sur la multiplication des méduses, évaluer l’état des lieux en Méditerranée, modéliser la distribution des méduses et mettre au point des solutions de lutte contre ces proliférations anarchiques. Financé par l’Union Européenne dans le cadre du programme des projets stratégiques IEVP pour la période 2013-2015, le projet MED-JELLYRISK regroupe 4 pays : l’Italie, l’Espagne, Malte et la Tunisie, représentée par deux partenaires, la Faculté des Sciences de Bizerte (Groupe de Recherche Biodiversité et Fonctionnement des Systèmes Aquatiques) et l’Institut National Agronomique de Tunisie (Groupe de Recherche en Océanographie et Ecologie du Plancton).
La faute aux activités humaines
Devenues récurrentes en Méditerranée, les invasions de méduses sont une hantise si bien pour les touristes que les chercheurs. Récemment, les côtes tunisiennes sont confrontées à une véritable prolifération, résultante d'une grande variété d'activités, y compris le transport maritime, l'exploitation des ressources biologiques, ainsi que l'impact du changement climatique. « Ces pullulations sont l'effet boomerang de nos activités humaines », souligne Ons Kéfi Daly Yahia. « La température du globe et celle des mers augmentent régulièrement. Si l'on ajoute à cela la surpêche, et donc la disparition des prédateurs naturels des méduses, on obtient le cadre idéal à leur multiplication ».
« La propagation des méduses – explique Mohamed Néjib Daly Yahia de la faculté des sciences de Bizerte, qui est le mari de Mme Ons Kéfi - constitue une menace croissante pour les activités humaines et côtières, principalement pour le loisir et l’aquaculture ». Ces animaux ont colonisé l'ensemble des mers du globe, au point que les scientifiques parlent aujourd'hui de « gélification des océans ». Chaque été, des milliers de baigneurs sont touchés par les piqûres de méduses, ce qui signifie aussi un coût élevé des soins de base de premiers secours pour les services de santé nationaux, aussi bien qu’un risque pour le tourisme. La situation a empiré au cours des dernières années en raison de l'apparition de nouvelles espèces dangereuses.
Contre la menace générée par les méduses, MED-JELLYRISK constitue la première tentative de réponse au niveau transfrontalier. Le projet mène donc une approche de gestion intégrée dans 10 zones marines côtières (MCZ) dans le bassin de la mer Méditerranée occidentale et centrale. Dans ces zones, la reproduction de méduses représente une menace croissante, d’où la nécessité de former aussi des opérateurs techniques et des gestionnaires rompus aux techniques d’installation des filets. En Tunisie, cette action s’inscrit durablement dans le temps et marque la volonté des autorités de développer- en parallèle au projet anti-méduse - une communication active et diversifiée autour de cette menace.
Source de l'article Africanmanagercenter
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