L’intégration méditerranéenne est un facteur de sortie de crise


A l’heure où nos sociétés connaissent de profondes interrogations, au moment où les mutations nécessaires pour faire face aux défis économiques et environnementaux commencent à être admises, le projet méditerranéen s’impose plus que jamais.


Certes, l’enthousiasme initial des mouvements populaires arabes est retombé. Tandis que la multiplication des crises affecte la stabilité du sud de la Méditerranée et de l’Afrique subsaharienne, l’Europe craint la stagnation. Malgré ce contexte difficile, la vitalité des sociétés européennes et méditerranéennes ne s’est jamais démentie. Leurs aspirations partagées au progrès en sont le ciment. Elles se mêlent et se nourrissent mutuellement par-delà la Méditerranée. Ma conviction est que la stabilité politique et le développement socio-économique de la grande région Europe-Méditerranée-Afrique, en devenir, dépendent de son intégration. Faire en sorte que la Méditerranée ne soit «guère plus large que le Rhin» exige une volonté politique forte.

Nos intérêts sont complémentaires, notre destin est commun. Du secrétariat de l’UPM à la Fondation Anna Lindh en passant par l’IPEMED ou l’IEMED, nombreux sont les acteurs à œuvrer en faveur de l’intégration méditerranéenne, sous toutes ses facettes et au bénéfice de tous.

Malgré leur travail résolu, la Méditerranée reste l’une des régions économiquement les moins intégrées au monde. La construction euro-méditerranéenne et les différentes initiatives de collaboration proposées depuis près de trente ans ont eu des résultats contrastés. Comment ne pas regretter l’insuffisante intégration du Maghreb, alors que nous savons pertinemment que les coopérations concrètes concourent au dépassement des oppositions les plus ancrées ?

Dans notre monde global, la Méditerranée est une interface stratégique entre l’Europe et l’Afrique. Aujourd’hui, les deux continents comptent 1,7 milliard d’habitants. D’ici à 2050, nous serons 2,5 milliards, soit un quart de la population mondiale. Un tel potentiel humain, pourvu qu’il soit organisé et rassemblé, est une formidable chance. L’intégration méditerranéenne, et demain euro-africaine, nous permettra de peser significativement dans la mondialisation. C’est ensemble que nous serons efficaces pour relever les défis du XXIe siècle : éducation, emploi des jeunes, santé, accès à l’eau, dérèglement climatique.

Au Sud comme au Nord, l’intégration méditerranéenne est un facteur de sortie de crise et de formulation d’un nouveau modèle de croissance. Le renforcement des échanges humains et commerciaux, des investissements et des innovations, crée les conditions d’un renouveau économique susceptible d’apporter une réponse aux défis du chômage et des disparités territoriales. C’est par l’exemple que nous combattrons efficacement la tentation du repli identitaire qui menace nos pays, au Nord comme au Sud. Nous ignorer et nous tourner le dos est une impasse. Pire, c’est une faute devant l’Histoire.

Face à ces défis, les sociétés civiles – citoyens engagés, chefs d’entreprises, artistes et universitaires – se sont déjà saisi des opportunités et des outils existants. Grâce à leur engagement et au précieux soutien des organisations compétentes, des avancées notables ont été réalisées ces dernières années. Parmi ces réussites, on compte le développement des coopérations sectorielles. À titre d’exemple : la conférence ministérielle organisée à Paris en septembre 2013 sur le renforcement du rôle des femmes dans les sociétés méditerranéennes. Elle a contribué à relancer ce processus.

L’approche pragmatique de la « Méditerranée des projets », à géométrie variable, s’impose comme une solution efficace. Nous devons nous concentrer sur quelques grands chantiers qui conditionnent le développement humain et économique dans la région. Ils sont d’ores et déjà identifiés et concernent la coopération scientifique et universitaire, la promotion des droits fondamentaux et de l’engagement citoyen, l’autonomisation des femmes et de la jeunesse, la reconstruction des filières agricoles et agro-alimentaires, la coopération énergétique, le rapprochement de l’économie formelle et informelle par la promotion de l’économie sociale et solidaire, la sécurisation des investissements, le soutien aux PME, la protection civile, la dépollution de la Méditerranée ou encore l’accès aux soins pour tous. Quelle que soit leur taille, ces projets sont élaborés en lien avec les sociétés civiles, d’où émane la grande majorité des initiatives. Construits sur des bases égalitaires, ils posent les fondements d’un approfondissement de la coopération entre les deux rives de la Méditerranée.

Forts de ces premiers acquis, il s’agit désormais de faire plus, de faire mieux, de faire plus vite. Mais aussi de continuer à le faire savoir. L’année 2015 doit être celle d’une accélération significative des efforts de coopération en Méditerranée. En 1995 à Barcelone, les pays de l’Union européenne et de la rive sud ont initié un projet de partenariat ambitieux pour la coopération économique, politique et culturelle. Vingt ans plus tard, réaffirmons notre conviction et notre volonté que le monde méditerranéen assume son destin : construire un avenir commun entre l’Europe et l’Afrique.

Derrière les ruptures et les crises, nous sommes nombreux à voir les potentialités d’une plus grande coopération régionale. Faisons le pari de la confiance et du partage. C’est toute la richesse de notre héritage méditerranéen. Ne laissons pas passer l’occasion historique de le faire fructifier à nouveau.

 

Par Elisabeth Guigou Présidente de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Présidente désignée de la Fondation Anna Lindh, Membre du Comité d’Orientation Politique d’IPEMED

Source de l'article IPEMED
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