L'échec de l'Union pour la Méditerranée peut servir à inventer d'autres coopérations

Monsieur Sarkozy avait lancé, en 2008, l'Union pour la Méditerranée (UPM) qui a duré le temps d'une photo. Puis il est passé à autre chose, comme à son habitude. On a laissé là M. Moubarak et M . Ben Ali. Hélas pour la France et pour l'Europe, le printemps arabe a rappelé un peu brutalement la Méditerranée sur le devant de la scène.

La France a annoncé tardivement sa "préoccupation" et appelé au calme, ce qui a peut-être été jugé insuffisant par tous ceux qui ont risqué et risquent leur vie en Libye. Au même moment, M. Sarkozy a cru bon de lancer l'idée d'un débat sur l'islam. Il a envoyé un excellent ambassadeur à Tunis et dépêché son nouveau ministre de l'intérieur pour vérifier à la frontière italienne que nos voisins ne laissaient passer aucune personne immigrée en détresse. Enfin, il a ressorti le dossier oublié, y compris de lui-même, semble-t-il, de l'Union pour la Méditerranée.

Monsieur Juppé est trop intelligent pour croire une seconde qu'un seul dirigeant arabe viendra refaire la photo à Paris ou à Barcelone. Il sait aussi que beaucoup de dirigeants européens n'ont que faire de l'UPM. Ils veulent seulement protéger l'Europe de l'immigration. Quant aux pays d'Europe de l'Est, ils préfèrent qu'on les aide, eux, plutôt que les pays arabes. Or, la France, elle, n'est pas "en voisinage" avec la Méditerranée comme on le dit à Bruxelles. Elle est "en cohabitation", notamment avec le Maghreb, quand on sait qu'une partie d'une même famille vit à Alger et l'autre à Marseille.

Après l'échec du processus de Barcelone, puis celui de l'UPM, les peuples de la Méditerranée ne supporteront pas un troisième échec.

L'Espagne et l'Italie avaient lancé autrefois l'idée d'une Conférence pour la sécurité et la coopération en Méditerranée (CSCM). Elles s'étaient heurtées aussitôt à l'hostilité des Etats-Unis.

Aujourd'hui, la CSCM pourrait être la réponse dont les peuples méditerranéens ont un besoin urgent : une perspective d'espoir pour les jeunesses des pays arabes et un geste de solidarité pour l'Espagne, la France, l'Italie et la Grèce, priées de faire la police des frontières du sud de l'Europe.

L'idée d'une Conférence pour la sécurité et la coopération en Méditerranée rassurerait ceux qui ne voient dans l'avenir que violence, terrorisme et islamisme. Si la chute du mur de Berlin nous a réjouis, comment imaginer alors que l'on construise aujourd'hui un autre mur, "une ligne Maginot" sur la Méditerranée, de Gibraltar aux Dardanelles en passant par Lampedusa.

Il y a, en Europe, des partisans d'une politique de "méfiance" qui pourrait malheureusement instaurer une zone de violence en Méditerranée comme en Irak, en Afghanistan ou en Palestine. Ceux qui choisissent cette solution de la violence et du "mur" feront le malheur de la Méditerranée. Ils feront aussi le malheur de l'Europe. L'UE ne saurait se construire avec, en son sein, une forte population de citoyens d'origine arabe ou de culture musulmane comme les Turcs en Allemagne et le voisinage immédiat de peuples jeunes, désoeuvrés et pauvres.

Pour sa propre sécurité et son propre développement, l'Europe a besoin de dessiner un avenir qui, de toute façon, sera commun avec son sud. Une Conférence pour la sécurité et le développement en Méditerranée pourrait fonder la sécurité de l'Europe à long terme sur une communauté de destin économique, sociale, humaine, maîtrisée et non pas seulement sur une ligne de défense militaire et politique.

Comme l'Europe à ses débuts, on pourrait organiser des "CECA" pour l'eau, l'agriculture, l'emploi, l'écologie. On pourrait aussi, comme au temps de l'"Europe des Six", renforcer une "Méditerranée des Dix" avec le processus des "5+5".

Il y a enfin l'exemple donné par la coopération décentralisée. Les accords passés entre les régions du nord et du sud de la Méditerranée les ont conduites à travailler ensemble depuis des années. Cette "diplomatie participative" tisse des liens humains entre les élus locaux et les responsables de la société civile. Elle est respectueuse des souverainetés et des cultures de chaque peuple. Elle fait vivre déjà aujourd'hui la Méditerranée de demain. Le futur Centre régional de la Méditerranée à Marseille sera le lieu d'un "soft power" pour cette communauté de destin de fait qu'il vaut mieux maîtriser que subir.

Pour répondre à l'attente immédiate d'un geste positif qui donne de larges perspectives, notamment aux jeunesses méditerranéennes, qu'elles soient du nord ou du sud, l'annonce d'une proposition de Conférence sur la sécurité et la coopération en Méditerranée devrait être faite au plus vite. Elle rassurera l'Europe et tous les peuples méditerranéens et rendra à la France, à l'Espagne et à l'Italie le rôle qui doit être le leur.

Michel Vauzelle, député, vice-président de la Commission des affaires étrangères ; président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur
Article paru dans l'édition du Monde du 9 avril 2011 http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/04/08/l-echec-de-l-union-pour-la-mediterranee-peut-servir-a-inventer-d-autres-cooperations_1504920_3232.html .

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