Méditerranée - «Attention à une seconde vague de révoltes arabes»

Trois mois après la chute de Ben Ali, Jean-François Daguzan, rédacteur en chef de la revue Maghreb-Machrek et membre de la Fondation pour la recherche stratégique, prône un renforcement de la solidarité entre les deux rives de la Méditerranée.
Pourquoi les révolutions arabes sont-elles survenues début 2011 ?
Jean-François Daguzan -
L'aspiration démocratique -ou à tout le moins l'envie de changement- qui s'est manifesté il y a quelques mois est en germe depuis deux décennies. La crise économique vécue depuis trois ans a révélé toutes les contradictions des pays défavorisés de la région. S'il n'y avait pas eu cette crise -qui n'est pas achevée à ce jour- il est possible que les révolutions arabes aient dû attendre encore.
Contrairement à ce que certains ont pu dire, ces pays ont très mal vécu le ralentissement économique mondial. Les exportations des pays du sud méditerranéen ont chuté de 30%, les recettes touristiques de 4%, les investissements directs étrangers de 31,2%. Et les transferts d'argent, envoyés par les émigrés installés en Europe ou dans le Golfe à leurs familles restées au pays, ont diminué de 6%.
Les pays arabes connaissent pourtant des taux de croissance de 4 à 5%...
Ce n'est pas assez pour des pays en développement. Il leur faudrait 8% de croissance minimum, voire 10%, comme en Chine pour créer suffisamment d'emplois et faire baisser le chômage.
Révolte réprimée à Bahreïn, enlisement en Libye… Le printemps arabe s'achève-t-il?
Il est bien trop tôt pour le dire: la crise politique a aggravé la crise économique. Les touristes ne reviennent pas. Comment les nouveaux dirigeants vont-ils surmonter cette situation sur une ou deux années, alors que le peuple réclame des emplois? Un véritable test à l'acide pour ces embryons de démocratie. S'ils n'arrivent pas à surmonter les difficultés économiques, attention alors à la seconde vague de révoltes! Celle-là sera encore plus forte que la première, car les espoirs des peuples auront déjà été déçus. Les extrémismes pourraient en profiter et balayer le premier élan démocratique en surfant sur ce mécontentement.
Quelles solutions s'offrent aux nouveaux gouvernants arabes?
Ils ne s'en sortiront pas seuls. Si aucun effort collectif n'émerge pour leur venir en aide, nous allons au drame. Le diagnostic est limpide: les pays nord-africain ont besoin de 300 milliards d'euros d'ici à 2030 pour générer une croissance supérieure à 8% afin d'offrir des perspectives à leur jeunesse. La seconde phase du processus révolutionnaire, celle du rééquilibrage des économies arabes, sera donc décisive.
Les pays occidentaux ne peuvent malheureusement pas lancer de «plan Marshall» comme les Etats-Unis l'ont fait en 1947 pour reconstruire l'Europe: il n'y a plus d'argent dans les caisses. Il faut peut-être aller voir du côté des pays du Golfe. À défaut de milliards, certains proposent d'intégrer la Tunisie dans l'Union européenne. C'est exagéré, mais une chose est sûre: il faut .

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