Mieux formés, ces nouveaux migrants contribuent à enrichir leur pays d’origine mais pas suffisamment pour compenser la perte que leur départ entraîne. Ils y contribuent par les transferts effectués et par l’espoir donné à ceux qui cherchent à développer leurs compétences. Seul leur retour, cependant, pourrait changer la donne.
Sur les trois dernières décennies, la part des migrants dans la population des pays industrialisés a doublé et le volume des transferts dépasse désormais l’aide internationale au développement.
Parmi ces migrants, les plus qualifiés sont de plus en plus nombreux. Cette fuite des cerveaux des pays pauvres vers les pays plus riches n’a-t-elle que des effets négatifs ? Les études réalisées jusqu’ici dans différentes régions du monde ont conduit à des conclusions souvent contradictoires. Qu’en est-il dans les pays du Maghreb, et plus particulièrement en Tunisie ? Un rapport du FEMISE tente d’y répondre (FEM33-16). La question est d’importance car, malgré les politiques toujours plus restrictives en termes d’accueil des travailleurs émigrés, cet exode continue.
Plus d’un million de Tunisiens, soit un dixième de la population, vivent et travaillent à l’étranger, surtout en Europe, et pour moitié en France. « Chaque année ce sont environ quelque 25 000 Tunisiens qui quittent leur pays en raison d’un chômage structurel qui ne leur permet pas de trouver un emploi» confirme Mongi Boughzala, professeur à la faculté des sciences économiques et de gestion de Tunis.
Beaucoup d’obstacles à franchir
Le taux de chômage en Tunisie atteignait 14% en 2010 ( 18% en 2011 avec la baisse d’activité due au printemps arabe). Il est plus élevé encore pour les jeunes, supérieur à 30%, parfois même 40% dans certaines régions. Les diplômés ne sont pas épargnés, en 2008, 21,6% d’entre eux n’avaient pas trouvé un emploi. Si 80% des émigrés tunisiens n’ont pas de formation, parmi les nouveaux migrants, la part des mieux formés ne cesse de croître. Entre 2003 et 2008, le nombre d’étudiants tunisiens en Europe a été multiplié par deux, et le pourcentage de ceux qui y restent travailler est d’autant plus élevé que ces jeunes sont brillants.
Malgré cette fuite des cerveaux, « l’accumulation de capital humain bénéficie-t-elle au pays et contribue-t-elle à la croissance ? Il y a des éléments positifs incontestables, des jeunes plus qualifiés, mieux formés, des transferts en hausse – ils représentent 11% des recettes extérieures de la Tunisie – mais si l’on raisonne en termes de bénéfice net, le compte n’y est pas, les pertes sont supérieures aux gains» ne peut que constater Mongi Boughzala à partir des données qu’il a analysées.
« Il ne peut y avoir bénéfice net qu’à partir du moment où les migrants qualifiés décident de revenir dans leur pays d’origine» nuance l’économiste. C’est vrai pour la Tunisie comme pour le Maroc et l’Algérie. Or, plus ces migrants sont qualifiés, bien intégrés dans le pays d’accueil et bénéficient d’une bonne situation moins leur retour est probable.
La donne va-t-elle changer avec « le printemps arabe » ? « Il reste encore beaucoup d’obstacles à franchir, cela prendra du temps» estime avec prudence Mongi Boughzala. Il faudrait pour cela qu’ils puissent trouver dans leur pays des opportunités d’emploi qui n’existent pas encore aujourd’hui.
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