Europe-Pays arabes : deux mondes irréconciliables ?

Saad Hariri, son épouse, Lara, et leur fils aîné, Houssam (à g.), ont été reçus, le 18 novembre à l’Élysée, par le couple présidentiel. Le Premier ministre libanais a salué « l’attachement de la France au Liban et à sa stabilité ».

Le pourtour méditerranéen est un espace fondamentalement politique, au cœur des actualités. Des actualités qui peu à peu l'affaiblissent.

« Aujourd'hui, la Méditerranée est devenue une mer morte », constate Peter Harling, l'un des contributeurs de ces Méditerranées politiques (PUF) dirigées par Henry Laurens et Matthieu Rey. Les périls du terrorisme et des migrants ont sonné le glas d'un éventuel dialogue entre les deux rives, privilégiant le sécuritaire : coopération entre les services secrets, vente d'armes et alliances militaires.

Les printemps arabes n'auront duré qu'un printemps et, si l'ouvrage s'accorde à souligner les influences positives transmises jadis d'une rive à l'autre – modernité arabe, réformes et nationalisme à l'européenne –, il dessine aussi l'histoire d'une mainmise de type impérial de la rive nord, l'Europe, sur les rives sud. Celles-ci ne sont que la périphérie d'un centre européen, réduites au rôle de gardes-barrières, de voisins et non de partenaires, comme l'ont démontré la mise en place en 2004 de la Politique européenne de voisinage ou l'échec de l'Union pour la Méditerranée, initiée par Nicolas Sarkozy en 2008.
Vestiges mal digérés

S'interrogeant sur l'origine de la Méditerranée comme espace géopolitique, Laurens date cette invention de 1832, lorsque l'adjectif « méditerranéen » devient un substantif, avec l'ouvrage de Michel Chevalier, Système de la Méditerranée(Fayard). L'heure est alors à la réunion entre les deux rives : des scientifiques relèvent la similarité des écosystèmes sur les rivages de cette mer ; on rêve d'un chemin de fer qui en ferait le tour ; la France lorgne sur l'Algérie et l'Égypte, la Grèce, soutenue par l'Europe, secoue le joug ottoman ; on redécouvre l'Antiquité méditerranéenne comme un miroir de l'origine.

Mais c'est aussi le début d'une Méditerranée des empires, français, anglais, puis européen, dont les vestiges mal digérés freinent encore tout vrai dialogue. « La clé pour le rouvrir, écrit Harling, c'est d'accepter que le monde arabe connaît son propre processus révolutionnaire, semblable à celui qui a agité l'Europe à partir de la fin du XVIIIe siècle. »

« Méditerranées politiques », dirigé par Henry Laurens et Matthieu Rey (Puf, 112 pages, 9,50 euros)

Par François-Guillaume Lorrain - Source de l'article Le Point

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