Hawre Khalid, série Al Qosh, Irak, 2014. |
L’IMA chahute les esprits en présentant une exposition éclairante, à la fois historique, culturelle et cultuelle.
Ils sont Arabes, mais ils sont aussi chrétiens, et leurs jours sont peut-être comptés. Au début du XXe siècle, les croyants en Jésus Christ installés de l’Euphrate au Nil formaient 20% de la population du Moyen-Orient.
Ils en constituent aujourd’hui 3%, pas plus. Leur répartition est bien sûr inégale: si le Liban compte plus de 35% de fidèles de Jésus et l’Égypte 9%, la Syrie et la Jordanie en dénombrent entre 2,5 et 6%, la Terre Sainte (Israël et Palestine) et l’Irak, moins de 2,5%. Partout, l’hémorragie n’est pas près de tarir et l’ampleur de leur fuite loin de leurs terres d’origine préoccupe historiens, théologiens et démographes, même si dire que c’est alarmant n’est pas toujours bien reçu.
Il fallait donc une certaine dose de courage à l’Institut du monde arabe (IMA) de Paris pour monter sa grande exposition actuelle, Chrétiens d’Orient. 2000 ans d’histoire, dont le succès ne faiblit pas depuis l’ouverture. Jack Lang, dans la préface du catalogue, rappelle qu’«en ces temps de feu et de sang, le très vieux peuple des Arabes chrétiens fut l’un des acteurs de la modernité de cet oublieux berceau au sein duquel il peine aujourd’hui à conserver sa place».
Fait remarquable, la manifestation aborde tous les aspects de la problématique du christianisme oriental: historique, culturelle et cultuelle. 330 objets sont répartis en quatre parties. La première aborde la naissance et le développement de la foi chrétienne en Orient, du Ier au VIe siècle. On voit qu’en 200 ans, elle fuse comme l’encre sur la soie et gagne tout le pourtour méditerranéen. L’Égypte et la Syrie sont les plus acquises à ce culte débutant. En 303, sous l’empereur Dioclétien, les persécutions atteignent leur paroxysme. Loin de décourager les fidèles, elles renforcent encore leur croyance à travers le culte des martyrs. Dès 313, Constantin décide qu’il n’y aura plus, dans tout l’Empire romain, qu’une seule religion, le christianisme.
Pour l’anecdote, figure dans cette section de l’exposition une ravissante intaille de jaspe héliotrope d’époque romaine, réutilisée sous Byzance et portant un décor gravé, qui a été prêtée à l’IMA par le Musée d’art et d’histoire. Le MAH a fourni notamment une amulette égyptienne d’époque copte en verre vert et une main votive tenant une croix en bronze, ainsi qu’une coupe byzantine en argent martelé.
La 2e partie de l’exposition traite du devenir des Églises orientales après la conquête arabe, entre le VIIe et le XIVe siècles. Sous le couvert de leur statut dhimmis (protégés), les chrétiens conservent pouvoir, richesse et influence, même si leur nombre commence à décroître.
Les Églises orientales entre Orient et Occident font l’objet de la 3e partie. Les fidèles du Christ prospèrent grâce à l’unification de la Méditerranée sous le manteau ottoman. Pèlerinages et échanges commerciaux avec les ports européens enrichissent melkites, maronites et Arméniens. L’histoire de l’art brille du renouveau de l’icône. Une lettre étonnante de Soliman le Magnifique à François Ier figure dans l’exposition; elle accorde, en 1528, protection aux chrétiens. La 4e partie passe en revue renoncements, exils et massacres: en Syrie, en 1860; en 1915, c’est le génocide des Arméniens par les Turcs. Elle raconte la difficulté d’être chrétien dans le monde arabe d’aujourd’hui. Des artistes photographes expriment en images la diversité de leur quotidien. Une exposition remarquable à voir et à méditer.
«Chrétiens d’Orient. 2000 ans d’histoire», Institut du monde arabe, Élodie Bouffard et Raphaëlle Ziadé commissaires, jusqu’au 14 janvier 2018. Infos: www.imarabe.org (TDG)
Par Pascale Zimmerman - Source de l'article Tgd
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