Dans les rues de Hammamet, station balnéaire à 60 km de Tunis, les touristes, notamment français, sont rares en ce début de saison. La Tunisie, destination jadis prisée, est boudée par nos concitoyens depuis la révolution de 2011. Les campagnes de publicité ont répondu aux violences salafistes, mais, pour l'instant, les résultats ne se font guère sentir.
Pour la Tunisie, le secteur du tourisme, qui représente 7 % du PIB et 400.000 emplois, est stratégique. Deuxième pôle d'activités, il arrime, plaident ses supporteurs, la Tunisie à l'espace nord méditerranéen, les femmes en Bikini, l'alcool et la musique étant des antidotes aux bouffées délirantes islamistes.
Le ministre des Finances, Elyes Fakhfakah, a déjà admis, il y a une quinzaine de jours, que la Tunisie aura encore une fois du mal à atteindre en 2013 son niveau d'avant la révolution. «On n'aura peut-être pas les 7 millions de touristes (l'objectif annuel que se fixe à terme le pays), mais 6,5 millions, soit mieux qu'en 2012, mais à moins 15 % par rapport à 2010», l'année de référence, la dernière avant la révolution.
Les étrangers ne jouent pas les victimes. «De toute façon, il faut faire attention partout», clame, fataliste, un Néerlandais, qui se sent nullement en insécurité. «Il y a des policiers à l'entrée de la ville, et on les voit partout», ajoute-t-il. «C'est le prix qui m'a décidé à venir. Il fait beau, c'est pas cher», dit-il, content à la terrasse d'un café de la médina Yasmine de Hammamet sud. Le long des bateaux défilent Allemands, Belges, Anglais, Russes, Polonais… Mais guère de Français, sans doute retenus dans leurs hôtels «all inclusive» en ce chaud milieu d'après-midi.
La fête dans les boîtes de nuit
Revenus de l'étranger où ils effectuent leurs études, Mawel en France, Fatma à Londres, Khalil au Canada, cette petite bande de Tunisois s'est reconstituée, comme chaque été, pour les vacances. Ils ont bien sûr constaté la moindre affluence et la vie plus chère. «Ça suit l'inflation», dit celui qui doit être dans une école de commerce. Sinon, assurent-ils en chœur, rien n'a changé. À les en croire, l'ambiance en boîte serait même «pire» que l'an passé, c'est-à-dire plus festive, avec plus d'alcool, de filles et de musique. Hammamet sud est plutôt bas de gamme, Hammamet nord, plutôt haut de gamme. Les deux entités sont séparées par trois boîtes de nuit - le Calypso, le Pacha et l'Oasis - où sont annoncés les DJ Dash Berlin, Carl Craig qui, semble-t-il, est célèbre, et celui qui a déjà un nom: César Merveille.
Arrivé à Hammamet nord, Philippe Fourati retrace l'histoire du tourisme à Hammamet. Son père dirigeait l'un des tout premiers hôtels de Hammamet, dans les années 1960. «C'était comme Saint-Tropez, très jet set», se souvient Philippe Fourati, qui a ensuite pris en main le Simbad, le premier 5 étoiles de Hammamet, en 1979. Puis a été construit Hammamet sud, la Tunisie se lançant dans le tourisme de masse, le royaume du «all inclusive». La famille Fourati a suivi, ouvrant elle aussi son «club» en 1993.
C'est dans ces années 1990 que le modèle s'est grippé. La Turquie et l'Égypte ont commencé à sérieusement rogner des parts du marché. Le Maroc montait en puissance. De leur côté, les Européens se détournaient peu à peu de ces hôtels usines où on bronze idiot, loin de tout, sans rien voir du pays et de ses habitants.
Les islamistes, qui ne sont pas des gais lurons, se méfient des influences de l'Occident, et ils ont tout fait pour détruire un secteur dont les fondations avaient été minées par le clan Ben Ali et tous ceux qui se sont enrichis en construisant des hôtels sans offrir de réel produit touristique. Un banquier avance des chiffres astronomiques sur les «ardoises douteuses» dans ce secteur, et le nombre d'hôtels aujourd'hui à «liquider», pour «épurer» le marché. Les banques risquent d'être touchées. Sans compter tous ces Tunisiens qui vont rester sur le sable.
Source de l'article Le Figaro
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