Le soutien
des Européens à la Tunisie ne doit pas se transformer en un moyen de réhabiliter
des personnes et des groupes contre lesquels les Tunisiens se sont révoltés en 2011.
Les différentes
façettes de la coopération entre l'Europe et la Tunisie
L'Union européenne
(UE) est le principal partenaire commercial de la Tunisie. Celle-ci, à travers
ses Etats-membres, a acheté pour € 9,9 Mds [de produits] sur le total des € 11,8
milliards d’exportations de la Tunisie en 2011, les deux tiers de
l'investissement direct étranger en Tunisie proviennent de l'UE et la Tunisie a
été le premier pays méditerranéen à signer un accord d'association avec l'UE,
en Juillet 1995. Enfin, près de deux tiers des touristes qui visitent le pays
chaque année viennent d'Europe.L'UE a salué la révolution de jasmin en Tunisie,
dès les premières manifestations début 2011, et a affirmé son soutien à la
transition politique du pays. Par l'intermédiaire de son représentant à Tunis,
l'UE a pu contribuer de façon remarquable au processus démocratique. Ses
conseils et suggestions ont concerné des domaines aussi variés que l’économie,
la politique, la culture et le social.Avec le soutien politique et financier de
l'UE, le projet « UE-Tunisie Migration Agenda Coopération » (ETMA) est mis en œuvre
en partenariat avec le gouvernement tunisien.
Au-delà de la
coopération inter-étatique, le soutien à la société civile
Outre l'économie
et le processus politique pur, le financement de la société civile dans les
pays en voie de transition démocratique est d'une importance extrême. Pour tout
le monde. Le développement de la société civile mobilise les gens, les
organisations et les organismes gouvernementaux pour améliorer leurs communautés
et encourager une bonne gouvernance.C'est pourquoi les bailleurs de fonds pan-européens
- gouvernements, fondations, instituts, ONG ... - doivent soutenir les projets
démocratiques ambitieux de la Tunisie et les initiatives sérieuses, en
particulier dans les domaines des droits de l'homme, de la culture, des médias
et de la création d'emplois. Les outils disponibles sont divers : financement
direct par attribution de subventions, participation à des programmes de
formation, étéblissements de partenariats... Les start-ups tunisiennes comme
les jeunes militants peuvent être appuyés et contribuer [ensemble] à la mise en
œuvre des droits de l'homme et de la démocratie.
Priorité à la
lutte contre la pauvreté
La société civile
tunisienne peut également jouer un rôle dans l'effort de création d'emplois et
l'éradication de la pauvreté et des disparités régionales. Lutter contre la
pauvreté et développer la démocratie des facteurs essentiels de rétablissement
de l'économie tunisienne et de succès du processus démocratique. [Cette double
action] constitue un élément-clé pour rétablir la sécurité et garantir la
stabilité du pays, et donc autant de moyens de limiter, voire éradiquer, le
crime organisé et le terrorisme transnational.En fait, la lutte contre la
pauvreté, pour le respect des droits de l'Homme et la défense de la liberté de
l'information, à travers l'action de la société civile, est indispensable pour
faire face à toutes formes d'extrémisme.Beaucoup de soutien, principalement
financier, a également été fournie par le secteur privé et la société civile en
Europe.
La démocratie contre
le chaos
Il est
aujourd'hui important que tout cet argent, et toutes les autres formes de
financement soient redirigés vers les bonnes personnes, les bons programmes et
les bonnes activités.
Les récents événements
en Egypte ont montré le danger que pouvait représenter une assistance financière
et logistique si elle était mal utilisée ou si elle était destinée à des entités
et des personnes non-identifiées - et parfois suspectes.
Pourtant, la
plus grande menace qui pèse sur l'expérience démocratique en Tunisie, et
ailleurs, reste les affaires de corruption et la puissance des lobbys
politiques - qui ont survécu au régime dictatorial déposé en 2011. La plupart
de ces groupes d'influence demeurent très influents et continuent à défendre
leurs intérêts par tous les moyens possibles. Ils contrôlent toujours les médias
du pays et la plupart d'entre eux sont très actifs dans la société civile. Et
ils continuent à recevoir un appui financier énorme, de l'Europe et d'autres
pays.
Cela signifie
qu'ils bénéficient toujours de l'argent européen qui est théoriquement destiné
à responsabiliser la société civile, les médias et les partis politiques.
Orientations
politiques et idéologiques sont souvent prises en compte lors du financement
des ONG et d'autres initiatives, souvent en dépit de leur fond (corrompu) et
malgré leurs échecs passés et présents.
Un rapport
publié sur Aljazeera.com a exposé un
exemple récent de la manière dont certains financements des organisations de la
société civile peuvent s’avérer être dangereux pour la démocratie. Le Wall
Street Journal a également publié un rapport portant sur le rôle suspect que l’
«État profond» peut jouer lorsqu'il s'agit pour lui d'entraver un processus démocratique
ou de renverser des régimes démocratiquement élus.
Il est grand
temps de comprendre que le financement de ces personnes et organisations
corrompues et suspectes, par tous les moyens et via n'importe quel canal, peut
se révéler très dangereux. Pour la jeune et fragile démocratie en Tunisie, mais
aussi pour ses voisins et partenaires historiques.
Pas d'angélisme
face au risque de retour en arrière
Les bonnes
intentions ne suffisent pas lorsqu'il s'agit de la sécurité et de l'avenir des
jeunes générations de la région méditerranéenne. Lors du financement de la société
civile et de l’établissement des politiques de partenariat, il est aujourd'hui
important d'identifier qui est qui et de déterminer les véritables agendas de
chacun.
Les expériences,
passées comme présentes, montrent que les erreurs de calculs aboutissent
souvent à la restauration des dictatures. Les mêmes dictatures qui ont donné naissance
à différents types d'extrémisme dans la région.
Avant 2011,
seule une poignée d'organisations de la société civile tunisienne (OSC) étaient
actives et indépendantes. Aujourd'hui, le nombre d'OSC a atteint 15.000, selon
des sources gouvernementales. Très peu d'entre elles sont actives et encore
moins rendent compte de leurs sources de financement et des informations
concernant leur budget.
Les articles 35
à 44 de la loi 88-2011 organisant les associations en Tunisie offrent une procédure
de comptabilité exhaustive et requièrent des OSC qu’elles présentent un plan
financier strict. Très peu d'associations répondent à ces règles et de
nombreuses actions de certaines sociétés civiles et leurs activités sont
aujourd'hui considérées comme suspectes en Tunisie. Leurs politiques de
financement sont critiqués pour leur manque de transparence et de nombreuses
ONG reçoivent beaucoup de financement, mais ne témoignent d’aucune activité sur
le terrain.
Par Mourad Teyeb - Source de l'article JOL Presse
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