La 12e conférence FEMIP à Athènes a mis
à l'honneur la croissance bleue en Méditerranée. Ce modèle de développement
utilisant les ressources variées de la mer disposerait d'un potentiel de 500 à
600 mrds €.
BEI,
Commission européenne et OMI s'affirment aujourd'hui comme une troïka pour la
croissance ! " Le trait d'humour de Philippe de Fontaine-Vive,
vice-président de la Banque européenne d'investissement (BEI), a fait mouche
dans un pays soumis à la diète du FMI et de l'Union européenne. Et a même
esquissé un sourire du premier ministre grec, Antonis Samaras, présent dans la
salle.
Organisée
à Athènes les 18 et 19 avril 2013 par la BEI, la Commission européenne et
l'organisation maritime internationale (OMI), la 12e conférence de la FEMIP
(Facilité euroméditerranéenne d'investissement et de partenariat) rassemblait
politiques, avec pas moins de huit ministres, et experts autour du thème "
une économie bleue pour la Méditerranée : renforcement de la coopération marine
et maritime. " Ce sujet ouvrait sur un optimisme, pourtant peu de rigueur
sous les nuages économiques. Avec la volonté des trois initiateurs
d'"affirmer leur engagement à travailler collectivement et en partenariat
pour soutenir une économie bleue durable dans la région méditerranéenne "
et de " développer au maximum la coopération dans la région entre tous les
pays riverains."
"
L'Europe ne peut pas se contenter d'être synonyme de crise. La croissance bleue
est un message d'espoir " lance Maria Damanaki, membre de la Commission
européenne chargée des affaires maritimes et de la pêche. " Il faut donner
des images positives de l'économie maritime qui reste une source d'espoir pour
les Méditerranéens. Nous disposons de pépites qui se développent de plus en
plus" renchérit Philippe de Fontaine-Vive. "La mer est une ressource
que nous pouvons exploiter à condition de conjuguer nos efforts " prévient
Antonis Samaras.
Des perspectives économiques de 600
mrds €
Tasos
Mitsopoulos, ministre chypriote des Communications et des Travaux publics
depuis seulement un mois, confirmait "un besoin d'approche commune,
d'actions vers une gestion intégrée et intelligente des ressources de la mer.
" Et insiste sur la nécessité d'urgence. Pour Kostis Moussouroulis,
ministre grec chargé de la marine marchande et de la mer Égée, "les
peuples méditerranéens peuvent se rassembler sur trois priorités : le
renforcement des transports maritimes, le développement des infrastructures
pour le maritime et la formation."
Frédéric
Cuvillier s'essaie même au pronostic : "les perspectives économiques que
peut apporter la mer s'élèvent entre 5 et 600 mrds €. Quel secteur est
susceptible d'offrir un tel potentiel de croissance ?"
Cette
unanimité fut à peine entachée par quelques phrases issues de discours et
rappelant, malheureusement, que le chemin vers l'union méditerranéenne reste
encore long. Chypre y allait de son couplet sur l'embargo turc, Ali Zedan Abu
Zuhri, ministre palestinien des Transports, n'oubliait pas à nommer Israël qui
freine ses projets et ses exportations... Mais l'essentiel se trouvait bien
ailleurs et la tribune offerte après les discours politiques aux experts fut
exclusivement utilisée pour souligner un avenir de coopération pour des nations
réunies par la Méditerranée. " Le bassin méditerranéen offre de nombreuses
opportunités, l'aquaculture, le transport maritime, l'exploitation de
ressources naturelles. Nous avons besoin d'investissements" lance Edouard
Zammit Lewis, secrétaire parlementaire maltais chargé de la compétitivité et de
la croissance économique auprès du ministère de l'Économie dont le pays
organise les 21 et 22 mai 2013 à La Valette les journées maritimes européennes.
Clusters maritimes
Plusieurs
grands chapitres émergent de ces différentes interventions de la conférence
d'Athènes et permettent d'irriguer le concept de croissance bleue : Le
lancement de pôles maritimes (clusters) et la promotion de la mise en réseau
des instituts de formation, l'élimination des divergences pour une sécurité et
une surveillance efficace, l'exploitation des synergies entre les projets.
Le
premier point repose sur la consolidation des pôles maritimes en les fédérant
et en encourageant tout en facilitant leur création là où ils n'existent pas
encore. "Faites des clusters dans les pays méditerranéens et faites des
réseaux avec tout ce qui existe en Europe" exhorte Philippe de
Fontaine-Vive.
"Nous
constatons encore beaucoup de différences entre les clusters européens. Nous
essayons de les harmoniser, mais aussi d'engager des coopérations avec d'autres
clusters en dehors de l'Europe" explique Francis Vallat, président du
European Network of maritime Clusters. Pour Iolanda Piedra, présidente du
Cluster maritimo de Baleares, " le potentiel pour créer un cluster
maritime en Méditerranée occidental existe. Reste à savoir quel territoire
couvrir, qui doit en faire partie les organisations patronales, syndicales,
gouvernementales, les centres d'investissements... Nous pensons que tous
doivent y être pour que la mise en œuvre d'une politique soit plus rapide et
efficace en cas de consensus. " C'est bien l'avis de Frédéric Cuvillier
qui prône "la promotion du développement des clusters maritimes par la
relance des échanges,entre les différents pays méditerranéens, quelque soit la
rive !"
"Ces
clusters devraient porter sur la promotion de l’entrepreneuriat. Il faut
attirer les investissements dans tous les secteurs de l'économie bleue"
affirme Kristian Krastev rejoint par le ministre grec : "le secteur privé
doit embrasser cette initiative car le bassin méditerranéen s'offre aux
investissements massifs. " Et de pointer une industrie pourtant lucrative,
celle des croisières. "Le tourisme de la mer est une locomotive qui manque
encore d'allumage. La Grèce est le troisième pays mondial en nombre d'arrivées,
mais seulement le sixième en terme de dépenses."
Vers un centre méditerranéen de la
connaissance maritime
Le
second chapitre, l'élimination des divergences pour une sécurité et une
surveillance efficace, doit répondre à la croissance constante de l'activité
maritime en Méditerranée, qui représente 15% du trafic maritime mondial. Déjà
des conventions avec l'IMO permettent aux pays méditerranéens de mieux assurer
la sécurité des transports sur mer. Les intervenants suggèrent de définir les routes
de navigation et les dispositifs de séparation de trafic pour renforcer la
sécurité de la navigation. Il faut penser également aux incidences
environnementales des activités économiques et là encore, la surveillance
s’avère essentielle.
La
croissance bleue ne peut s'appuyer que sur une croissance verte. "La
collecte de données et la surveillance par satellite, de même que l'application
à venir de la navigation électronique, sont deux ressources qui peuvent être
utiles à des fins de protection de l'environnement" commente ainsi Andrew
Winbow, secrétaire général adjoint de l'OMI.
Autre
grande revendication, l'établissement d'un centre méditerranéen de la
connaissance maritime qui permettrait de concentrer virtuellement toutes les
données pour mieux les partager. Zdendo Antesic, ministre adjoint croate chargé
des Affaires maritimes, des transports et des infrastructures souligne ainsi
que " le secteur maritime doit être plus attrayant avec des acteurs très
qualifiés. "Pour Kristian Krastev, ministre bulgare des Transports, de
l'informatique et des communications, " dans le domaine maritime, le rôle
de l'UE n'est pas assez développé." Il suggère de "renforcer les
liens maritimes avec les voisins européens."
Synergie obligatoire pour les projets
Enfin,
la synergie doit vraiment se développer en Méditerranée pour réussir une
croissance bleue qui profite à tous. Comme l'expliquait Ahmed El Wakil,
président des chambres de commerce égyptiennes : " ces projets sont trop
importants pour ne pas être réalisés. Malheureusement beaucoup ne se
connaissent pas entre eux ou insuffisamment. Nous réinventons sans cesse la
roue. "Flavia Palanza, directrice de la FEMIP, appelle à ne pas oublier le
"développement de l'hinterland avec notamment l'interconnexion de
transports respectueux du développement durable."
Autant de suggestions qui serviront à abreuver
les discussions des ministres des transports européens et méditerranéens en
novembre 2013 à Barcelone. "Car c'est à ce niveau que se prennent les
décisions. Notre conférence donne aujourd'hui du grain à moudre aux ministres.
Nous posons des jalons. Nous avons donc
sept mois pour progresser sur ce chemin" souligne Philippe de
Fontaine-Vive. Même si, comme l'affirmait Frédéric Cuvillier, ministre délégué
français auprès de la ministre française de l'écologie, du développement
durable et de l'énergie, en charge des transports, de la mer et de la pêche,
"la Méditerranée reste une des régions du monde les plus frictionnelles et
les plus interdépendantes, il faut une Méditerranée commune." Là se situe
bien le challenge de l'économie bleue.